samedi 15 février 2020

mardi 23 septembre 2008

Chroniques d'un petit berbère d'El Aderj



ADERJ, LE CENTRE DU MONDE, LE LIEU OÙ SE TOUCHENT LE CIEL ET LA TERRE




Le 05 juillet 2021

Impressions d'un soir si calme et rassurant sur la terrasse du "Nid de la Merja"-Moulay Bousselham (Nom donné à mon nouveau domicile, avec vue superbe sur le lagon bleu de Moulay, appelé la Merja Zarga). 


Il est 20 h 30. Un bonheur que de profiter de ce paysage féerique en écoutant mes amis Jil Jilala que j'ai fréquenté longtemps à Tanger. Les circonstances s'y prêtent bien, vus tous les sacrifices que les Forces Armées Royales ne cessent de faire pour nous protéger et nous sécuriser.
 

Merci à vous mes camarades qui servez toujours aujourd'hui et contribuez à la pérennité de notre nation.


Voici la vidéo que mes amis Jil Jilala avaient dédiée aux Forces Armées Royales les années 70. (Mes amis Moulay Tahar, Abdelkrim que j'appelai "Souiat", la petite voix, et Hassan). Ils mentionnaient déjà les monts Gargarates, là où est actuellement situé le point de passage entre le Maroc et la Mauritanie, via le Sahara Marocain pour rejoindre l'Afrique subsaharienne par la route.



 et Azor est toujours là. Indéracinable tel ce chêne centenaire et survivant de ce site du Moyen Atlas, berceau d'Azor. Incroyable, les méfaits de la déforestation. 

Il s'agit du lac Aguelmam N'Sidi Ali à Midelt-Moyen ATLAS 


Humeur du 30 janvier 2020 au Nid du Lac

Nid du Lac, nouveau gîte d'Azor à Oualidia, vue sa proximité d'une réserve naturelle qui abrite beaucoup d'oiseaux. La vue est de la terrasse du Nid

D'une humeur gaie et joyeuse, Azor savoure des moments exceptionnels, juché sur sa terrasse; sa loge privée qui surplombe le lac en face. Des événements uniques  s'y déroulent sous ses yeux.
Les premières pluies du 24 janvier 2020, ont bien renouvelé et rempli le lac en face du Nid du Lac. Les mouettes, poules d'eau, et d’autres oiseaux ont repris possession des lieux. Les crapauds me le rappellent avec leurs concerts nocturnes. Un plaisir que de savourer ce spectacle naturel à partir de ma loge privée, ma terrasse du Nid du Lac.

Jugez-en vous-mêmes chers lecteurs et lectrices à travers cette vidéo réalisée par nous-mêmes.


Sans oublier les tourterelles, les merles, les moineaux qui viennent en toute confiance se sustenter et s'abreuver sur la terrasse du Nid du Lac, sous le regard bienveillant d'Azor. Un dû, car on a pris possession de leur ancien habitat, où on a construit en toute impunité

                                  Mes préférées les tourterelles. Elles sont là, sur les volets du Nid du Lac, attendant un peu de nourriture, et d'attention

                                             Tourterelles, merles, moineaux ripaillant sur la terrasse

"Le nid du Lac"

Nom donné au nouveau gîte d'Azor à Oualidia, vue sa proximité d'une réserve naturelle. La vue est de la terrasse du Nid.

                              Oualidia, pays des Abdas, le 21-11-2019
Azor a nouvellement élu résidence à Oualidia où il loue l'étage d'une villa à proximité d'un lac naturel, fréquenté par de nombreux oiseaux migrateurs. À 200 mètres de la lagune de Oualidia sur l'océan atlantique, sud d'El Jadida. Oualidia, une petite ville propre et calme, étant loin des grandes villes est un havre de paix pour ceux qui cherchent la paix et la douceur de vivre. La pêche en bord de mer, les footings et promenades dans les forêts environnantes, restent le seul souci d'Azor. Il s'en accommode merveilleusement. Son premier geste, fut d'aménager la terrasse de la villa en face du lac. Il l'a surnommée le "RIAD du NID du LAC". Des fleurs, et des plantes qu'il a acquis dans des pépinières locales, ornent le petit espace, agrémenté récemment par l'ajout d'une fontaine artisanale fabriquée localement. Un vrai havre des paix où Azor écrit, médite et savoure ses vieux jours de colon à la retraite.

 La terrasse du "Nid du Lac", dite le "Riad"



                                           Le nouveau havre de paix d'Azor à Oualidia.




 Heureux événement encore, Tannirt, l'amie d'Azor lui a fait une bonne surprise. Elle devait recevoir un livre venant de France et destiné à Azor, il y a déjà 6 jours; 
Il a été envoyé par poste par un grand ami à lui. 
Pour éviter que le roman ne se perde dans les dédales des postes marocaines qui desservent mal la campagne particulièrement, et pour éviter toute mauvaise aventure, la perte du colis, Azor a recommandé à son ami l'écrivain de l'envoyer à l'adresse de Rabat où sa copine habite. 
Il s'agit de PIERRE-MARIE BEAUDE, l'immense écrivain français de Chalons-sur-Marnes qu'Azor a eu le privilège de rencontrer au salon du livre de Tanger.
Il s'agit de son nouveau roman: 
                              "LAOMER, la nouvelle histoire de Lancelot du Lac."

Merci Pierre-Marie. Tu sais que j'avais déjà écrit l'histoire de Lancelot, le chevalier que je sublime sur mon blog "Chroniques d'un petit berbère d'El Aderj". 
Le berbère Azor, chef du fief de Hamria à Meknès, avait capturé Lancelot, chevalier de la Charrette et Guenièvre (2 lapins, un mâle et une femelle) qu'Azor avait acheté pour les arracher à une petite cage où ils croupissaient chez un éleveur. 
Le mâle en robe noir et blanc, est surnommé "Lancelot", et la femelle "Guenièvre". Une histoire d'un grand amour.

pendant leur escapade dans le pays Maure de Meknès. Il les avait logés sous sa tente berbère, et les avait aimés.
"Voici l'URL de mon blog dont tu as si bien parlé dans tes mails que tu m'avais adressés: www.petitberbere.blogspot. com 

     Lancelot et Guenièvre roucoulant sous la tente berbère dans le pays maure en 2010.
                                                           
                                                   Lancelot, pris en flagrant délit. Bon chrétien, il n'a
 jamais cessé de procréer

                              Lancelot et Guenièvre en compagnie de leurs lapinous sous la tente d'Azor.


Le dernier livre, cadeau de mon ami Pierre-Marie Beaude
                                         
                                               Dédicace de Pierre-Marie à Azor: "À toi Azor, petit berbère, ami des racines, des souvenirs d'enfant des villages de la montagne; des douces et paisibles traditions. Ton ami, Pierre-Marie Beaude

 Une surprise donc pour Azor qui recevait 6 dames de Rabat, et non des moindres. Il y avait parmi elles, la grande écrivaine marocaine NOUFISSA SBAI, qui a écrit entre autres : "L'AMANTE DU RIF" et "l'Enfant endormi."


02 juin 2018

UN DEUIL DOULOUREUX ET IMPRÉVU AU RANCH!

J'ai présenté plus bas deux fidèles compagnons qui tiennent compagnie à Azor. Lola, et Papillon, les chiens errants adoptés et protégés par Martine, ma voisine d'en face. Depuis 3 jours, seule Lola vient me rendre visite sans Papillon. Je ne me doutais pas du tout de la disparition de Papillon.

       L'ingénu aux yeux turquoises. Tu étais jeune et innocent. Adieu mon ami!

 

J'ai tout de même douté du comportement inhabituel de Lola. Elle cherchait à rentrer à l'intérieur de la maison et ne cessait de gémir. D'habitude, elle se limitait au jardin. Je ne pensais pas un moment qu'elle cherchait son compagnon qu'elle a perdu à mon insu.

 Aujourd'hui, je me suis inquiété de sa disparition qui a un peu duré. J'ai appelé Martine qui était absente une dizaine de jours, en vacances, et qu'elle fut ma déception quand elle m'a annoncé que Papillon était décédé. Elle l'a su en rentrant. Saisi d'émotion, éploré, je n'ai pu retenir quelques larmes en souvenir de ce jeune chiot qui ne papilloterait plus désormais dans l'environnement du Ranch où il affectionnait à venir passer quelques moments en ma compagnie. Hélas! La vie est cruelle et ne pardonne pas aux faibles et malades. ADIEU mon ami PAPILLON, je fleurirai ta tombe régulièrement. Promis.

La demeure définitive de PAPILLON. Derrière la maison de Martine, et en face du Ranch, à l'abri de ce buisson où il se réfugiait pour se mettre à l'abri des chaleurs estivales.




HUMEUR D'UNE JOURNEE PRINTANIERE À MOULAY

Ma tourterelle 

En revenant cet après-midi du 10 juin 2018, d'une partie de pêche, j'ai été surpris de trouver dans le jardin du ranch, ma maison, une belle tourterelle. 
J'avais essayé de l'approcher, mais elle s'effarouchait et s'envolait. Son envol finissait hélas dans les murs du "Ranch". Handicapée, j'avais fini par l'attraper. J'étais inquiet. Aurait-elle été abattue avec une pierre par un passant? Un chat l'aurait-il attrapée et blessée? Heureusement non ! Il s'agissait d'une jeune femelle qui s'essayait au vol en quittant son nid.

Frêle et victime de sa jeunesse, elle s'était résignée à passer la nuit hors de son milieu naturel chez Azor. Je lui avais donc aménagé un nid de fortune à l'abri des prédateurs, en attendant que le lendemain, je la relâche en toute sécurité dans la nature avec ses congénères, locataires du Ranch d'Azor. 
En effet, en la plaçant le lendemain en plein air, devant le Ranch, elle a pu s'envoler avec les autres. SAUVÉE donc.
Pourquoi elle se trouvait là? L'environnement du Ranch est simplement campagnard. Les vaches, les moutons, les oiseaux de toute sorte, les chiens errants, viennent rendre visite à leur milieu naturel qu'est le lotissement des villas que l'homme s'est accaparé sans vergogne. Alors, j'ai décidé de nourrir tous les oiseaux, particulièrement ceux qui viennent revisiter leur ancien gite. Je leur ainsi réaménagé un milieu convivial et sécurisant. J'ai installé dans la rue non passante en face de chez moi, un point d'eau où ils peuvent s'abreuver, et parsemé des graines de blé et des miettes de pain pour les sustenter. Couvercle d'un tajine servant d'abreuvoire


 Ils arrivent par dizaines. Tourterelles, moineaux (Mon ami pierrot), les étourneaux destructeurs des vergers, les alouettes, et les merles baigneurs. Sans oublier les vaches et les bœufs en rut. Magnifique spectacle toutes les fins d'après-midi quand je m'installe dehors pour contempler ce monde insolite et convivial. Ils picorent côte à côte sans se gêner les uns les autres.  
Le RANCH, c'est ça !!!! Isolé qu'il est, étant loin du centre de Moulay Bousselham. La faune y a toujours ses droits, et je m'efforce à les lui assurer, en la protégeant autant que je le peux. 
                                    
          Un nid de fortune dans une pièce du rez-de-jardin du "Ranch"



                                          Une mouette agonisante

Je suis allé ce matin du 17 avril 2018 à la mer dans l'intention de profiter d'une très belle journée bien ensoleillée, pour pratiquer la pêche en bord de mer, mon activité préférée à Moulay. Je pousse toujours aussi loin que possible pour échapper à la promiscuité et aux indiscrétions des villageois et des visiteurs occasionnels de Moulay. Je pousse donc jusqu'au niveau d'un rocher que j’avais surnommé "les dents de la mer". Il demeure mon poste de pêche préféré sur une des nombreuses plages de Moulay Bousselham.

 Isolée et loin du village de 8 km , cette plage demeure un havre de paix, étant donné son éloignement qui fait qu'elle reste inaccessible aux estivants envahissants, ainsi qu' aux villageois du centre Moulay. Seuls les pêcheurs à la ligne des villages locaux, très peu nombreux et conviviaux, la fréquentent.
 Les dents de la mer est le nom de ce rocher, qui ressemble à une           gueule de poisson avec des dents acérées. Les flots de l'océan sont terribles et régulateurs. Ils façonnent tout ce qu'ils touchent à leur guise. Ils ont bien envoûté Azor qu'ils impressionnent et subjuguent. On ne peut trouver expression aussi belle pour décrire ces lieux féeriques et reposants:

"SUBLIMES ET ENVOÛTANTS" 

Les dents de la mer         
                               
         

La plage préférée d'Azor qu'il a surnommé "Les dents de la mer"
                                       

Arrivé sur les lieux, j'avais trouvé une mouette accroupie et en mauvaise posture. Ça m'avait fait mal de la voir impotente et à la merci des prédateurs. Est-ce de vieillesse ? Est-elle blessée ? 
Je réalisais alors combien les animaux sont courageux et nobles; ils meurent seuls sans assistance aucune! Je m'en étais approché sans l'effaroucher. Elle se levait en titubant, mais elle retombait à chaque essai. Elle ne tenait pas sur ses pattes.
je lui avais donné quelques arénicoles qu'elle a avalée tout de suite, et du pain qu'elle avait dédaignée.Triste et pénible situation. La pieuvre quand elle n'est pas loin de sa fin, elle rentre dans son trou d'où elle refuse de sortir jusqu'à trépas s'en suive.
                                      Que tu es belle petite mouette!  

En arrière plan, ma dulcinée (ma canne à pêche) qu'on voit à peine, car en bambou, couleur de sable. 
Une plage interminable, belle et propre. Hélas des drames s'y déroulent fréquemment aussi; la nature s'auto régulant d'elle-même, indifférente aux douleurs des hommes et des êtres vivants, ceux-là mêmes qu'elle a enfantée, l'homme en particulier qui la défigure. Ce thème fera le prochain conte imaginé par Azor. 

                           Ma dulcinée. Racée, En bambou, élancée et à mon écoute toute la journée
Laissant là, la pauvre bête, j'étais allé plus loin à la quête du poisson.
En revenant plus tard vers les dents de la mer, j'ai cherché la mouette, elle n'y était plus. J'avais l'intention de la ramener au ranch (La maison que je loue à Moulay) pour la soigner, la nourrir jusqu'à sa guérison éventuelle en compagnie de "Lola et Papillon", la chienne et son compagnon, appartenant à ma voisine Martine, agent immobilier à Moulay 

AGENCE IMMOBILIERE " ESPACE DE RÊVE " 

. Hélas, la marée haute m'avait devancée. 
               Le Ranch, la villa qu'Azor loue à l'année à Moulay Bousselham

En se retirant, elle l'a ramenée dans son milieu naturel, les flots de la mer l'ont probablement soulagée pour toujours de ses souffrances à cette heure-ci. J'étais sincèrement éploré et un peu coupable de ne pas l'avoir éloignée du rivage en attendant mon retour. Repose en paix, là où tu te trouves à cette heure-ci petite mouette. Aux "dents de la mer" peut-être? As-tu pu t'envoler dans un dernier sursaut? Oh si seulement tu aurais pu!!!

      Jean Zibart chantant "Amour d'un marin pour une mouette". Merci à You Tube.



Au retour à la maison, j'ai raconté l’événement à "Lola", elle m'avait dit qu'elle compatissait et que c'était dommage de l'avoir privée d'une compagne qu'elle aurait bien aimée avoir.


  Papillon, le compagnon de Lola. Jeune, ingénu et ne tenant pas en place (d'où son nom), il demeure pathétique et adorable. À eux deux, ils sont une compagnie bénéfique et réconfortante pour Azor qui vit en solitaire au Ranch. Ils lui offrent chaque jour un bon moment de soutien et de plaisir quand ils viennent se sustenter au Ranch, toujours au crépuscule si paisible de Moulay.
                       
 Lola, capricieuse, facétieuse et séductrice, elle mène Azor par le bout du nez. Il se ruine en lui préparant des tajines de jarrets de bœuf. Hi hi. De souche retriever, elle est magnifique et racée.



                                              Les complices adorables chez Azor.

                                          Papillon, l'ingénu aux prunelles turquoises



 Chers lecteurs et lectrices! Si les articles ajoutés récemment vous ennuient, car à chaque fois circonstanciels selon l'humeur du moment d'Azor, prière d'aller plus bas pour rentrer dans le sujet de ce blog qui traite des péripéties d'un petit campagnard marocain des années 60. (C'est au niveau de la photo d'Azor en uniforme des Forces Royales Air Marocaines "FRA").

Merci de votre compréhension

HUMEUR D'UN SOIR PRINTANIER À MOULAY

18 heures-25 avril 2015 sur ma terrasse, dominant le lagon bleu de Moulay Bousselham dit "Lmrja azzarka", le marais bleu. Je savoure un Boulaouane gris, racé et bien épicé. Je contemple les premières étoiles naissantes en écoutant ZINA DAOUDIA, la chikha marocaine, chanteuse de Folk local pur et dur. 
DAOUDIA que j'affectionne et aime si bien. (Je l'ai côtoyée si près à l'hôtel AL Kheima à Tanger où elle avait offert une soirée musicale digne de sa personne. J'étais en compagnie de mon ami MOULOUD, un garçon adorable qui m'avait invité pour l'occasion à l'époque. (2007).

Elle chante "LMMOUIMA"qui veut ditre "PETITE MAMAN".
 ECOUTEZ si vous appréciez le patrimoine folklorique national, unique au monde et bien MAROCAIN, le beau pays qui a bercé mes espoirs, mes rêves et mon idéal; bref, ma jeunesse qui n'a pas fini d'en finir.

Elle (Daoudia, la femme, la maman, la sœur, l'épouse marocaine qui a bercé mon enfance et veillé sur mes espoirs. Elle implore la miséricorde d'Aïcha Kandicha, la fameuse résistante marocaine qui avait combattu au 16ème siècle les portugais dans la ville d'Azemmour sur le fleuve Oum Errabiaa, région d'El Jadida des Doukkalas). 
Elle fut et reste dans l'imaginaire marocain la résistante et la libératrice du littoral atlantique marocain. Aîcha Kandicha symbolise la possession à travers l'image de la mère vieillissante qui n'aurait pas lâché prise.
C'est une femme d'une beauté et au charme exceptionnels. On la rencontre de nuit, jamais le jour. Elle vit dans la rivière ou dans la mer. Son attrait est si puissant qu'aucun homme ne peut lui résister, sauf celui qui la reconnait et exhibe un couteau ou tout objet métallique pour ne pas tomber sous son charme. Elle ne s'intéresse qu'aux célibataires. 
Azor la recherche sans relâche dans le lagon bleu de Moulay!!! Il la traque sans cesse, mais encore sans résultat. Il attendra le temps qu'il faudra, retraité célibataire qu'il est. Elle se pointera sûrement un jour. Une lubie? Qui sait?

        Aïcha Kandicha, dans l'imaginaire marocain:
         

"Aïcha Moulat Lhafra, Lizark ibra" ça rime bien. (Aïcha toi qui vis dans un trou!!! celui qui te rendra visite guérira de ses maux.
Toi "Yamoulat attaj, llizark maïhtaj (Toi la couronnée et la nantie, celui que te rend visite ne sera pas dans le besoin). Magnifique tout le message d'espoir et de patriotisme que peuvent transmettre ces paroles. 
Oui  AÏCHA KANDICHA peut entraîner la jeunesse dans son sillage pour défendre les valeurs du pays, mon MAROC, si besoin s'en ressent un jour.
Elle demeure à nos jours, l'équivalente de la JEANNE D'ARC qui a galvanisé et ravivé le patriotisme français. Connue sous le nom de la pucelle d'Orléans, mais depuis le XIX siècle, elle a été rebaptisée "Mère de la nation".
Lorraine de souche, née au village de Domrémy que j'avais visité avec mon ex-épouse, Marie-Louise en 1977) Marie-Louise, lorraine de naissance également, du village Heudicourt-sous-les côtes, à quelques kilomètres de Domrémy. 
QU'AÏCHA vive et demeure notre idéal qui animera en nous l'amour de notre pays le MAROC ancestral.
Des paroles magnifiques et bien expressives. En voici la voix en vidéo:



-Yakaoummi ouana mrid, ouzzman saaib "Oui mère je suis malade, et les temps sont durs"
-Drbt rassi blhdid ou rmani y aïcha "J'ai heurté ma tête contre le fer qui m'a fracassé ô Aïcha"
-Khouti lahouni oushabi aaffouni ya aïcha "Mes frères m'ont abandonné et mes amis m'ont exécré ô Aïcha".
-Rani mrid ou ma aandi hadd Almmima "Je suis malade et esseulé ô mère"
-Goulouliya chkoun hia Lalla Aïcha Lhamdouchia. "Dites-moi qui est Lalla Aïcha Lhamdouchia?"
-Aïcha moulat Lmrja Daoui Aadami rani mkssr "Aïcha la patronne du lagon guéris mes os je suis brisé!!!"
-Rani mrid ammimti "Je suis malade ma petite maman!!"
-Rah rmitouni ya shabi "Mes amis vous m'avez abandonné!!"
-Khallini nbki y Aïcha!!! Annass tsbbn bssaboun, ouana nsbbn bdmouaa Rrass!!! "Laisse-moi pleurer ô Aïcha!! les gens se lavent au savon et moi je me lave avec les larmes de la tête"
(-Ouana nzour Lalla Aïcha moulat lmrja 
"Je te demande refuge Ô Aïcha la patronne du lagon" 

Pour revenir à Jeanne d'Arc, ci-dessous, un petit conte des protégés d'Azor, chef berbère du fief de Hamria (Ville nouvelle de Meknès), lors de son séjour dans la ville de vignobles en 2012. 
Ses guerriers avaient capturé Lancelot, chevalier de la Charette et sa dulcinée Guenièvre. Voici leur histoire:

ARBRE GÉNÉALOGIQUE DES LANCELOT, chevalier de « La Charrette »

Chevalier de LANCELOT
En robe noir et blanc
GUENIÈVRE
En robe grise





Lancelot et dame Guenièvre à table, en compagnie d’Azor, sous sa tente berbère à Meknès

                              

Histoire de la famille
Le brave Lancelot chevalier de la Charrette est allé guerroyer dans le "TOULAL", pays berbère en l’an 2012, jour 10 du mois de mai. Il délivra Guenièvre qui était captive d'un despote berbère surnommé "AOUTOUL", le lièvre en berbère.
Pendant leur fuite, en traversant le fief d'un autre chef berbère de son nom de guerre "AZOR", ils ont été capturés par ses guerriers. Ils les lui amenèrent vivants, les pattes liées.
La belle lapine lui raconta alors l'histoire de sa captivité chez son ennemi juré du Toulal. Ayant patiemment écouté son histoire, Azor s'est alors radouci en louant leurs prouesses, et les prit depuis sous son aile protectrice.
 Aujourd'hui, ils filent des moments de quiétude et de bonheur ; une belle histoire d'amour, à l'ombre de la tente berbère que leur a cédée Azor. Il chargea ainsi une dame, et non des moindres de leur apprendre le berbère pour les fixer dans le pays. Elle s'appelle "TANNIRT", qui veut dire  la lune. 
                                    Tente d'Azor dans la villa qu'il louait à Meknès en 2012


Lancelot et Guenièvre, à la porte de la tente 
    


Le 31 juillet 2012 au soir, Azor sortit les nourrir comme à l’accoutumée, et quelle fût sa surprise en découvrant 4 petites boules sautillant autour de Guenièvre. L’heureux événement était enfin arrivé. C’était 4 petits lapinoux d’une rare beauté. 2 de couleur noire et 2 gris (3 mâles, et une femelle). Azor, leur parrain les baptisa le jour 01 du mois 08, an 2012, jour de son anniversaire, en concert avec Tannirt, leur gouvernante berbère.
         Ce fut le plus beau cadeau que Guenièvre lui offrit sans le savoir. Ils s’appellent :
    -AYOUR               -ITRI       -AGHILAS      et  -ITTO (femelle)
  (Nouvelle lune)        (L'étoile)          (Le tigre)              (La décideuse)                                 

 Depuis la famille n’a cessé de grandir, Lancelot, étant ardent à la tâche en bon chrétien.



Lancelot, pris en flagrant délit de procréation abusive. Il sera mis au cachot plus tard à titre préventif.


Le pape a récemment appelé les chrétiens à ne pas se reproduire abusivement "Comme des lapins". Il appuie bien la décision d'Azor qui avait isolé Lancelot, afin de limiter ses ardeurs sexuelles.




Lancelot aux arrêts de rigueur. Il tentait d'engrosser de nouveau la pauvre Guenièvre, encore entrain d'allaiter les petits; il ne cessait de la harceler. Azor a sévi. Hi hi. 
Sorti de sa cellule dans le garage, Lancelot s'est assagi momentanément.



Guenièvre arrache ses poils, et ramasse les brindilles de gazon sec pour préparer le nid d'accouchement. Elle rentrera plus tard tout ce qu'elle amasse dans son terrier. Magnifique ce sacrifice maternel.


                          Depuis la famille n’a cessé de grandir

           Voraces, ils adorent les feuilles du bigaradier.....


....Qu'ils dénudent littéralement ci-bas, après avoir dévoré les feuilles. Là, ils font leur sieste

Espiègles, ils essayent de déguster le verre d'Azor, leur parrain. À son arrivée, ils s'éclipsent la mine soumise. Croyez-moi chers lecteurs!!!! Quand ils se sentaient en faute, ils se mettaient à plat ventre devant les parents ou Azor des fois pour demander pardon. Incroyable la manière et l'art spontané et inné qui te pousse tout de suite à être clément et aimant!!!!!....

Le festin du micocoulier, en compagnie d'Azor et son verre tiré des caves bénies de Meknès

....Comme ils ont troué le tuyau d'arrosage et cisaillé les fils des baffles sous la tente


Ayant remarqué le pouvoir d'adaptation et d'ingéniosité de ses protégés, Azor leur confia une tâche délicate et dangereuse pour protéger sa vie contre les plis piégés. Remarquez comme ils sont habiles à le servir. Appréciez la suite de cette vidéo, tirée de Facebook. 


Beaucoup d'affection et de complicité entre les enfants qui se regroupent selon les affinités pour faire leur sieste par temps chaud. là, il y a deux générations. Le plus petit met sa patte sur le dos de son aîné. Rigolo le chenapan. Hi hi
Une scène touchante. 


La tendresse paternelle. Lancelot et les enfants

Un amour sans pareil. Naturel tout simplement. Je les ai aimés. Hélas, je m'en suis séparé en partant. Je les avais confiés à deux frères amis qui habitaient un verger dans la vallée en bas que surplombait ma maison. Là, j'étais sûr qu'ils étaient entre de bonnes mains d'autant plus qu'ils cultivaient des maraîchers (salades, betterave, carottes et autres). Douloureuse séparation avec mes lapinous, après une année de bonheur.

Guenièvre et Lancelot qui veillent sur les enfants 



Confession faite au père Google cette nuit pluvieuse du 04 décembre 2014 - Zéro heures à Moulay l'unique. Moulay Bousselham, le havre de paix d'Azor. 
Azor écoute la chanson "Whiskey Lullaby" de Brad Paisley and Alison Krauss. Circonstanciel ce moment précis, vrai quelque part!!!! Le spleen qui le terrasse et lui rend visite de temps à autre, le rassure toutefois. Il n'en demeure pas moins un signe de sa vigueur et de son existence éphémère ou belle soit-elle, car il est toujours là, le petit Azor!!! bien vivant, mais sans amour hélas!!! sans le plus beau sentiment que la terre et l'existence ont bien données à l'homme que nous restons ici-bas 

                                                       Le thème de la chanson:

 "I'LL LOVE HER TILL I DIE" 
(Je l'aimerai jusqu'à ma mort)

 Le thème me rappelle mes lectures du grand poète français ALFRED de MUSSET. Ses amours tumultueuses avec George Sand, une autre écrivaine française renommée. Son penchant pour l'alcool, et son amour pour Sand, ont fini par avoir raison de sa santé et de sa vie. Voici une lettre que lui avait envoyée Sand suite à une rencontre en public:

Je suis très émue de vous dire que j'ai bien compris l'autre soir que vous aviez
toujours une envie folle de me faire danser. Je garde le souvenir de votre
baiser et je voudrais bien que ce soit là une preuve que je puisse être aimée
par vous. Je suis prête à vous montrer mon affection toute désintéressée et sans calcul, et si vous voulez me voir aussi vous dévoiler sans artifice mon âme
toute nue, venez me faire une visite. Nous causerons en amis, franchement.
Je vous prouverai que je suis la femme sincère, capable de vous offrir l'affection la plus profonde comme la plus étroite en amitié, en un mot la meilleure preuve dont vous puissiez rêver, puisque votre âme est libre.    Pensez que la solitude où j'habite est longue, bien dure et souvent difficile. Ainsi en y songeant j'ai l'âme grosse. Accourez donc vite et venez me la faire oublier par l'amour où je veux me mettre.
Votre poupée

La réponse d'Alfred:

Quand je mets à vos pieds un éternel hommage
Voulez-vous qu'un instant je change de visage ?
Vous avez capturé les sentiments d'un cœur
Que pour vous adorer forma le Créateur.
Je vous chéris, amour, et ma plume en délire
Couche sur le papier ce que je n'ose dire. Avec soin, de mes vers lisez les premiers mots. Vous saurez quel remède apporter à mes maux

C'est probablement le thème que Brad Paisley reprend dans cette sublime chanson, à moins d'une similitude non voulue.
Alfred de Musset est inhumé à Paris, au cimetière du Père Lachaise, où son monument funéraire se dresse avenue principale. Sur la pierre sont gravés les six octosyllabes de son élégie Lucie :
Mes chers amis, quand je mourrai,
Plantez un saule au cimetière.
J’aime son feuillage éploré ;
La pâleur m’en est douce et chère,
Et son ombre sera légère
À la terre où je dormirai.
et sur la face arrière, le poème " Rappelle-toi ":
Rappelle-toi, quand sous la froide terre
Mon coeur brisé pour toujours dormira ;
Rappelle-toi, quand la fleur solitaire
Sur mon tombeau doucement s'ouvrira.
Je ne te verrai plus ; mais mon âme immortelle
Reviendra près de toi comme une soeur fidèle.
Écoute, dans la nuit,
Une voix qui gémit

     Paroles et vidéo:



-Willow dans la chanson:  Saule pleureur


Sous le même thème, j'ai décidé aussi de partager avec vous ces deux chansons qui me tiennent à cœur. Je ne me lasse pas de les écouter, découvertes en 1972. J'ajoute donc aujourd'hui 15 janvier 2015 celle du monumental Jacques Brel:

Tout en remerciant le père GOOGLE, et YOU TUBE qui m'offrent gracieusement ces belles vidéos.



Brel chanté aussi par NEIL DIAMOND, mon préféré des américains des années 70  quand j'étais en stage aux US, chez l'US AIR FORCE en 1974. Appréciez chers lecteurs cette version de "Ne me quitte pas" interprétée par le grand NEIL, l'enfant prodige des années 70 in USA. Découvrez-le, il est magnifique. Beaucoup de classe.



Et en plus jeune et plus récent, Ricky Martin 

(She's all i ever had)
 

(L'unique que j'ai à jamais eue). Oui Marie-Louise, tu demeures l'unique. 20 ans de vie commune. Merci


Here I am Broken wings    Quiet thoughts Unspoken dreams

Here I am Alone again      And I need her now To hold my hand

She's all, she's all I ever had         She's the air that I breathe  
                             She's all, she's all I ever had

It's the way she makes me feel    It's the only thing that's real
It's the way she understands      She's my lover, she's my friend
And when I look into her eyes     It's the way I feel inside
Like the man I want to be        She's all I ever need

So much time     So much pain (but)    There's one thing
That still remains (It's the)    The way she cared   
                              The love we shared
And through it all     She's always been there

She's all, she's all I ever had     In a world so cold, so empty     
She's all, she's all I ever had

It's the way she makes me feel     It's the only thing that's real
It's the way she understands       She's my lover, she's my friend
And when I look into her eyes      It's the way I feel inside
Like the man I want to be         She's all I'll ever need

Les petits berbères d'Aderj, les frères et sœurs  d'Azor


18 octobre 2014-23 h 00. Deux mois déjà depuis le retour d'Azor à Moulay. Quelques réflexions sur son séjour dans ces lieux bénis:
Moulay, j’en suis tombé amoureux, et j'y suis de retour. Tous les matins à 6 heures, je suis levé au chant du coq, car j’habite une villa qui n’a de voisinage que le forêt et le lagon en face, loin du centre du village.J'appelle mon coin isolé "LE RANCH d'Azor". 

OUI c'est le spectacle que je découvre chaque matin que j'ouvre la fenêtre de ma chambre. Et Moulay c'est ça.

 Pour rire: Azor a fait rassembler quelques têtes de son bétail pour aller les vendre demain au souk de Dlalha, jour du jeudi. Hi hi

Villa où habite Azor, dénommée "Ranch d'Azor"



Je sors faire mon footing, marcher pendant des heures dans la brume matinale ou plein soleil. Je rencontre des vaches, des pique-bœufs les escortant, des moutons, et................Même des alouettes gracieuses et fières . Un monde merveilleux.
Je vis dans l’instant présent. Je refuse de me poser désormais des questions, ayant choisi de mon propre gré la solitude, loin du monde de la ville et de ses affres. J’ai compris que l’année a 4 saisons et que je dois désormais à mon âge vivre à leur rythme tout simplement, car on a tendance à l’oublier dans le dédale de nos villes devenues monstrueuses. 
Alors je vis en harmonie avec le paysage alentour. La télé peu. Je ne m’intéresse plus à ce qui se passe en Irak, en Syrie, en Afghanistan.
Ce qui m’importe le plus, c’est la météo sur internet pour savoir quand il pleuvra à Moulay, les heures des marées pour regagner mes postes de pêche préférés. 
Le temps ne compte plus pour moi désormais. Je me crée mon monde de solitaire, appréciant de temps en temps de vivre quelques moments de spleen, un verre de bon vin à la main pour m’accompagner et me revigorer. Que demander au bon dieu dans ce pays de la paix et du bonheur? Le MAROC que m'ont légués mes aïeuls les berbères. Je ne cesserai jamais de les en remercier. 
(Qu'on ne fasse pas de mal à Mon PAYS!!! Je combattrai arme à la main tout intrus malintentionné qu'il soit national ou étranger qui veut nuire à la sérénité de ma patrie. Juré!!!!!!) 
Ma compagne, ma dulcinée. En bambou, élancée, racée, nerveuse, fidèle, docile et à mon écoute toute la journée. Ma canne à pêche. Jamais elle ne rechigne.

À l'occasion de la Saint-Valentin, Azor offre ce poème à tous ses lecteurs et lectrices. 
Pour vous ces bouquets de fleurs sauvages des champs 
           



Boutheïna est le nom de la dulcinée du poète arabe Jamil qui avait vécu avant l'avènement de l'Islam. Il a été surnommé par ses contemporains "Jamil Boutheïna" pour l'amour fou qu'il portait à Boutheïna, dont la famille lui refusait la main, car fille du clan ennemi de celui du poète.

Si tu savais combien j'ai pleuré ton départ

Et combien sans toi je suis devenu sauvage

Difficile, trop difficile est le sevrage


Si tu savais combien je tiens rigueur au vent

D'avoir arraché Boutheïna à mes bras

Si tu savais combien j'aurais été content

Si un jour au vent je pouvais couper les bras
Ô vent! Sois magnanime! Rends-moi mon amour
Je veux lui chanter les jolis vers "d’Éluard" 






Lt-Colonel Azor, l'auteur

Les cavaliers maures, ancêtres d'Azor, conquérants de l'Espagne et de l'Afrique subsaharienne. Merci à vous valeureux guerriers berbères qui nous avez légués un patrimoine magnifique et protecteur qu'est ce Maroc ancestral. 
Le Maroc des 3 Atlas, le Rif, le Sahara et......3 000 Km de côtes (La méditerranée et l'Atlantique). Vos enfants en profitent pleinement de nos jours. Azor, gardien de cet héritage, reste prêt à donner sa vie pour ce pays et perpétuer votre esprit de conquérants irréductibles. MERCI À VOUS ENCORE.
Votre enfant AZOR 


Nul ne guérit de son enfance : Jean ferrat
En modeste apprenti plumitif, permettez-moi chers lecteurs et lectrices, d'user de votre temps, pour vous entretenir quelques moments sur les tribulations, et le destin d'un petit berbère de 10 ans. Il franchira tant bien que mal les obstacles tout le long de son parcours de citadin, avec une mentalité de montagnard...Dilemmes et aventures magnifiques s'en suivront....À lire, dans l'espoir de ne pas vous lasser.
Saïd Khallouk ou Azor le petit berbère

Bienvenue à tous ceux qui se reconnaîtront dans les "chroniques d'un petit berbère". Ce qui m'amène à publier et à partager mes réflexions, et au delà, mes souffrances et mes douleurs, c'est de mettre la lumière sur un jeune garçon, victime par excellence, car condamné à l'exode rural très précocement, à l'âge de 10 ans.

Berbère entre parenthèses, mais qui peut être aussi un Chaoui, un Abdi, un Rahmani, un Ghrbaoui, un Doukkali, un Jebli, un Rifain, un Filali, un Sahraoui, ou autre, issu de la campagne marocaine laissée pour compte, et marginalisée pendant les années 60

-Citation : "Souvenez-vous que les murs des villes ne se forment que des débris des maisons des champs". (Jean Jacques Rousseau, le Contrat Social)......

La preuve irréfutable, et d'actualité, la maison ci-contre, abandonnée, de la tante paternelle d'Azor, et bien d'autres, en sont également victimes.

(Monsieur Rousseau! Permettez à Azor de vous dire combien vos idées demeurent d'actualité et pertinentes. Elles sont bien universelles dans beaucoup de pays. Chez nous au Maroc, on y arrive à peine avec des balbutiements)
La maison abandonnée de Zahra la tante paternelle d'Azor.......Une victime de l'exode rural. La joie de vivre y régnait. Elle fut le havre de paix et des jeux d'Azor et son cousin Mohamed.
Ses filles mariées, et ses petits enfants vivent aujourd'hui en ville. Un jour, ils se souviendront....., et reviendront sûrement pour la faire revivre.

Azor y a joué chaque été les années 60 à "Tnouffrt*, avec son fils unique Mohamed, Moulay Ahmed Ou Assou Ou Aamr, et Aznadi Mohamed, les 3 mousquetaires de l'époque. (Tnouffrt, est l'équivalent de cache-cache, en jargon marocain francisé). Mohamed, était garçon unique de la famille, est décédé pendant l'exercice de sa fonction d'inspecteur de police dans une ville du Moyen Atlas, les années 80. Azor se souviendra toujours des plats succulents que sa tante leur préparait alors, malgré le peu de moyens dont elle disposait pour nourrir ses enfants.
Courageuse, veuve esseulée, elle persévérait dans sa solitude de femme berbère pour élever ses enfants dans la dignité. Inséparables, Azor et son cousin, passaient des heures à chasser à la tire-boulette les oiseaux qui juchaient dans les arbres, les alouettes dans les champs, et les pigeons des voisins sur les murs des maisons du village, quand les adultes, chassés par les fortes chaleurs, sont assoupis . Je reviendrai sur les vadrouilles, et sur les jeux collectifs, spécifiques aux enfants de la vallée, qu'Azor affectionnait, en dehors des heures de labeur, pendant lesquelles il aidait le père dans ses travaux champêtres.
Aznadi Mohamed, devenu sous-officier dans les Forces Armées Royales, avait un don exceptionnel de chasser un oiseau appelé "Bouaamira", qui nichait dans les falaises de la vallée. Il avait la force physique de lancer des galets de 500 grammes et plus, qu'il jetait sur le nid de l'oiseau juché à 60, voire 70 mètres des fois, en hauteur. À force de harceler de cette façon les malheureux oisillons, ils finissaient par sauter par dessus bord, et atterrissaient essoufflés plus bas aux pieds des enfants. Ils s'en emparaient, et les malmenaient à longueur de journée. Ils les mettaient sur les arbres, parfois sur les toits des maisons, et les incitaient à voler. Rares ceux qui s'en sortaient. Innocence ou sadisme? Azor et ses copains, ne se sont jamais posés la question. C'était dans tous les cas, le bonheur. Ils jouaient tout simplement.
Le tire-boulettes, symbole fort de l'enfance heureuse, innocente et insoucieuse.

Arme précise et facile à transporter, Azor et son cousin Mohamed, la fabriquaient à partir d'une branche d'olivier ou de grenadier, ayant la forme d'un V, de deux lanières de caoutchouc de chambre à air du tracteur, ayant une section carrée, épaisse, flexible, et d'un morceau de cuir souple. Ils mettaient dans le cuir, des galets ronds, ramassés dans le lit de la rivière, et les envoyaient aux cibles désignées. Une fois que la cible est mise au milieu de la fourche en V, ils tiraient vers l'arrière les élastiques, et les relâchaient sans bouger. Le galet part avec une vitesse initiale très importante pour percuter l'objectif sans un bruit. Les cibles étaient souvent des oiseaux (merles , tourterelles, et autres, qui venaient se reposer à l'ombre des feuillages des micocouliers, et des oliviers, hauts de 12 à 15 mètres, ou dans les points d'eau où ils viennent s'abreuver ; Les pigeons, étaient pourchassés sur les murs des maisons du village pendant les heures chaudes de la journée, quand les adultes étaient assoupis, à l'abri de la chaleur, l'heure du crime et des tribulations des deux garnements).
Les proies seront déplumées dans la rivière plus bas dans la vallée, et cuites dans une petite gamelle en sauce, ou braisées sur un feu de bois, un délice. Le dessert, raisins et figues, cueillis dans les vergers où tout le monde pouvait se servir sans abus, sera plongé dans la source, claire, limpide, sortant sous roche, frigo naturel. Il sera consommé à la fin du repas copieux.
Nous étions à l'âge de rêvasseurs. Mohamed nous avaient introduits alors à un monument de la chanson marocaine mohammed Al Hyani; sa célèbre chanson : "RAHILA". On l'écoutait sur le transistor 8, le must de l'époque dans les campagnes. Nostalgiques nous étions, nostalgiques nous restons. La voici chers lecteurs. Jugez-en vous-mêmes
Avec les remerciements à You Tube




Présentation de l'auteur :
Je m'appelle Saïd Khallouk. Je suis originaire d'un village du Moyen Atlas, qui a été sans conteste, un haut lieu de la résistance contre l'occupant. 
Ma “cambrousse”, s'appelle ADERJ, située non loin de Séfrou, la ville des cerises. (Visitez El Aderj à travers le site d'un compatriote vivant en France : http://www.el-aderj.org/).
Mes grands-parents paternels et maternels, sont morts dans les montagnes de “Tichenchelt et de Tafjight), des lieux reculés et difficiles d'accès, pour ceux qui connaissent, en luttant sans merci contre les troupes de Lyautey, défaites pendant les années 50.
Je n'ai jamais eu ce bonheur de les connaître et de profiter des gâteries qu'un enfant ordinaire pouvait recevoir de ses grands-parents. Seules mes grand-mères maternelle et paternelle, restées veuves, me racontaient leurs exploits; les traques dont ils furent l'objet, et leur foi en leur montagne et leurs terres. Pour eux l'occupant ne pouvait en aucun cas les spolier, ou asservir leurs enfants. Merci à eux. En effet, l'époque où j'ai commencé à comprendre ce qui se passait autour de moi, c'était déjà l'indépendance du Maroc, j'avais à peine 5 ans.
Au fond, les montagnes d'Aderj enneigées 

Aujourd'hui, le vieux colonel Azor perpétuera sûrement la tradition, et fera honneur à ses grands-parents si par malheur il arrive à certains nostalgiques étrangers de vouloir revivre l'aventure. Il fondera sûrement une armée de berbères fervents et dévoués à leur bled pour traquer les aventuriers dans les montagnes d'Aderj restées vierges et inébranlables à ce jour.
Il retournera sûrement là-haut dans quelques années pour échapper aux affres et contraintes de la ville marocaine qui devient de plus en plus monstrueuse et mal accueillante. Les personnes âgées n'y ont plus leur place, d'autant plus que le citadin marocain manque hélas de convivialité et de civisme.
OMAR KHAYYAM, le sage, l'astrologue, le poète, n'avait-il pas décidé à la fin de ses errances d'aller vivre dans sa ville natale auprès des siens? Persécuté par les émirs et les sultans musulmans, turcs, perses ou arabes pour ses idées qui bravaient son époque et qui allaient contre les intérêts de ces despotes. Il allait de ville en ville de cachette en cachette pour échapper à ses persécuteurs qui voulaient sa mort. Il échappera tant bien que mal à tous les traquenards.

Citation d'Omar Khayyam : ( Il est temps se dit-il que je mette fin à mon errance. Nichapour a été ma première escale dans la vie, n'est-il pas dans l'ordre des choses qu'elle soit également la dernière?). Il vivra jusqu'à l'âge de 84 ans auprès des siens, en lisant Avicenne, d'après les chroniqueurs de son époque. Un magnifique ouvrage à lire sur Omar Khayyam : "Samarkande" par Amin Maalouf.


Dans cette bourgade du fin fond de l'Atlas, tellement reculée et sans issue, une belle vallée tout de même, il n'y a pas que mes grands-parents, qui ont déserté leur village pour aller se terrer et combattre l'ennemi du moment. Mon père est également passé par la même filière, tempérament des “Aït Alahm” oblige ! Une tribu berbère, fière et jalouse de son indépendance et de son autonomie; une tribu de combattants irréductibles, mais fidèles à leur idéal du moment


Conscients de leur tempérament, de leur courage et de leur dévouement à la cause militaire et nationale, les responsables militaires français de l'époque, ont recruté à volonté dans la région pour pourvoir l'armée Française en combattants émérites et dévoués. Mon père, et tous mes oncles ont donc servi dans les goums marocains et les spahis “Sbaïs chez nous”. Ils ont servi en Indochine, en Allemagne, en Italie (Monte Cassino), et sur tous les fronts difficiles et dangereux que l'Armée Française ouvrait pour défendre les droits et la liberté de la France mise à genou par l'Allemagne de l'époque. Mon père, Khallouk Ahmed, héros, tireur au mortier à Din Bin Phu, a vécu les moments difficiles avec ses chefs militaires français, pendant les derniers moments de la retraite, quand il fallait abandonner leurs dernières positions, celles des combattants irréductibles. Oui, ses médailles nombreuses l'attestent. Il n'a jamais trahi ses chefs, il a résisté auprès d'eux, fidèle et bon soldat, quoique le pays, et les résistants de l'époque l'appelaient à la fronde et à la désertion, pour étoffer les rangs des résistants marocains qui luttaient contre l'occupant du moment, qui n'est autre que l'Armée Française qu'il servait. Les citations et les médailles ci-dessous en sont le témoin sans faille
Les images et les citations, étant peu lisibles, vue la qualité pauvre des copies numérisées, voici retranscrites textuellement les citations, en témoignage de la France des sacrifices des soldats marocains dont faisaient partie le père d'Azor et ses oncles, partis se battre en Indochine, loin d'El Aderj, pour une cause dont ils firent la leur en fin de compte. Ils avaient à peine 16 ans.
Ces citations sont les plus prestigieuses, Azor ne pouvant citer la totalité au nombre de 10, dont les concours de tir au mortier 81 m/m que l'Armée Française organisait aux troupes coloniales. Le père Khallouk en avait gagné en Tunisie et en Algérie
La tenue du Goumier (Djellaba, coiffure Chèche, et sandales en cuir). Les goums marocains, un corps d'élite.

Ahmed Ou Khallouk avait affronté les hommes du général VO NGUYEN GIAP, le seigneur de la guérilla (Voir la citation à l'ordre de l'Armée, où il est fait allusion au général GIAP). Le père Khallouk a affronté les viets dans les rizières, dans les montagnes du Vite-Nam, qui n'avaient pas de secret pour lui, montagnard qu'il fût. Il a combattu des résistants magnifiques et valeureux qui ont bouté dehors la France coloniale des années 50. 
Plus tard, Azor, en stage aux Etats-Unis, chez l'US Air Force en 1970, à LOWRY Air Force Base-Colorado-Denver, où il faisait son stage d'officier d'Armements de bord sur avion de chasse (Phantom F4D, l'arme aérienne suprême de l'époque), avait droit aux projections directement filmées au Viet- NamNixon s'était empêtré
Les bombes de Napalm, les containers de bomblettes anti-personnelles (Clusters), les roquettes 2 pouces 75, les missiles Sidewinder, bull pipe, et bien d'autres armes meurtrières. Il avait vu également les B-52-Stratoforteresse, larguer des bombes chimiques pour défolier les forêts qui cachaient les guérilleros vietnamiens. Ironie du sort, il y avait avec Azor en classe des Vietnamiens du sud qui venaient faire leur stage qui durait 1 mois, voire 2. Ils apprenaient très vite à voler sur F-5, pour repartir illico guerroyer contre leurs frères, les Vietnamiens du Nord de Ho Chi Minh. Azor avait assisté sur la télé à la débandade de l'Armée US qu'il respecte et considère... Professionnelle et gigantesque qu'elle est. Un arsenal puissant à l'époque. Il avait vu les Gis quitter en hâte par avions militaires et civils le Vietnam. Ces Gis mêmes qui ont massacré des villages entiers du Viet Kong.
Hélas! Les jeunes officiers de l'époque avec qui on allait en classe, étaient fervents pour aller combattre au Vietnam. Ils avaient tendance à oublier inconsciemment que leurs ancêtres avaient combattu de la même façon l'occupant de l'Amérique du Nord, qui n'est autre que l'Anglais. Les trappeurs épaulés par les indiens et ces Français-mêmes qui haïssaient l'Anglais, leur concurrent dans les Amériques et les indes; ces trappeurs, résistants et courageux, étaient le Viet-Kong des Anglais de l'époque (Azor était un fana des illustrés, les années 60. Il lisait régulièrement entre autres "Kiwi, où le héros Blek le roc et ses trappeurs piégeaient les tuniques rouges et leur infligeaient des défaites sur les rivières, dans les forêts et marécages de l'Amérique d'antan". 
Blek, était le Mimoun ou Kadour d'El Aderj, le héros qui avait toujours fasciné Azor, et hanté son enfance.
Drôle, mais l'histoire ne fait que se répéter, et l'homme demeuré si petit et arrogant, n'en a jamais rien appris. Où sont ces civilisations titanesques telles que la Grèce hellénique, Rome la conquérante, les Pharaons de l'Egypte antique? Elles ont toutes disparu, toujours par implosion; tous leurs signes de décadence venant de l'intérieur. Aujourd'hui, la Rome contemporaine, c'est bien les Etats-Unis d'Amérique, alliés sûrs du Maroc, pays d'Azor. F4 D "PHANTHOM" que le sous-lieutenant Azor avait armé pour apprendre son métier d'officier mécanicien d'armements de bord en 1970. C'était à la base aérienne de "Seymour Johnson AIR Force Base", Goldsboro, North Carolina. 

Merci à mes anciens qui m'avaient encadré. Je m'adresse spécialement au Lieutenant GUELLISPI, et au Capitaine CLARK, mes instructeurs de l'époque, respectivement à Lowry Air Force Base-Colorado-Denver, et à Seymour Johnson Air Force Base-North Carolina-Goldsboro. Thank you Guys.

Les respects d'Azor au peuple VIETNAMIEN, guerrier et indépendant qui a bousté tout le monde dehors. Azor s'excuse auprès de vous pour son père, engagé malgrè lui dans un conflit qu'il n'a pas choisi. Considérez-le comme mercenaire goumier ou comme combattant, c'est votre droit. Il racontait à Azor ses aventures et ses batailles contre les viets, vos parents (Les goumiers les appelaient "ICHINOUINS, les chinois") Il disait à Azor pour le convaincre de la fierté d'un peuple qui se bagarre pour son indépendance; la ligne de conduite qu'il devrait suivre en tant que jeune sous-lieutenant des Forces Armées Royales Marocaines:
Mon fils!
les indochinois nous ont donné du fil à retordre. On a beau être courageux, batailleurs, nous luttions contre des hommes qui maîtrisaient les rivières, les forêts. Tu ne sais jamais d'où ils sortiront pour t'attaquer (Ils émergent sous l'eau, arme à la main et bambou dans la bouche; les feuilles des arbres en cachaient plus d'un. On ne dormait pas. On devait être vigilants en permanence. On combattait des diables.
Le Lt-Colonel Azor demande humblement pardon au peuple vietnamien pour la campagne que son père AHMED OU KHALLOUK avait mené au Vietnam, Indochine des années 50. Pardon pour les obus de mortier 81 dont il avait arrosé vos parents. Vous restez un exemple de bravoure et d'intégrité pour les peuples qui aiment à défendre leurs pays pour rester libres et vivre dans la dignité.
Azor, fils du Goumier Ahmed Ou Khallouk, matricule 12, 5ème Tabor Marocain.
Le texte : 
Le Ministre certifie que Le goumier de 2ème classe AHMED OU KHELLOUQ - Matricule 12 du 5ème Tabor-38ème Goum a obtenu la médaille coloniale instituée par la loi du 26 juillet 1893, avec agrafe : "Extrême-Orient" (Décret du 5 Août 1946) 
À SAÏGON, le 15 Mai 1953 Pour le Ministre d'Etat à la guerre, et par délégation Le Général de Corps d'Armée SALAN, Commandant en chef en Indochine
Médaille de l'ordre du règne du Laos
Texte : Nous condet Prachao Cisavang Vong, Roi du Laos
Voulant récompenser les services rendus par Mr. Ahmed ou Khellouq, matricule 12, Moqadem Aoual, 5ème Tabor, Lui avons décerné la médaille en ARGENT de Notre Ordre en témoignage de Notre satisfaction.
Fait en Notre Palais Royal de Cuang-Prabang, le 6ème jour de la lune décroissante, du 9ème mois de l'année du cheval 2499 de l'ère bouddhique
Ma Mié, le 20 août 1954. Enregistré à la chancellerie sous le n° 3632
Certifié la traduction conforme au texte Laotien
Le Secrétaire Général du Palais Royal
CITATION
à l'ordre de la brigade. attribuée à Ahmed ou Khellouq-matricule 12 du 38ème Goum Marocain. --------------------------------------
Ordre général n° 8 de Monsieur le Colonel de Crevecoeur, Commandant des Forces Terrestres du Laos du 8 mars 1954.
Texte : 
Chef de pièce de mortier 81 m/m, calme et courageux le 3 décembre 1953 au cours de la prise de MUONG-KHOUA (Nord Laos), a par la rapidité de sa mise en batterie, permis à une unité voisine fortement accrochée, de continuer sa progression.
Cette citation comporte l'attribution de la croix de guerre des T.O.E. avec étoile de Bronze.
À S.P. 54.064, le 26 mars 1954
Le capitaine LAVOIGNAT, Commandant le 38ème Goum Marocain
Copie certifiée conforme
CITATION à l'ordre de la Brigade attribué à Ahmed Ou Khellouq-Moqadem Aoual-Matricule 12 du 38ème Goum Marocain

Ordre Général N° I. 082
Du général de corps d'Armée, Commandant les F.T.N.V, en date du 15 Mars 1953
TEXTE :
Bon gradé marocain. Plein de courage et sang froid. Chef de pièce de 81 m/m, envoyé le 25 octobre 1952 en appui d'une unité d'infanterie à BA NAM SO (Haute région du Nord Vietnam), a rempli efficacement sa mission par ses tirs précis et ajustés, malgré les vives réactions de l'adversaire, neutralisant ainsi plusieurs résistances.
Copie certifiée conforme S.P. 54.034, le 23 avril 1953
Le capitaine MORINEAU, Commandant le 38ème Goum Marocain
-------------------------------------------
Cité
À L'ORDRE DE L'ARMEE Le 5ème Tabor Marocain
"Au cours des neufs mois ininterrompus dans le Secteur de LAI-CHAU (Haute région du Nord Vietnam), le 5ème TABOR MAROCAIN, sous les ordres du Chef de Bataillon MARQUEZ, a fait preuve des qualités militaires les plus remarquables. "Dans un terrain de montagne difficile, devant un adversaire nombreux, ardent et agressif, le 5ème Tabor, presque toujours isolé et sans appui, a rempli ses missions avec un courage et une abnégation magnifiques, qu'il a dû payer d'un lourd tribut de pertes. "Le sacrifice total du 10ème Goum dans les combats retardateurs autour de N'GHIA-LO, la défense victorieuse du POU-SAM-KAP, puis le repli sur ordre du 7ème Goum, isolé pendant sept jours au milieu de harcèlements et ambuscades meurtrières, la solidité du 32ème Goum sous les chocs de NONC-HEO et de GIAP-DOC, les interventions spontanées du 38ème Goum, en particulier à PA-HA, NONG-HEO et THU-CO-PHING, sont à inscrire au riche palmarès des Tabors Marocains. "Par une action soutenue, sans désemparer pendant trois mois, le 5ème Tabor a puissamment contribué à enrayer l'offensive rebelle de l'hiver 1952-1953 sur le front Nord-Est de LAI-CHAU; Du 8 qu 14 janvier 1953, s'opposant avec succès au franchissement de la NAM-NA, il a finalement et définitivement stoppé l'ultime poussée adverse à BAN-CHENG-NUOI, à 10 km au nord de LAI-CHAU. "Pendant ces trois mois de dure activité, a perdu face à l'adversaire, le quart de son effectif et le tiers de ses officiers" 

  CETTE CITATION COMPORTE L'ATTRIBUTION DE LA CROIX DE GUERRE DES THÉÂTRES D'OPERATIONS EXTERIEURES AVEC PALME;

Fait à Paris, le 15 juillet 1953 R PLEVEN Le secrétaire d’État aux Forces Armées "GUERRE" P. de CHEVIGNE 

  Le Moqadem AHMED OU KHELLOUQ, Mle 12, appartenait au 5ème Tabor Marocain lorsque cette unité a mérité la citation ci-dessous. Le 2 août 1953 Le chef de bataillon Marquez, commandant le 5ème Tabor Marocain
Les médailles du père d'Azor, un ancien sergent chef des Goums Marocains qui ont combattu pour la France en Indochine les années 50.

Il avait à peine 16 ans quand il avait quitté son village et sa mère veuve, pour prendre les armes et défendre le roi Mohamed V, ce que les services de propagande français lui ont inculqué pour le convaincre de sa mission qui devait être sacrée, et par delà, défendre le maroc libre et indépendant. Quelque part, le destin veille à nous arracher jeunes à nos mamans pour aller vers l'inconnu. j'ai subi le même sort que lui ; je devais m'exiler et partir à la quête du savoir… “Etudier” en ville. 
L'école? Merci à Charlemagne qui l'a instaurée en France, et merci à Lyautey tout de même qui a osé et eu le courage de scolariser les berbères du Moyen Atlas particulièrement. Merci également à nos instituteurs et à nos profs de lycée des années 60, si dévoués, et si généreux, qui nous ont initiés à la langue de Dumas, dont j'ai été biberonné adolescent, déjà à l'âge de 13 ans. “J'ose dire la langue de Dumas et non de Molière”. Dumas, Jean, il n'y en a qu'un “de la fontaine”, Lamartine, Jules Verne, et les autres du XVII ème et XWIII ème siècle. Mes profs inoubliables (Mme Delpech, Mme Hajj Hammou, Mr. Demangeot, Mme Neigel, profs de français). Comment les remercier? 

Leur contribution et leur apport ont été certainement salutaires pour beaucoup parmi nous. Ils nous ont initiés à la langue française qui a véhiculé aussi bien la culture que la civilisation morale et technique au Maroc des années 60 qui, à peine sorti de l'occupation, se prenait en main sur les plans administratifs et techniques pour bâtir un état moderne. J'aime à dire désormais que je ne suis plus ce petit berbère, déraciné, phagocyté par la ville et croulant sous ses contraintes, mais, un homme qui a fait du chemin depuis le temps. Hélas, toujours nostalgique et fidèle à son enfance qui ne l'a jamais quittée. 

Je suis actuellement établi à Tanger où je tiens une agence immobilière pour occuper mon temps libre de retraité, et me faire quelques relations dans la ville du détroit que j'apprécie énormément. Mon affaire s'appelle “Le manoir”, par extension et par respect à mon maître à penser “ALEXANDRE DUMAS”, qui m'a conté dans les moindres détails l'histoire de France, (les manoirs, les châteaux, les mousquetaires du roi, ses maîtresses ; les événements de son époque). Le site du manoir : http://www.lemanoirimmo.blogspot.com/
La vallée d'Aderj. À votre gauche, en haut, le bourg d'Azor
Mes centres d'intérêt :
-Sports d'eau (Planche à voile particulièrement)
-Relecture des ouvrages d'Alexandre Dumas sur internet et participation à son forum
-Films préférés : *La grande évasion de Steve Mc Queen, *Le rouge et le noir de Philipe Gérard -Goûts musicaux : Harpe, Oud oriental, Clarinette, musique classique et anglo-saxonne des années 60-70 (Particulièrement Neil Diamond, Carpenters, ZZ Top, Rare Earth dans Tobacco Road....: "The Lord knows how i love this place called tobacco road, but it's home, it's really my home, the only life i ever known.....I'll save my money, get rich i know, bring it back to tobacco road."...It's home, really my home.....El Aderj, my lovely village
-Lectures préférées : Auteurs du 17ème et 18ème siècle (Dumas, De la Fontaine, Jules Verne, Lamartine, Balzac, et Stendhal, en particulier)
-Plumitif à temps partiel pour revivre mon enfance et parler d'El Aderj, mon village natal, ma référence, la seule qui ait existé pour moi. Décidé d'y finir mes vieux jours, auprès des miens. Jamais la ville, et les citadins, n'auront cette chance de me bousculer, et de fouler ma dignité de vieux berbère que je serai. La ville devient monstrueuse, où les personnes âgées, ont de moins en moins de place.
Remerciements aux Forces Royales Air
Un proverbe berbère dit : "L'homme bien né, dit toujours du bien du lieu où il a passé la nuit".
(Pour moi, la nuit aura duré 33 ans dans la maison des Forces Royales Air)
L'insigne de poche des Forces Royales Air (C'est l’emblème des aviateurs marocains)


Militaire de carrière, comme le veut la tradition des Aït Aalahm, je me suis engagé en octobre 1969, dans les Forces Royales Air marocaines, dont je suis actuellement retraité avec le grade de lieutenant-colonel. Ils m'ont ouvert des horizons magnifiques, en m'offrant à plusieurs reprises des stages de formation auprès des armées de l'air étrangères, notamment l'US Air Force (L'armée de l'Air Américaine). Je les remercie également, au passage de m'avoir offert de si belles occasions de visiter mon pays de fond en comble, jusque dans ses derniers retranchements, en hélicoptère (Des milliers d'heures de vol comme passager), en avion, et en jeep, lors des nombreuses missions qui m'avaient été assignées pendant des années.Les montagnes du Rif, du Moyen Atlas, du Haut Atlas, de l'Anti-Atlas, ainsi que le Sahara, (Laayoun, Smara, et d'autres bourgades), où je me rendais régulièrement toutes les semaines pour des visites techniques de l'infrastructure des sites radar, de la Défense Aérienne du Territoire, dont je suis un des pionniers fondateurs, avec toute modestie, ne me sont pas inconnues.
(C'était en 1980. Une note de service signée par Sa Majesté Mohamed VI, alors Prince Héritier, et Coordonnateur des Forces Armées Royales, recommandait le capitaine Khallouk Saïd aux autorités du ministère de l'intérieur et à la gendarmerie royale pour l'assister dans sa mission de coordination afin de construire les sites radar du Royaume). N'ayant pu garder les archives restées à la base quand j'avais quitté l'armée, je ne peux malheureusement reproduire le document en question pour le publier sur ce blog.
Pendant la phase de reconnaissance et du choix des sites à construire, j'ai eu la chance de rencontrer et de côtoyer de près, de négocier parfois, l'utilisation de telle ou telle parcelle de terrain pour usage militaire avec des populations magnifiques si variées; berbères et arabes.
La majorité des sites choisis étant situés en montagne, le pays berbère, j'ai souvent eu recours à l'usage de leur langue pour convaincre et expliquer l'utilité du système pour la défense et la survie de notre pays. Ces populations m'ont séduit par leur hospitalité jamais simulée et jamais inégalée, même dans les moments difficiles. J'ai reçu une leçon d'humilité, de convivialité, et de patriotisme dans les coins les plus démunis que ces marocains gardent et entretiennent jalousement. Mon message à ce niveau est simple: 

“Enfants du pays! Quelles qu'elles soient vos déceptions, vos péripéties dans la vie, ou si par ignorance ou arrogance, vous avez été victimes d'un outrage quelconque, qui vous a poussés à l'exil, pensez à ces petits berbères qui continuent à peupler nos montagnes. Soutenez-les par tous les moyens qui s'offrent à vous, et aimez votre pays, sans ressentiments, ni rancune. C'est notre seule chance à tous.”
Apologie :

Mes pensées affectueuses à tous les camarades pilotes et techniciens, morts en hélico pendant les missions qu'on effectuait, suite à des accidents occasionnés par les vols en montagne. Je me dois par la même occasion de remercier les escadrons d'hélicoptère de la base aérienne de Salé, pour les services qu'ils ont rendu à la nation dans l'anonymat. À ma connaissance, ils n'ont jamais bénéficié d'une seule décoration modeste soit-elle qui aurait eu le mérite de nous rappeler au moins nos camarades perdus dans les montagnes de l'Atlas et du Rif, pour une cause sacrée. (L'occasion m'est donnée pour le rappeler au commandement des Forces Royales Air de l'époque qui n'est plus là, et par delà rappeler à ceux qui sont actuellement aux gouvernes d'y penser et de réparer le préjudice....En ayant le courage de créer par la même occasion, une tradition, un mémorial, retraçant les balbutiements et l'achèvement du projet grandiose de l'époque, perpétué à ce jour par une relève jeune et dévouée, à la mémoire des pionniers et anciens du système qu'Azor et ses camarades initiateurs porteraient tout le temps dans leur cœur). À ce niveau, Azor se doit de lancer un message à la jeune relève des Forces Royales Air, dans les termes suivants :" Le dévouement à la mission, et le maintien de l'esprit du corps, doivent demeurer sans faille votre principe de base. Vous vous devez de leur consacrer une grande part dans vos comportements quotidiens, vos aspirations dans la vie, votre amour pour la patrie, à défendre sans cesse. Prenez toujours comme guides et conseillers vos anciens qui vous ont légué leur savoir faire, leurs acquis, leur patrimoine sans exigence aucune, quelques soient leurs comportements, leur conduite vis-à-vis de vous.....Vous resterez à jamais leurs enfants, leur perpétuité....la pérennité du Maroc ancestral".Sincèrement, je me rappellerai de vous, mes amis Laabar, Rossafi, Abi, Kerdoudi, Aïssaoui, et bien d'autres, vous qui m'avez trimballé longtemps comme passager à bord de vos appareils (Bell, Puma, Chinook), moi et mes équipes pour accomplir nos missions. Vous êtes les vrais batailleurs, les hommes des missions indésirables, les garçons dévoués qui n'ont rien épargné de leur personne. Vous resterez à jamais pour moi, les chevaliers du ciel. Merci à vous là où que vous soyez.VOUS AVIEZ LE CIEL À PORTÉE DE MAIN, PEU IMPORTENT ALORS LES HONNEURS NON RENDUS.Lt-Colonel Azor, le petit berbère, votre compagnon de fortune.

Le chinook des FRA piloté par mes amis le capitaine Laabar, le commandant Saïhi, actuellement général, le Colonel Mzali qui m'ont trimbalés longtemps sur les sites radars en montagne, en tant que passager. Les missions consistaient en opérations de Sling d'équipements encombrants et pesants telles que les citernes à gasoil de 20 000 litres et des poutres en béton préfabriqué de grand tonnage, à déposer au centimètre près sur le site.
Dangereuses manipulations en vol de montagne, mais des merveilleux et intenses moments qu'Azor a vécu pendant cette période de sa carrière d'officier des Forces Royales Air.
Merci à vous camarades.

LE PETIT BERBÈRE D’ADERJ
Citation de Stendhal : "Je ne prétends nullement écrire une histoire, mais tout simplement noter mes souvenirs, afin de deviner quel homme j'ai été". Fin de citation

    

(À mes enfants Youssef et Mehdi, et à tous ceux qui ont vécu jeunes l'exil forcé, mais bénéfique)

La maison des aïeuls, en pisé, où Azor est né, et a grandi...Les grands espaces, l'air béni et vivifiant des montagnes d'Aderj
-Citation de Victor Hugo : "Ce livre est écrit beaucoup avec le rêve, un peu avec le souvenir. Rêver est permis aux vaincus ; se souvenir, est permis aux solitaires". (Les quatre vents de l'espérance). Fin de citation.
"Esseulé tu as été petit Azor....Seul tu resteras Azor.

L'exil d'Azor :
Un matin de septembre 1960, Azor devait partir en ville (Il avait 10 ans).
 LKAMLA sa mère le réveilla à 5 heures du matin. Les journées étaient encore froides à El Aderj. Elle réveilla également MOH, l'incontournable homme de corvée pour amener Azor au souk où il devra prendre le car toussif, le seul qui amenait alors les campagnards à Sefrou, la ville la plus proche, ou à défaut à bord de la benne d'un camion.
Azor n'oubliera jamais ce matin frileux où sa mère LKAMLA avait accompagné les deux frères. Moh était devant, à dos de mulet , tenant les rènes, et Azor derrière à califourchon. Il tenait serré contre son torse son linge de fortune que la mère avait emballé dans un de ses foulards.
Azor n'a jamais oublié ce moment fatidique. La mère suivait les deux gamins (Azor avait 10 ans, et Moh en avait 15). La maman  les avait accampagnés à pied, toute en larmes jusqu'au niveau du moulin de Haddou Msahl. L'aurore pointait à peine. Elle pleurait à chaudes larmes son cadet qui la quittait pour une destination qu'elle-même ignorait. Lui était insouciant et demandait à Moh pourquoi leur mère pleurait. Il était excité et avide de découvrir sa nouvelle vie.
Pauvre maman, Azor apprendra à ses dépens plus tard ton geste bien maternel. Il en pleurera longtemps jusqu'à ce jour, car il ne t'a jamais oubliée. Tu resteras son point de repère le plus éloquent et le plus parlant.
Chapitre I : Inscription à l'école
Citation : (Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants, mais peu d’entre elles s’en souviennent) Fin de citation (Antoine de Saint-Exupéry)-le petit prince.

C'était en 1956, un de ces matins d’octobre ensoleillés et froids à El Aderj, bourgade située en pleines montagnes du moyen atlas marocain, le pays berbère des Aït Alahms. Deux petits enfants en djellaba de laine damassée noir et blanc, âgés à peine de six et 5 ans, gardaient dans le pré avoisinant la maison massive en terre battue, une dizaine de chevreaux nouvellement nés. Les chevreaux n’étant pas encore assez vigoureux pour accompagner leurs mamans qui passent la journée à se nourrir dans la montagne. Le berger ne ramène le troupeau qu’à la tombée de la nuit, les pis des chèvres regorgeant de lait nourricier, dont le chevreau ne pouvait se délecter alors, que si la mère le reconnaissait à l’odeur, comme étant le sien. Un vieil homme vigoureux et décidé, arborant un selham*, un turban jaune, et une barbe grisonnante, bien fournie, accompagné d’un gamin de l’âge de nos petits bergers d’occasion, passait par le chemin rocailleux menant à la place du souk, situé à une dizaine de kilomètres plus bas dans la vallée.
L'école primaire d'Azor

Au fond de la cour, encadrée en blanc, la seule et la première salle de cours que les français avaient construite. Azor s'y était inscrit en octobre 1956. Le reste des salles en préfabriqué, a été rajouté plus tard. L'époque d'Azor ne vivait pas au rythme du préfabriqué et de la culture du KIT. Le terroir, le massif et le consistant, étaient de vigueur. Vaccins, soins à l'infirmerie, ou prise de médicaments étaient méconnus dans la société d'El Aderj ces années-là. Quand Azor tombait malade, la grand-mère lui faisait avaler les jus d'herbes naturelles, amères et ingurgitables. Quand elle voulait le ménager, elle lui faisait des massages d'huile d'olive au niveau du ventre, du front, ou du pied, quand il s'agit d'une entorse, d'une crise de foie, ou de n'importe quel malaise qu'il ne pouvait expliquer. Il devait garder le lit jusqu'à ce qu'il se relève de lui-même, quand son corps aura vaincu le mal, et que son état du moment lui permettait d'aller gambader à travers champs. Beaucoup de ses camarades sont partis sous l'effet des fièvres fortes non soignées. Rongeant le cerveau et le corps, elles finissaient par des hallucinations, des évanouissements qu'on imputait aux "Djinns", les esprits qui, apparemment auraient élu domicile dans le corps des malades. Le Fqih sollicité, n'ayant rien pu faire avec toutes ses sorcelleries, les gamins, passaient l'arme à gauche et changeaient de monde.
À El Aderj, à cette époque, il fallait être nanti d'une bonne constitution physique, par la maman, le papa, et la nature pour survivre aux maladies, aux contraintes de la nature rigoureuse, et sélective. C'est au plus fort de survivre, après immunisation naturelle. À l'âge de l'adolescence, les rescapés de la génération d'Azor, n'ont plus eu de soucis sur le plan santé. Tout leur était permis, les excès en tous genres, compris.

*Suite de l'inscription à l'école :
-Abdesslam s’écria Azor*, le plus âgé des deux frères. Où vas-tu ?
-Mon père m’emmène pour m’inscrire à l’école !
Azor qui s’imagine toujours l’école, prononcée en berbère local «Chkouila », comme un grand salon, meublé de banquettes luxueuses, mieux que les nattes en alfa de la mosquée du village où il allait apprendre le coran sous la menace permanente du fkih*, dans une ambiance de terreur ennuyante et horripilante. Il accourut alors vers son oncle Lahcen et le supplia avec insistance : -Emmène moi oncle Lahcen, moi aussi je veux aller à l’école.

L'inscription insolite et rocambolesque, s'est vraiment déroulée dans les circonstances décrites. Oui ! Inoubliables ! S'inscrire soi-même à l'école ! Azor a osé ! Il y est arrivé, le petit garnement ! Merci "Ammi Lahcen", l'oncle Lahcen.

-Viens donc morveux, puisque ton père n’y pense pas encore. Repars d’abord à la maison te changer et tu me rejoins, je t’attends.
-Non ! Maman me retiendra, elle ne me le permettra jamais. Je dois garder les chevreaux avec mon frère Hsaïn, il est encore trop jeune pour les garder seul. Je viens comme je suis habillé (djellaba en laine courte, sandales en lanières de cuir et semelle de pneu) Le vieillard, connaissant l’entêtement du rejeton qui suivait toujours à distance respectable, finit par accepter, quoiqu’un peu inquiet de ce que va être la réaction du père qui tient une épicerie au souk. Le père pris au dépourvu, ne pouvait qu'approuver.
-Je pensais le faire finit-il par dire, une fois la surprise passée, non sans avoir grondé le rejeton pour ne pas avoir arboré ses beaux habits pour l’occasion.
-Que pensera de moi monsieur Benjaafar, le directeur qui est mon client ! À croire que je n’ai pas de quoi habiller mes enfants, avec en sus, une retraite confortable que je touche tous les trimestres ? Trop tard ! Pour Azor, la partie semblait gagnée. Il allait enfin voir son école de rêve ! Il n'y aura plus de chevreaux à garder ; à la mosquée, plus de nattes froides, ni d’odeur pestilentielle des pets des camarades du village moins nantis, qui se nourrissaient le plus souvent de fèves et de lentilles. Un kilomètre plus loin, derrière une petite colline, en face du souk, se dressaient quatre bâtisses en béton chaulé et volets peints en vert, autour d’une cour en terre battue. C'était là, l'école d'El Aderj, tant rêvée. Les anciens écoliers de tous les âges, couraient et chahutaient. Devant une des bâtisses, les parents tenant chacun sa progéniture, attendaient avec résignation et patience leur tour pour rentrer chez le directeur, le redoutable Benjaafar pour l’inscription. C’est le tour d'Azor enfin. Son oncle se pointe fièrement devant le directeur en cravate et costume gris. Joufflu, ventru et corpulent, il impressionnait par sa taille imposante. -Celui-ci est mon fils, en présentant Abdesslam, dit l’oncle d’Azor. S’adressant à Abdesslam, Mr. Benjaafar, lui demanda dans une langue que les enfants ne comprenaient évidemment pas, ils ne parlaient que berbère :
-Comment t’appelles-tu ? -Abdesslam, répondit l'oncle pour sauver la situation
-Quel âge a-t-il ?
-7 ans répondit-il. Il fallait tricher sur l'âge réel des gamins, pour pouvoir les inscrire, car l’âge minimum était alors de 7 ans, ils n'en avaient que 6. En effet, il n’y avait pas encore d’état civil à l’époque. Il n’a été établi à El Aderj qu’en 1962.
-Et toi morveux ? Azor, en effet, s’essuyait le nez transi par le froid du mois d'octobre, et regardait le géant d'un oeil méfiant et craintif. L'oncle lui lança :
-Azor ben Ahmed, c’est le fils de l’épicier si Ahmed, nommé l’adjudant
-Dis à si Ahmed de l’habiller un peu mieux et de lui apprendre à essuyer sa morve. Il griffonna quelques mots sur un cahier, puis il ordonna au trio d’aller par la suite rejoindre le groupe des nouveaux inscrits, sous la surveillance d’un autre monsieur également en cravate et manteau. Après avoir embrassé et armé les enfants de quelques encouragements, l'oncle Lahcen les quitta, non sans les avoir sommés de se tenir tranquilles, et une fois l’école terminée, rejoindre le père d'Azor au souk qui les ramènera à la maison le soir venu.
Le matin, Azor prenait des cours de langue arabe qu'il ne parlait encore pas. L'apprentissage se limitait au déchiffrage de l'alphabet et à l'initiation à l'écriture; il n'y avait pas de livres. Tout se faisait au tableau où l'instituteur venu de la ville dessinait des lettres à apprendre, la pédagogie s'en ressentant fort mal déjà.
L'après-midi, c'était les cours de français enseigné par un instituteur berbère, issu de la région, et formé dans un village voisin à 30 km d'El Aderj où la présence des français était plus importante. Il avait à l'époque le niveau de certificat d'études, suffisant pour enseigner les rudiments de la langue, étant donné le besoin pressant en instituteurs.
Il avait pour mission de faire accepter par les parents l'inscription de leurs enfants à l'école.
L'apprentissage se limitait à l'écriture et à la lecture. Les élèves étaient mis deux par table; disposant de deux encriers, et d'une étagère en dessous pour y ranger leurs cahiers. Azor a été éloigné de son cousin Abdeslam cette fois-ci.
Pupitre écolier en bois des années 60 et l'encrier encastrable en porcelaine

Chaque jour, un élève désigné à tour de rôle comme chef de classe, devait remplir les encriers avec une bouteille d'un litre équipée d'un bec verseur métallique pour faciliter l'écoulement de l'encre et éviter de salir les pupitres. Il est également chargé d'allumer le poêle à bois les hivers; les parents ramenaient la ration de bois suffisante pour la saison froide, l'école ne devait pas l'acheter.
Il distribuait par table un livre de lecture pour apprendre à lire. Les livres étaient illustrés d'images en couleur. Les personnages étaient habillés en habit traditionnel marocain (Djellaba, Fez, babouches, et autres), ce qui était bien adapté au contexte national. Les noms, c'était Jilali, Fatima, Ali, et bien d'autres.

*Selham ou Burnous : Cape en laine ou en poils de chèvre, ample et facile à endosser. Elle protège du froid pendant les hivers rigoureux des montagnes de l'Atlas.
Chapitre II : Le décès de la mère
Citation : (On est toujours plus ou moins exilés ; du ventre de sa mère, ensuite de toute la famille, puis du lieu, du souvenir". Fin de citation (Elie Wiesel)

Dans son lit, 10 heures, un matin d'octobre 2002, avec le recul, Azor voit défiler vivantes toutes ces scènes d'enfance tendre et innocente dans son village. Il avait dix ans quand il a perdu sa mère, dans une douleur qui l'a marquée et qui ne l'a jamais quittée. Sa mère était brune, avec des cheveux nattés et bien fournis, des yeux vert-brun. Grande de taille, mince et effilée, la famille la surnommait « Amzouat », la gaule que les hommes utilisaient pour battre les hauts et imposants oliviers millénaires de leur vallée, afin de cueillir le fruit béni et sacré qu’est l’olive dans ces montagnes neigeuses du moyen atlas. Sa mère lui a légué son charme, sa chevelure, et sa minceur de corps, particulièrement au niveau des doigts et des orteils, car il s'amusait souvent à les comparer aux siens avec fierté, se rappelle-t-il.


Son nom « LKAMLA », qu’elle portait si bien, veut dire la parfaite. Pendant la maladie de la mère, qui a duré trois mois, la famille affluait pour apaiser ses souffrances et soutenir le père d'Azor dans son affliction. Parmi tout ce monde, il y avait sa tante paternelle nommée « YAMNA », qui vivait avec son mari ALI, adjudant dans les Forces Armées Royales Marocaines. Son unité était cantonnée à Aknoul, bourgade, située non loin de Taza, ville du centre nord du Maroc. C’était l’été de l’année 1 960, Azor avait à peine 11 ans et devait passer en CM1 (cours moyen un). Sa mère qui avait beaucoup d’affection pour lui, ne cessait de faire promettre à sa tante de l’emmener en ville pour continuer ses études et prendre soin de lui, s'elle décédait. Il n’y avait pas de collège à El Aderj à cette époque. C’est ainsi que le destin a décidé pour le petit Azor…, comme beaucoup parmi les habitants de cette vallée isolée, et mal desservie, qui doivent s’exiler jeunes pour aller chercher le savoir et fréquenter le lycée, vu le manque d’équipements et de moyens de communications, dont souffrait El Aderj. Son destin, était scellé ce jour du mois d’août où on a enterré sa mère dans les larmes et la souffrance ; une souffrance qui n'a jamais cessé pour lui, ayant quitté les siens à un âge précoce et innocent.
Chapitre III : L'arrachement
"Le souvenir commence avec la cicatrice (Alain, Propos sur l'éducation)

Azor, frais et simple d'esprit, allait découvrir pour la première fois de sa vie, la ville avec ses contraintes et ses curiosités. Il découvrait par exemple, la route goudronnée (Zzft), qui l’avait soulagé des cahots du camion sur la piste poussiéreuse qui l'amenait dans la benne à Séfrou, la ville étape pour aller à Aknoul. Aknoul, est une bourgade aux environs de Taza, où son oncle Ali était cantonné dans la seule caserne que l'armée française avait construite pour contrôler et mâter la résistance des tribus berbères des montagnes du Rif. Azor découvrait également, les bienfaits de l’électricité qui emplissait la maison de lumière dix fois plus intense que sa lampe à pétrole, par l'intermédiaire d'un simple bouton mural à monter ou à descendre pour éteindre ou allumer, ainsi que l'eau qu’on puisait directement dans un robinet en laiton. C’était une merveille. Toutefois, cette eau n’égalait pas celle des sources des montagnes de son village, que la roche prodiguait à volonté, glacée et vierge, été-hiver.


La première nuit, la tante Yamna l'a mis au lit, bordé, embrassé, et lui a souhaité une bonne nuit. Seul et abandonné à son sort, Azor sortait finalement des émerveillements de toute la journée ; il revenait à la réalité, la sienne, et à son isolement, tel le petit oiseau tombé du nid. C'est à ce moment qu'il a compris et réalisé qu'il avait définitivement rompu avec les siens et son enfance, son havre de paix.
Depuis, un vide affectif, s’est creusé en lui pour ne jamais le quitter, jusqu’au jour où il a rencontré Marie-Louise, lorraine de souche et de caractère. Une “Chleuh”, le nom donné aux allemands par les français, qui signifie chez nous Berbère. Il en fera son épouse, la mère de ses enfants, et l'unique amour de sa vie à côté de sa mère. Il était avide d’affection et d’amour ; Marie-Louise, a su combler ce vide affectif pendant des années, en l’entourant de toutes les attentions, de tendresse et d’amour sans limites. Elle le gratifia également de deux merveilleux enfants, Youssef, né en 1978 à Nancy, quand Azor était en stage à Orléans, et Mehdi en 1984 à Rabat.

"Le passé ne s'achète pas, il se mérite.” Telle fut la devise d'Azor pendant tout son itinéraire de citadin et, plus tard de militaire de carrière. Ne jamais plier l'échine pour gagner des galons ou s'enrichir, en trahissant son pays, les siens et son idéal. Il le paiera cher dans ce milieu urbain où l'intégrité est totalement vidée de son sens, et où la courtisanerie et le capital, sont de rigueur dans un Maroc en pleine mutation. Hélas, son éducation et ses principes de montagnard Aalahmi, sont à jamais ancrés en lui. Comment s'en débarrassera-t-il ? Dilemme et souffrances incessantes s'en suivront pour Azor.
Chapitre IV : Famille d'accueil

Aknoul, bourgade située dans les montagnes du rif, au nord ouest de Taza, ville garnison, à cent cinquante kilomètres du village d'Azor. C’était là où l’oncle Ali était affecté à la seule unité militaire qui s’y trouvait ; il en était l’adjudant de compagnie et dépendait du lieutenant amer, devenu général au Sahara marocain récupéré en 1975.
Incroyable, mais, des fois le hasard, ou plutôt le destin, dicte et impose certains évènements dans la vie des hommes. En effet, Azor s'est engagé à l’Académie militaire de Meknès, 9 ans plus tard en 1969. Il a servi sous les ordres du même Amer, devenu capitaine, et commandant de compagnie du jeune élève officier, attiré par le même aimant que ses parents et grands-parents (Servir sous l'uniforme, était une lubie, un devoir sacré et un passage obligé. Malheur à celui qui ne s'y engage pas, il sera banni du sérail des Aït Alahm).

La famille de l’oncle Ali, habitait une maison dans la montagne, avoisinant le village d’Aknoul, où les français, pendant les années 50, avaient implanté cette caserne pour dominer les villages environnants et contrôler les accès vers les montagnes du rif, afin d’isoler et de mâter les foyers de résistance de l’époque. La maison qui a accueilli Azor, était construite en dur. Toit en tuiles rouges, une cheminée, une cuisine avec cuisinière à bois, 4 chambres et une dépendance. Ce qui a marqué et outré Azor le plus de prime abord, c’était le planton affecté au service de son oncle. Un homme qui fait le ménage, asservi à ce point. Il s’appelait Mokhtar et s’occupait de repasser les chemises de l’adjudant, cirer ses chaussures, laver son linge, et préparer son cheval sur lequel il faisait l’inspection de la petite caserne avec le lieutenant Amer. Le lieutenant Amer, impressionnait beaucoup Azor, avec sa grande stature, ses galons, ses bottes rutilantes, son uniforme gris, et ses gants en cuir. « Plus tard, dans sa carrière d’officier, Azor haïra toujours avoir un planton dans sa maison et le servir comme il avait vu Mokhtar faire ; Son planton, ne s’occupait que de l’entretien du jardin de la villa de fonction qu'on lui a affectée à la base aérienne de Salé, où il verra grandir ses enfants pendant 24 ans”.
La maison de l'oncle, donnait directement sur la forêt de pins, de thuyas et de « sassnous*», dont les enfants appréciaient les fruits sauvages et sucrés.
De retour de l'école, fin d'après-midi, Azor rentre à la maison, embrasse sa tante, et ressort pour aller dans la forêt se régaler de SASSNOU, fruit sauvage des montagnes d'Aknoul, les montagnes du Rif.

L’école était dans le village à mille mètres de la caserne, où l'oncle d'Azor l'inscrivit en CM1. Il se souvient toujours avec beaucoup d’émotion, de ce petit blond en short gris, qui de retour le soir de l’école, s’isolait derrière la maison et pleurait à chaudes larmes sa mère perdue, ses frères et son village lointain. Son oncle, ou des fois, sa tante le surprenaient, le consolaient autant qu’ils pouvaient en lui assurant qu’ils seraient bien sa mère et son père, que leurs enfants étaient ses frères et sœurs, et qu'il s'adapterait bien à sa nouvelle famille. Cela le rassurait, mais hélas, quelque chose était désormais cassé en lui et il devenait de plus en plus nostalgique, taciturne et parfois violent par la suite.
À noter tout de même au passage, que sa tante Yamna a toujours été une mère exemplaire. Elle a été aux petits soins avec lui, et il est resté son préféré tout le temps qu'il est resté chez elle (8 ans durant). Il n'a jamais manqué d’habits les plus beaux, ni de nourriture ou de soins. Pour sa pension, son père envoyait tous les trimestres à son oncle un pécule pour couvrir les frais qu'il occasionnait à la famille.

À chaque rentrée scolaire, l'oncle Ali, affecté à la base aérienne de Marrakech, en 1962, emmenait Azor aux magasins La Fayette, le must de ces années, où il lui renouvelait son trousseau (Jean, chemisettes, shorts, souliers, sandales, et le reste). Il gâtait le petit orphelin, qu'il voulait voir habillé comme tous les enfants de la base aérienne. Azor était aux anges, et fier quand il montait à bord du circuit qui amenait à l'école les enfants des militaires, majoritairement français à cette époque.
Le car, un Chausson de couleur verte, était conduit à tour de rôle par les caporaux René, et Blondeau, qui draguaient Jacqueline et Françoise, 16-17 ans, filles de sous-officiers. René arrêtait parfois le car et poursuivait Jacqueline dans le couloir, pour la coincer au fond, et lui coller un baiser sur la bouche, parce qu'elle venait le provoquer au volant. Les enfants étaient simplement subjugués par leurs folâtreries qui mettaient de l'ambiance à bord.
                                        
                                                       INOUBLIABLE à jamais pour Azor!!! 
Au premier rang, le car CHAUSSON VERT qui amenait les enfants de la base à leurs écoles. Azor en faisait partie. (Je ne cesserai jamais de remercier la France des années 60 qui a formé ma génération en nous préparant à affronter des nouveaux défis afin de servir mon pays. Merci encore.

Azor n'avait rien à envier à qui que soit parmi eux, enfants d'officiers et sous-officiers. Il était le fils de l'adjudant Ali, commandant de compagnie à l'école d'instruction militaire des jeunes recrues marocaines, la pépinière d'alors qui étoffera les effectifs des Forces Royales Air, dont Azor fera partie plus tard. Sa tante Yamna, n'épargnait rien de sa personne pour le mettre à l'aise, et l'intégrer à la famille. Azor, plus âgé que ses enfants, deviendra plus tard le protecteur et le recours de son frère et sœurs à la base aérienne où ils habitaient une villa de fonction. (La famille se composait d'un garçon unique Mohamed, et 5 filles : Fatima, l'aînée, Zohra, Khadija, Najia, Latifa). Il les défendra contre les agressions des autres enfants, et gardera jalousement ses cousines contre ceux qui tentaient la drague, même puérile soit-elle, à cette époque. Il était et est resté à ce jour, le frère aîné, aimé et respecté.

L'eau de source fraîche et abondante à El Aderj. Elle jaillit du fond des rochers de la montagne. Avant de rejoindre la nappe phréatique, l'eau de pluie ou de la neige fondue, traverse les couches des sols montagneux, qui la chargent d'aromates de thuyas, lauriers, romarins, thym, et autres espèces végétales qui peuplent les montagnes d'El Aderj.
(Taux de pollution : Zéro, à coup sûr). Les parents d'Azor, lui disaient que le tempérament fougueux des berbères d'El Aderj, est conditionné par ces eaux qu'ils boivent, car elles sont gorgées d'aromates de ces arbres, amères et purs ; d'autant plus que le berbère d'El Aderj, ne traite jamais ses plantes et ses champs. La neige et le froid pendant l'hiver, régulent d'eux-mêmes les choses et rétablissent l'ordre dans la vallée. Les parasites et les insectes qui squattent les écorces des arbres, et la vermine qui ronge les vieilles branches, meurent sous l'effet du froid qui perdure, et les branchages affaiblis, cassent sous l'effet du poids de la neige. Le printemps suivant, d'autres rejets, plus jeunes et vigoureux, apparaîtront. La vie harmonieuse dans la vallée, est tout simplement réglée et dictée par la mère nature, qui n'a jamais rien épargnée pour couvrir la vallée et ses locataires de ses bienfaits, tant que l'homme aura compris qu'il ne devait nullement intervenir pour casser son cycle bien rôdé.
Chapitre V : L'école et l'emploi du temps d'Azor :
Citation : "Dieu a donné une soeur au souvenir, il l'a appelée espérance" (Michel-Ange)

Azor avait donc six ans quand son oncle Lahcen l’avait inscrit à l’école primaire du village. Son emploi du temps était le même que celui des chèvres de la famille qui partaient tôt le matin, avant le lever du soleil, pour aller à la quête des pâturages dans la montagne. Elles ne rentraient que le soir tard pour trouver abri sous le toit du père d'Azor, et allaiter leurs petits. Le soleil était le seul à dicter les horaires de départ et de retour au village pour tout le monde. Les hommes qui travaillaient dans les champs, ceux qui allaient chercher le bois pour se chauffer et cuisiner; les femmes et les jeunes filles qui allaient puiser l'eau dans la source pour boire et faire les travaux ménagers de la journée.
Naturellement, le petit Azor en subissait également la loi, celle du groupe qui ne doit en aucun cas être bravée, sous risque d'exclusion. Sa mère ou des fois sa grand-mère paternelle, le réveillaient encore engourdi, le faisaient habiller, prendre son petit déjeuner (Lait de chèvre chaud, galette chaude d'orge ou de maïs, huile d'olive vierge). Après quoi, elles le mettaient dehors sans ménagement, mais avec des encouragements en lui disant qu’il était l'homme de la maison et doit donc être digne de ses femmes. Sa musette en toile (Musette militaire vert olive), en bandoulière, il rejoignait très tôt le matin, les autres garçons du village pour faire ensemble les dix kilomètres de chemin souvent boueux et glissants, pour rejoindre l’école. La neige, la pluie, le froid rigoureux des hivers en montagne, la boue, les torrents en crue, ne doivent en aucun cas être un empêchement pour rester au chaud, et rater sa journée d’école.
Ce régime impitoyable, mais sain, a largement contribué à forger le caractère tenace et endurant d'Azor. Il avait appris qu'il fallait lutter et endurer pour gagner l'estime de soi-même et des siens. Dans la musette, la mère avait mis avec soin et beaucoup d'affection, une galette de pain d'orge enveloppée dans un bout d'étoffe, des figues sèches, une poignée de raisins secs, un peu d'olives noires. Tous ces fruits, ayant été cueillis dans le verger de la famille, séchés au soleil, et saupoudrés d'origan pendant l'été. À côté de l'oignon, légume d'hiver qui se conserve bien, ces fruits, constituent une provision substantielle pour la famille. Ils sont gardés dans le cellier toute la saison rigoureuse de l'hiver, quand les vergers gelés et croulant sous le poids de la neige, sont en état d'inactivité et d'hibernation, en attendant le redoux du mois de mars pour être prodigues de nouveau.
Le matin, Azor prenait des cours de langue arabe qu'il ne parlait pas encore. L'apprentissage se limitait à l'écriture, et le déchiffrage de l'alphabet. L'après-midi, c'était les cours de français enseigné par un instituteur berbère, issu de la région. Il avait pour mission de faire accepter et d'introduire la langue française parmi la population.
Entretien de l'étanchéité d'une toiture, par ajout régulier d'une terre argileuse rouge foncé, nommée "Tamllaht".
Chapitre VI : Les déjeuners frugaux d'Azor :

Citation : "Une vie sans souvenir, est souvent une vie sans avenir". (Hervé Bazin, Réflexions sur la vieillesse et la mort)

Les enfants qui habitaient dans les villages non loin de l'école, rentraient à la maison déjeuner avec leurs parents. Les moins chanceux, dont Azor faisait partie, ne disposant pas d'assez de temps pour rentrer chez eux, se contentaient du contenu de leurs musettes. Azor et ses cousins, cassaient la croûte ensemble dans la forêt avoisinant l'école. Parfois quelques proches que les parents recommandaient au groupe, se joignaient à eux pour partager le festin.
Les raisins séchés, constituaient avec le pain d'orge, le repas frugal d'Azor

En face de l'école, à une centaine de mètres, il y avait un marabout dit “Aït Adjour”, au flanc d'une montagne de pins et de thuyas.
C'était le havre d'Azor et de sa troupe, qui profitaient de ce moment de répit à l'ombre des pins séculaires pour partager leur repas. Chacun sortait ses provisions et tout le monde se nourrissait à volonté ; ceux qui possédaient moins en profitaient autant. Les plus âgés parmi eux imposaient la discipline et organisaient le déroulement du repas frugal, mais ô combien diététique et bénéfique.
Il va sans dire que ces moments où l'esprit du clan familial prédominait, en assurant la protection contre les agressions des autres groupes, avaient initié chez Azor et les siens, un esprit développé et salutaire de clanisme et d'appartenance à un groupe qui se doit d'être le meilleur et le plus discipliné. Ce cocon tribal, ne l'a jamais quitté depuis.
Plus tard, en ville et même dans sa vie professionnelle, il sera à la quête des siens, auprès de qui il trouvera la paix et la confiance absolues. Quand il leur confiait des missions difficiles, devant être exécutées à la lettre, il était confiant et rassuré quant au résultat qui ne pouvait être que positif. Vrai, les siens, les Aalahmis, les Ouaraïnis, les Ghzrans, sont sûres et fiables; De bons soldats.
Il sera traité parfois de tribal par son entourage d'officier, mais seul Azor savait la motivation de son attitude, c'était un comportement dicté par sa foi et son expérience personnelles que les citadins n'ont pas eu la chance de vivre.
Ces attaques gratuites ne feront que renforcer ses convictions profondes, et son amour pour sa vallée et ses origines. Il se passera des honneurs, des promotions, et des richesses matérielles mal acquises pour rester dans sa ligne de conduite, celle que ses oncles et parents lui ont inculquée.
Le mot d'ordre et les recommandations des oncles et du père resteront pour lui sacrés et inviolables. Son oncle le plus aimé et intransigeant sur leur éducation s'appelait “HADDOU”, un rude et rude spahi dans l'armée coloniale française. Il ne cessait de dire, à chaque occasion qui se présentait, et où les leçons devaient être prises au sérieux : 
"N'oubliez jamais que votre fierté seule vous restera, quand tout écroulera autour de vous. Votre seul recours, sera votre clan, celui des Aït Lhoussaïn".
 Nous serons toujours là pour vous accueillir, vous soutenir et vous protéger, si vous restez dans la ligne de conduite de vos aïeuls. Restez fiers de votre personne, et des vôtres, autrement, vous ne serez plus dignes de nous".

Comment Azor se démettra-t-il de ces matraquages qui, toutefois avaient pour but de l'armer, afin d'affronter les pires moments de sa vie? Le temps le lui apprendra plus tard, au fur et à mesure qu'il grandirait et évoluerait dans des milieux citadins pourris et corrompus.
Montagnes enneigées d'El Aderj

Chapitre VII : Les vacances d'Azor

Citation : "L'enfance a ses odeurs" (Jean Cocteau, Portraits souvenirs)
Azor repartait tous les étés à El Aderj. Les vacances scolaires duraient 3 mois les années 60 au Maroc, (Juillet-Août-Septembre). La rentrée, se faisait en octobre. Trois mois chez lui, c'était le bonheur, la vie qu'il croquait à pleines dents tout simplement
Pour rejoindre le bled, Azor devait voyager longtemps depuis Marrakech où son oncle Ali était muté à la base aérienne. Son oncle lui payait le billet du train le plus économique “4ème classe à l'époque, la classe E de nos jours.”. Bancs en bois, minimum de confort, cela importait peu pour le petit garnement. Quel bonheur pour Azor de se sentir seul, responsable de lui-même, libre tout simplement, mais vigilent; les conseils de l'oncle mis en tête, quant à sa sécurité.
“Azor! Méfie-toi des voleurs. Tiens ta valise, ne l'abandonne pas un moment, il y a beaucoup de voleurs dans le train.”. Azor avait reçu le message, ou plutôt la sommation. Calvaire!!!! Il ne fallait surtout pas perdre la petite valise en toile bleue, avec fermeture éclair, et l'image de la caravelle; le trésor d'Azor, car elle constituera à l'arrivée, l’emblème d'une année passée en ville, vis-à-vis des siens.
Petite valise en toile d'Azor. Il y glissait 2 shorts, un pantalon, 2 tee shirts, une serviette, brosses à cheveux et à dents, dentifrice, et c'était bon pour les 3 mois de vacances parmi ses frères et sœurs.

Le voyage pour aller de Marrakech à Fez, dernière étape, durait 18 heures (Quelque soit la durée, Azor était seul et autonome, le petit garnement. Responsable de sa petite personne). Des arrêts interminables toute la nuit, à cause des trains qui tombaient en panne sur la seule voie qui existait. Les techniciens de l'Office Chérifien des chemins de fer marocain devaient réparer la locomotive en panne pour évacuer la ligne. Des heures d'attente, toute la nuit des fois. Azor n'en savait rien, il tenait fermement sa valise et attendait. Tout était normal pour lui. Il n'avait en tête qu'une seule destination que l'oncle lui avait dictée :

“Quand tu arriveras à Fez, descends du train, prends un taxi et rejoins Bab Ftouh, un quartier où tu prendras le car d'El Aderj”. Toute la nuit, Azor n'aura pas dormi.
La valise en toile bleue, portant l'inscription ”CARAVELLE”, le nom du seul avion d'Air France qui desservait une fois par semaine, l'aéroport, un hangar avec un parking que la base aérienne de Marrakech, avait concédée aux autorités civiles, les années 60. Le jour de l'arrivée de la "Caravelle", c'était tous les mercredis de l'année 62. Accrochés à la clôture grillagée qui séparait la base aérienne de l'aéroport, Azor et ses copains de la base, ne rataient jamais les décollages et les atterrissages de l'avion. Un spectacle fascinant.
CARAVELLE, élégant et racé, d'une capacité de 80 passagers. Le dernier vol de la série sur Air France fut en 1981.

Les enfants adoraient également regarder le "Fouga Magister", avion de chasse des Forces Royales Air à leur début. Pendant sa mise en route sur le parking, les moteurs faisaient un bruit assourdissant, et crachaient des jets de flammes par les tuyères, ce qui fascinait Azor le plus. Déjà, sans s'en douter un moment, çà le préparait à son futur métier, en rejoignant plus tard ce corps prestigieux que sont les Forces Royales Air, dont la patrouille de l'air "La marche Verte", détient aujourd'hui 5 records du monde en acrobaties aériennes.
Azor, aura le privilège, en 1973, de travailler à la base aérienne de Meknès, où il a été affecté aux Moyens Techniques de la base en tant qu'officier mécanicien, chef de contrôle technique des escadrons F5 et Fouga. Il était à la tête d'une équipe d'adjudants mécaniciens, chevronnés dans leurs spécialités respectives (Réacteur, radio, cellule, siège éjectable, Armements de bord, et autres). Jeune lieutenant, il apprendra à connaître son métier avec ses subordonnés pour qui il avait beaucoup de respect, les adjudants Ayach, Boulahmouz, Taki, et d'autres. Merci à vous. Le lt-colonel Azor, vous a toujours donné en exemple, et a bien suivi vos carrières avec joie, car la majorité, vous avez bien fini votre carrière avec le grade bien mérité de Lt-Colonel, ou Commandant. En revenant au Fouga, les rapports techniques en cas d'accident mineur, envoyés au commandement des Forces Royales Air à l'époque, consistaient principalement, à décrire ses défauts ci-après :

-Les entrées d'air des réacteurs, sont basses. Elles ramassent les gravats sur la piste, et créaient des incidents genre "FOD", en jargon aéronautique "Foreign object dommage", en français, "Absorption d'objets étrangers", cela peut être des gravats, des oiseaux pendant les décollages, ou autres. -Le sifflement infernal du réacteur, l'équivalent d'un courant 400 Hertz qui va droit au cerveau à travers les tympans sans qu'on s'en aperçoive. À la longue, il causera des dégâts irréparables dont ont souffert les techniciens de piste qui négligeaient de mettre leur casque. Adopté par les Forces Royales Air comme avion école plus tard, les pilotes de l'escadron, Bendriss, Kouiyess, Taflloust, Hamri, et d'autres, n'ont jamais cessé de louer les qualités de ce chasseur performant et maniable pour l'époque.
Le fouga magister biplace, C170. Il impressionnait Azor lors de ses mises au point sur le parking, les années 62
La patrouille acrobatique du Maroc, "La marche verte". Honneur au Lt-Colonel Bourzaïn, et à ses jeunes coépiers. Sollicités partout dans les shows aériens mondiaux, vous restez notre fierté nationale. Détenir des records mondiaux en voltige, n'est sûrement pas à la portée de n'importe qui. Longs succès à notre patrouille.
L'oncle d'Azor, Himmich Ali, adjudant à la base, avait sûrement reçu la fameuse valise bleue en cadeau, et l'avait offerte à Azor. Beau cadeau, qui faisait sa fierté quand il débarquait dans sa cambrousse (Les valises étaient encombrantes, rigides et de couleurs unies et grises, à l'époque). 48 heures de voyage pénible et sans sommeil “Quelle résistance!!!!!!!”, mais quel bonheur aussi quand Azor retrouvait ses montagnes et les siens! Tout le reste semblait pour lui un rêve, une utopie, un passage éphémère quand il foulait le sol d'El Aderj, son havre de paix, sur les traces de LKAMLA, sa maman aimée, perdue, mais jamais oubliée.

Après son divorce, des maîtresses, et concubines, un peu plus âgées qu'Azor, (4 depuis son divorce), quelques unes du même âge, remplaceront quelque part bien plus tard la maman, et Marie-Louise, mais hélas de courte durée des fois. “Josette, Janet, Angélica, Monique”. Elles l'ont aimées, soutenues et perfectionnées. Hélas, toutes les ruptures se sont souvent faites dans la souffrance et la douleur. Il gardera toutefois leur amitié et leur respect pendant longtemps, mais il restera insatisfait toute sa vie, sans attaches, errant, et mélancolique.

Lamartine dans “GRAZZIELLA”, Bernardin de saint pierre, dans “PAUL ET VIRGINIE”, "LE ROUGE ET LE NOIR" de Stendhal, Alexandre Dumas et les frasques de ses mousquetaires, resteront ses lectures de prédilection. Le spleen demeurera longtemps son lot quotidien : Azor est quelque part resté le petit enfant d'El Aderj ; il n'a jamais grandi.
Les maisons en pisé, en harmonie parfaite avec la nature

Chapitre VIII : L'arrivée d'Azor au village :
Citation : "Tout le monde peut écrire ce qu'il veut, mais personne ne parvient à se souvenir des choses qui n'ont jamais existé". (Paulo Colho, La cinquième montagne)

À peine le car cahoteux et poussiéreux s'arrêtait-il dans le souk, qu'Azor en débarquait, valise en main, et courait à la boutique du père Ahmed qui l'attendait avec son frère aîné Moh et ses oncles “Achor, Hssissi, Haddou, Hadj Lhoussaïn”, associés du père. Son oncle Lhoussaïn, le plus tendre et le plus cool avec les enfants de la famille, lui tendait sans sommation une “Atlas Orange”, ou une “Canada Dry” au choix, les boissons gazeuses des années 60. La bouteille en verre, sortie d'un seau plein d'eau de source fraîchement puisée, était glacée et bienvenue. C'était le réfrigérateur du bled par excellence.
La joie d'Azor, était sans limites. Il était l'objet de toutes les attentions ; d'autant plus que les clients présents ne cessaient de féliciter le père qui en tirait une certaine fierté. La réception terminée, les questionnaires commençaient. Ce sont les oncles surtout qui menaient l'interrogatoire: -Ta tante Yamna te nourrissaient bien ?

-Passes-tu en classe du certificat ou pas? (La classe du CM2, certificat d'études primaires, était appelée communément, “La classe du certificat”, diplôme qui faisait l'objet d'un examen à part entière, et qui ouvrait pas mal de portes aux élèves âgés qui avaient rejoint l'école à 14, 15, voire 16 ans dans des cas. Avec leur certificat, ils pouvaient enseigner en tant qu'instituteur dans des écoles éloignées que les autorités françaises ouvraient sans cesse pour gagner du terrain sur l'illettrisme, et faire progresser la langue française dans le pays, afin de réduire l'emprise des écoles coraniques sur les populations. Azor avait alors toute la latitude de choisir dans la boutique ce qui pouvait l'intéresser, et faire plaisir à ses frères et sa sœur qui attendaient impatiemment son arrivée. La boutique était un vrai supermarché. Les habits des femmes et des hommes, de couleurs flamboyantes et criardes, côtoyaient les cigarettes “LM, Favorites, Casa Sport, Marquise”, les épices, le sucre en pin, le pétrole pour les lampes, les madeleines, les conserves de sardines, de petits pois, et d'autres marchandises. Un trésor.

Le choix d'Azor que le père ne doit pas laisser rentrer à la maison les mains vides, portait souvent sur les boites de sardines, sur les madeleines et quelques bombons. Les embrassades terminées, Azor était pris en charge par son frère aîné qui avait amené le mulet sellé pour faire les dix kilomètres en montagne qui les séparaient de la maison familiale. Azor se met à califourchon sur le mulet, et Moh, tenant le mors, pour guider le mulet, marchait devant. L'aîné qui avait à peine 13 ans était tout de suite responsabilisé par le clan ; il devait amener Azor à tout prix, sain et sauf et à bon port, en lui évitant une chute éventuelle. Le trajet prenait des heures. Les tantes, les cousins, les relations de la famille rencontrées sur le chemin ou dans les champs où ils vaquaient à leurs occupations, arrêtaient tout du long les voyageurs. C'était des embrassades, des invitations à prendre un thé qu'il fallait très poliment refuser, des paroles et des pleurs des tantes qui criaient à l'injustice :

“Ah si Lkamla était encore là, quel bonheur de voir son fils grandi et embelli qui lui revient! Pauvre gamin ! Qu'est-ce que tu ressembles à ta maman !”. Pour Azor, toutes ces imprécations et ces évocations de la mère, étaient une souffrance, des larmes et de la douleur. Le soulagement viendra plus tard à la maison où leur seule sœur “Mamma”, diminutif berbère de Fatima, fera rigoler Azor. Elle a toujours été le véritable clown de la famille, ce qu'elle restera plus tard, jusqu'à ce jour. Elle deviendra malgré son jeune âge, (La 5ème née de la famille), la maman d'Azor et ses frères, la remplaçante de leur mère, la rassembleuse, et la préférée du père.
Mchaqra, le bourg d'Azor, au pied de la montagne d'El Bouq. Les maisons en pisé, discrètes, font partie intégrante du paysage.
IX: Le bourg d'Azor
Citation : "On ne recommence pas, mais se souvenir, c'est presque recommencer"(Charles Naudier, La neuvaine de la chandeleur)"

El Aderj est fait de plusieurs bourgs dont celui d'Azor. Il s'appelle Mchqra, un nom dont on ignore l'origine, et même la signification. Pour Azor, Mchqra, veut tout dire….La sécurité, le recours, la mémoire, l'appartenance à une terre nourricière et protectrice en fin de compte. Mchqra englobe tout pour Azor.
Mchqra, est un hameau de maisons, situé au pied de jbel lbouk, à une dizaine de kilomètres du souk d'El Aderj , en amont de l'oued Aït AAlahm. Sur les cartes d'Etat Major et Michelin, la rivière, s'appelle “Aït Sliliou”. On ignore pourquoi les cartographes l'ont nommée ainsi. Il devrait s'appeler Oued Aït Aalahm, car la source principale qui l'alimente, est située à El bouk, plus haut à 1 km 500 de Mchqra. Cette source est renflouée pendant le printemps par un torrent alimenté par la fonte des neiges des montagnes des Aït Msahel et d'Aït lahcen ou Mimoun (Tafgight), situés plus hauts dans les montagnes environnantes. Cette source s'appelle “TITTAOUN”, qui veut dire les yeux. En effet, l'eau qui en sort, jaillit en 2 gerbes distinctes sous haute pression, fraîche, claire, et permanente. C'est elle et quelques petites sources, un peu plus bas, qui alimentent la rivière des Aït Aalahms, et les “Seguias”, rigoles d'eau que les aïeuls d'Azor ont conçues et surélevées par rapport aux terres basses de la vallée des Aït Aalahms, pour les irriguer. La méthode d'irrigation et le système de répartition de l'eau entre tous les riverains, depuis Mchqra, les premiers desservis, jusqu'à Mediouna, situés tout en bas de l'oued, est géniale, équitable et rassurante pour tout le monde.
J'y reviendrai si possible pour en expliquer le fonctionnement rigoureux et séculaire. On parlera de “Taria Mchqra”, “Taria nachtlhadj”, “Taria Imhritn”, “Taria nchrfa”. Des noms de rigoles (Séguias), qui ont une signification majeure pour ceux qui connaissent (Les enfants du sérail). Qu'ils se souviennent l'époque des 10-12 ans quand les jeunes buvaient directement dans la séguia. Azor se mettait à plat ventre devant l'eau courante et se désaltérait en plongeant tout le visage dans l'eau, ou parfois, il se servait de ses deux mains jointes qu'il remplissait d'eau pour boire. Mchqra est constitué de 4 petits bourgs distincts : Mchqra Ouaflla (d'en haut), Mchqra Ouadda (d'en bas), qui constituent la rive gauche. Imhritn, Taria oudghagh, qui constituent la rive droite. Ces derniers villages sont constitués par les mêmes familles que celles de Mchqra. Certains frères, cousins, et oncles, ont construit de l'autre côté de la vallée par souci d'indépendance, de ce besoin de solitude impérieux, et par souci d'acquérir quelques terres supplémentaires, en gagnant sur la forêt qui couvrait les montagnes moins abruptes que celles de la rive gauche.
Occupations estivales d'Azor :
La séguia sur piliers de part et d'autre du lit de la rivière, rigole prenant son départ, au point le plus haut de la vallée. La rivière étant alimentée par les sources jaillissant sous la roche. Au fond, un moulin à eau abandonné. Azor y amenait autrefois à dos de mulet, les sacs de blé et d'orge à moudre.
Comment un enfant qui a grandi dans un environnement aussi beau et sain, deviendra-t-il un citoyen pourri et corrompu? Inconcevable pour Azor.
X : L'irrigation des champs et son
                 fonctionnement. 
 Azor profitait de deux à trois jours pour se reposer du voyage et retrouver ses réflexes et ses habitudes de petit berbère. Par la suite, pendant tout l'été, il participera à toutes les tâches quotidiennes telles que les moissons à la faucille, le battage des blés avec des mulets, sur des aires en terre battue, l'ensilage des récoltes, dans l'ambiance stimulante et valorisante du clan familial. Il aidera également le père et les oncles dans la boutique tous les jeudis, jours du souk d'El Aderj, quand les clients sont nombreux et pressés. Il assurera l'irrigation des champs de maïs, de nuit ou de jour, quand le frère aîné et le père ne sont pas disponibles. L'irrigation de nuit, est avant tout un rite, une initiation du jeune berbère au sens de la responsabilité, du courage et de la maîtrise de soi et de ses nerfs ; l'hymne à la survie, car il faut préserver ses cultures coûte que coûte, la source de vie du berbère de l'Atlas.
Azor doit apprendre à sortir la nuit, armé de courage, d'une lampe à pétrole à la main, et d'une houe pour aller irriguer les champs les plus proches de la maison pour commencer. Plus tard avec l'âge, il participera à d'autres tâches nocturnes collectives ou individuelles avec le clan, qui feront de lui un homme à part entière qui ne doit pas avoir peur pour pouvoir affronter l'ennemi du moment.
Lampe à pétrole ancienne, compagne d'Azor pour faire ses devoirs les soirs, et assurer l'irrigation des champs de maïs les plus proches de la maison familiale, à ses débuts.

Azor apprendra que le plus redoutable ennemi quand il se retrouve seul face à la nature, c'était la nuit noire froide, et le silence pesant des montagnes imposantes de l'Atlas. Il apprendra à ses dépens que ces montagnes muettes et secrètes, sont et resteront les seules et éternelles protectrices des siens et de son espèce, tant qu'ils sauraient en maîtriser l'usage et respecter leur intégrité.
"L'eau ne monte pas, elle descend”, selon la stratégie du Tao. Les séguias, rigoles serpentant à travers les champs de la vallée des Aït Alahm, n'échappent pas à la règle. Elles ont été conçues par les aïeuls selon un tracé et un itinéraire infaillibles, sur des kilomètres, de façon à surplomber la majeure partie des terres de la vallée, afin d'en irriguer le plus possible. Chaque famille utilise cette eau pour irriguer son champ, à tour de rôle. Du plus haut, soit le plus près de la retenue d'eau d'où la séguia prend son départ, jusqu'au champ le plus bas de la vallée. Mchqra, le village d’Azor, étant le plus haut de la vallée, est donc le premier servi. 

Le cycle est simplement réglé au rythme du soleil. Quand le dernier champ, le plus bas de la vallée est irrigué, le tour revient alors au tout premier. Selon le débit de la séguia, ce cycle peut durer une semaine à dix jours pour irriguer l'ensemble de la vallée, le temps que les champs irrigués en premier soient secs et les plantes assoiffées. L'eau est utilisée jour et nuit, ce qui fait que chaque famille doit se conformer à ce que dicte l'horaire solaire.
Une semaine, on irrigue son champ le jour, le cycle prochain, ce sera de nuit à n'importe quelle heure. Si par malheur le propriétaire n'est pas à l'heure, il devra attendre le cycle prochain. Catastrophe ! sa récolte peut en pâtir. Le seul recours alors, est de s'adresser aux sages de la tribu qui vont juger son cas. Sa négligence est-elle due à un laisser-aller ou à des contraintes qui l'ont empêchées de faire sa faction ?”. Il n'est pas question de créer un disfonctionnement dans les règles ancestrales du système, que la nature elle-même respecte rigoureusement. Souvent, les sages pardonnent la négligence du réfractaire, en lui signifiant que ses plantes ne sont pour rien et qu'elles ne doivent pas en souffrir. Toutefois, pour réparer son délit, il doit organiser une soirée thé à la place du village, sacrifier un chevreau, ou quelques coqs de ferme, selon ses moyens, et tout le monde se retrouvera pour festoyer, et deviser un moment. Sûr que la leçon est alors retenue.
"Irane ou Aachar", le point de la route d'El Aderj, où Azor aimait à descendre avant l'arrivée au souk, le terminus du car. Il grimpait la montagne appelée "Lmhrs", l'observatoire d'où il pouvait contempler à sa guise tous les bourgs d'El Aderj, sa petite valise à la main. Il restait là, contemplatif, subjugué par la beauté de sa vallée bien aimée. La contemplation durait quelques heures avant qu'il ne se décide à dégringoler pour rejoindre la maison familiale, située plus bas à 2 kilomètres environ. Son pèlerinage annuel, commençait toujours ainsi sans faille, à chaque retour.
Chapitre XI : Les moissons

Les moissons commencent à El Aderj la mi-juillet, quand l’année est régulière sur le plan climatique. Déjà à 12 ans, Azor, son père, ses frères Moh et Hsaïn, se mobilisaient alors pour attaquer la besogne. Ils commençaient par les champs les plus éloignés, situés pour quelques uns de l’autre côté du plateau d'El Aderj, à une vingtaine de kilomètres. Il s’agit des terrains bour, non irrigués familiaux dits ( LFID, et BOUÏMOURAÏ) dans la vallée de Mdez ». Dans ce cas, un campement d’une semaine à dix jours était nécessaire, vue l'importance de la tâche.
Il n’est pas question de revenir chaque soir à la maison ; seul Moh ira une fois tous les 2 jours la nuit à dos de mulet faire quelques courses et voir si la famille se porte bien.
C’est une corvée pour lui que d’affronter seul la nuit noire et traverser la montagne, après une dure journée de labeur. Coûte que coûte, il devait impérativement être de retour le lendemain matin pour aider à la moisson.
Le matin très tôt, toute la troupe était prête pour l’expédition. « Azaart », le mulet est sellé, chargé de la tente en poil de chèvres, des victuailles et des ustensiles de cuisines tels que le fait-tout en aluminium, la théière, la cafetière, verres, seaux en métal pour puiser l’eau dans les sources environnantes, le tout rangé dans un « Sachou », 2 sacs en poil de chèvre que les femmes tissaient et cousaient ensemble de façon à ce qu'il soient mis sur le dos de mulet, tel une sacoche d'une mobylette. La contenance des deux poches atteignait 2 quintaux de blé dur. Il servira également à transporter les grains de blé ou d’orge après l’opération de battage.
 Le matériel de moisson et de battage, telles que les fourches, les faucilles, ainsi que les pièges de braconnage pour se procurer du gibier sur place, étaient confiés à Azor et Hsaïn, étant donné leur poids peu important. Une fois sur les lieux, la tente était dressée, et on organisait le camp tout autour, qui durera une semaine à 10 jours selon l’ardeur que la troupe mettra à la tâche. Le temps que duraient les préparatifs du camp, Azor et Hsaïn allaient dans le torrent le plus proche, chercher l'eau de source dans des seaux en étain. Cette eau servira à arroser et stabiliser le sol désherbé qui recevra la tente. Azor en remplira également une outre en peau de chèvre qu'il accrochera à une branche du seul arbre resté sur le champ. L'outre, à l'ombre et à l'air libre, sera balancée jour et nuit par le vent du nord frais qui se lève fin des après-midis ; Ce vent maintiendra l'eau à une température assez fraîche, la rendant ainsi buvable.
La présence du seul arbre au milieu du champ, s'explique par le fait que les aïeuls qui ont coupé la forêt pour récupérer des terres arables, ont toujours épargné le plus grand arbre du lieu, pour s'en servir plus tard comme parasol pendant les moissons d'été, et baliser ainsi leur territoire qui se veut sacré et inviolable.

*Premières moissons d'Azor :

Habillé en short et t-shirt, contrairement à ses frères en pantalon bouffon "Le saroual", et chemise longues manches, Azor se met en ligne avec la troupe pour entamer la moisson. Faucille à la main, il attend le signal du père pour commencer. L'équipe doit attaquer de front et progresser ensemble, chacun ayant une zone d'un mètre de large à faucher, d’un bout à l’autre du champ, à l’aller, comme au retour. Cette méthode, crée un esprit de compétition, car le moins besogneux sera repéré, s'il est à la traîne. Azor se demandait pourquoi le trio le regardait en fondant de rire, il ne se doutait pas que son accoutrement n’était pas de circonstance. Le père donna le signal de départ, et tout le monde courba l’échine et attaqua les blés en coupant les tiges le plus bas possible, l’économie étant de rigueur. Les tiges de blé coupées au ras du sol, augmenteront à coup sûr le volume de la paille, après le battage ; paille précieuse qui servira à nourrir le bétail, et lui en faire des litières pendant l’hiver. Après quelques coups de faucilles, Azor se relevait, suffoqué par la chaleur que dégageaient le sol et les touffes de blé coupées. Il grattait ses avant-bras et ses mollets irrités au contact des gerbes de blé ; il transpirait ! Il enlevait son tee-shirt, et essayait de reprendre courage. Rien n’y fait, il perdait du terrain, et donnait ainsi l’avantage au reste de l’équipe qui progressait, en se relevant de temps en temps pour regarder le novice loin derrière. Ils reprenaient la progression, non sans avoir rigolé et conseillé ironiquement Azor le citadin d’aller préparer le repas de midi à l’ombre de l’arbre de thuya.
*La tenue et l'équipement d'un moissonneur :

Le moissonneur doit se plier pour couper les blés au raz du sol qui dégage des fortes chaleurs. Afin de s'en protéger, de se prémunir contre les irritations dues au contact des touffes de blé, et de protéger ses doigts des blessures que peut causer la faucille, en cas de fausse manœuvre, il doit impérativement, et de préférence porter les habits suivants : -Un saroual ample qui facilite les mouvements et favorise en même temps l'aération des jambes. -Une chemise longues manches -un tablier en cuir "Tbanta" qui protégera tout le bas du corps. -un bout de roseau du diamètre de l'auriculaire qui le protégera des blessures de la faucille pendant la coupe des gerbes de blé, -un chapeau à larges rebords, appelé en berbère "ARAZAL", fait en feuilles de palmier nain, qui couvrira la nuque, le visage et les épaules contre les coups de soleil. Azor, fraîchement engagé, n'avait aucune idée de ce genre d'accoutrements, convaincu que le short et le tee-shirt, feraient bien l'affaire.... Attitude qui déclenchait le rire général de la troupe.
*Le braconnage des lièvres: 
Non loin de la tente, une aire de battage est aménagée pour recevoir en fin de journée, les gerbes de blé moissonnées, et entassées sur le champ au fur et à mesure que les moissonneurs avancent. Elle est circulaire, d'un diamètre de 8 à 10 mètres. Elle est faite en terre, mélangée à la paille, liant et stabilisateur idéal, étant donnée sa souplesse. Le mélange est arrosé d'eau, et compacté avec des dames en bois, appelées "Lmrkz".
Autour de cette aire, Azor et ses frères posent une clôture de 60 cm de haut, en branches de romarin et de chêne qu'ils arrachent dans la forêt avoisinante. Dans ce cordon protecteur contre les incursions des animaux qui rôdent la nuit, 2 à 3 brèches sont aménagées, pour permettre l'accès à ces bêtes, lièvres particulièrement qui viennent manger les épis de blé, renards des fois. Les visites se font tard la nuit, quand l'homme dort.
Le lendemain matin, Moh, en connaisseur expérimenté, fait en compagnie de ses frères une visite des lieux pour constater les empreintes des visiteurs nocturnes. Ainsi, il déterminera de quel gibier il s'agit. Si la visite a eu lieu, il est certain que le soir venu, elle se répétera. Avant de dormir, Moh posera les pièges à mâchoires métalliques dans les passages aménagés, sous l'œil admiratif d'Azor et Hsaïn. Très tôt le lendemain matin, les pièges seront levés s'il n'y a rien dedans, ou si le gibier est pris, il sera dépecé et nettoyé à la source pour le repas de midi et du soir, tâche salvatrice dont Azor s'acquittera à merveille.
*Le battage des blés : 
La veille du jour du battage, Moh, est dépêché au village pour amener du renfort qui aidera à battre le blé. En fin de journée, le clan des Aït Lhoussaïn, oncles, cousins et toute la smalah débarquent avec leurs mulets chargés du matériel de couchage et toute une logistique en vivres, dont un chevreau à immoler pour l'occasion. Une veillée magnifique s'en suivra le soir autour d'un grand feu. Les verres de thé et les brochettes de chevreau seront de la fête. Des histoires de toutes sortes sont rapportées du village, telles que les récoltes maigres ou abondantes de telle ou telle famille, le nombre de chèvres ou de moutons tués par les chacals, suite à l'inattention d'un berger, etc.
Le lendemain, la troupe prend son petit déjeuner et commence par éparpiller les gerbes de blé sur toute la surface de l'aire de battage, et attendra jusqu'à une heure avancée de la matinée, des fois l'après-midi, pour commencer le battage. Ils doivent patienter jusqu'à ce que le soleil sèche les gerbes et les débarrasse de l’humidité qu’elles ont accumulée pendant la nuit ; elles seront ainsi plus cassantes et par conséquent battables en début d'après-midi. Après le repas de midi, les mulets, jusqu'à dix parfois, sont reliés par des cordes en poil de chèvre, l'un à l'autre par le cou, sur l'aire de battage Les mulets ainsi attelés, sont placés en ligne de façon à les faire tourner inlassablement en cercle. Le mulet qui va servir de pivot, tenu par un des hommes, va tourner sur place, ses déplacements étant donc minimes, ceux des lignes extérieures courent en cercle à toute allure pour casser les gerbes de blé avec leurs sabots ferrés. Quand le meneur sent la fatigue le vaincre, et que tout le monde juge qu'il est temps de le relever, on change le sens de la course circulaire de l'attelage. Le mulet qui se trouvait à l'extérieur, devient alors pivot à son tour pour le reposer, et la course reprend, avec un autre meneur qui se propose de lui-même. Le manège durera ainsi pendant des heures, avec les encouragements, des fois les moqueries de la troupe, jusqu'à ce que le blé soit transformé en fétus de paille de quelques centimètres, et que tous les épis soient égrenés et débarrassés de leur enveloppe.

*Phase de séparation de la graine et de la balle :
Quand l'oncle Haddou, l'expert et le plus écouté, juge que la phase de battage doit prendre fin, les mulets sont dételés et les enfants les amènent à la source pour les abreuver, et leur donner leur ration d'orge qui figure toujours parmi les provisions amenées du village. Suite à cela, ils les entravent et les lâchent dans le champ où ils broutent le chiendents, herbe qui reste vivace toute l'année, en glanant également les épis de blé tombés sur le champ pendant la moisson. Entre temps, le reste de l'équipe amasse le blé battu en un seul tas au milieu de l'aire de battage, en préparation de la phase de la séparation de la balle* et de la graine. Celle-ci se fera après le déjeuner quand la brise du nord, fraîche et assez forte sera levée (Aghrbi, en berbère). Elle est tous les jours au rendez-vous les étés dans les montagnes d'El Aderj, pour aider les hommes dans leur tâche, et rafraîchir les nuits assez chaudes
                                                                Séparation de la graine et de la balle

Après un repas bien mérité et un rafraîchissement des hommes à la source, non loin du camp, ils se remettent à la tâche. Armés chacun d'une "Tazzrt"*, fourche à trois dents, taillée en une seule pièce dans une branche de chêne, ils se partagent en deux groupes, et s'alignent de part et d'autre du tas de blé, perpendiculairement au sens du vent. Ils plongent leurs fourches dans le tas de blé et en jettent le contenu en l'air. La brise se chargeant de disperser les fétus de paille, de les déplacer plus loin à quelques mètres, les graines retombent sur le tas, sous l'effet de leur poids (Celles qui sont vides, et qui n'ont pas assez mûries, iront atterrir un peu plus loin parmi les fétus épaisses et moins moulues). Tout en exécutant inlassablement ce geste incessant, les belligérants, car il y a toujours un esprit de compétition, chantent des chants populaires pour adoucir leurs efforts et implorer la brise de se maintenir et ne pas les quitter. Au fur et à mesure que le tas de paille grossit à proximité, le tas initial de blé s'amenuise et vire du blanc jaune au doré, couleur de blé. En effet, le tas de grains débarrassé de la balle, apparaît dans toute sa splendeur 

Voici un des chants répétés inlassablement lors de l'opération de séparation de la balle et de la graine. C'est en berbère d'El Aderj. Pour les initiés, les enfants du pays, ceux qui comme Azor ont pratiqué et cru en leur sérail et en leur bonne étoile, celle qui veille sur eux jusqu'à ce jour dans le monde entier, car dispersés par la force des choses, leur destin, toutefois si merveilleux, en ayant décidé sans leur consentement:


-"Imch Ach ichni Mimoun, A dach ikkr laâouine !", crié en chœur par une des équipes. "
-Aditaoui Aghllim, adach idjj ahboub!", répondra l'autre équipe en face.

C'est un chant dédié à la brise des après-midis de l'été, pour l'implorer d'être au rendez-vous et de ne pas quitter le moissonneur, afin de l'aider à accomplir son rituel ancestral, à savoir, produire et ramasser sa récolte nourricière. En voici la traduction :

"Si la chance est de ton côté, la brise se lèvera pour toi!" "Elle emportera les fétus, et te laissera la graine!"
"Pour toi", désigne celui pour qui le travail de battage est entrain de se faire. Dans ce cas, il s'agit du père d'Azor. Quand le tas de blé bien apparent est débarrassé des fétus légers, il reste néanmoins ceux qui sont lourds, notamment la partie qui est à la base de la tige de blé. Une seconde et dernière opération est alors nécessaire pour nettoyer définitivement le blé de tout corps étranger. C'est le rôle du tarare utilisé dans certaines régions du maroc. Chez les Aît Aalahms, l'opération reste manuelle et la technique locale.
Pour une fois encore, l'oncle Haddou dirigera le déroulement de la tâche. Il se met d'un côté du tas de blé, perpendiculairement au sens de la brise, armé d'un "Louh", genre de pelle en bois de chêne. Azor et le reste de la troupe se mettent en face de l'autre côté, accroupis et équipés chacun d'un balais en romarin séché, à tiges rigides, appelé "Asllaf".
L'oncle Haddou plonge le louh dans le tas de blé, et en jette le contenu en l'air, d'un geste de façon à éparpiller au maximum les graines face à la brise. Avant qu'elles ne retombent ainsi sur le tas, le reste des fétus légers et la poussière s'envoleront, et ceux qui sont lourds et récalcitrants, apparaitront à la surface du côté des balayeurs qui les chasseront au fur et à mesure avec leurs balais, à l'image des essuie-glaces sur un pare-brise. Ce travail durera jusqu'à ce que tout le tas soit retourné, et on procède encore une fois dans le sens inverse. Quand la graine bénie est bien isolée et nettoyée, le clan se félicitera de la récolte et du travail accompli dans la sueur et la dignité.
C'est seulement alors qu'Azor et ses cousins accourront à toutes jambes à la source voisine. Ils s'abreuveront d'eau fraîche, et prendront un bain rapide pour chasser les poussières amassées toute la journée. Ensuite, ils dégageront la place aux adultes pour faire leurs ablutions, en préparation de la prière "d'El Asr", 3ème prière du jour. Azor quant à lui, il ira en compagnie de Moh et Hsaïn préparer le repas du soir, en attendant le transport de la récolte. Il se fera toute la nuit, à dos de mulets, pour l'ensiler à la maison. Le blé ne doit sous aucun prétexte passer la nuit sur l'aire de battage; ce sera indigne du clan des Aït Lhoussaïn, de se déclarer vaincu par la fatigue et la distance à parcourir.

*Transport et ensilage de la récolte:
Avant de mettre le grain dans les "Sachou", sacs en poils de chèvres, le père d'Azor, s’assoit devant le tas, et commence à mesurer le volume avec un "Moud", cylindre fait en bois, taré et reconnu localement, comme mesure de capacité des grains lors de toutes les transactions qui se font à El Aderj. Il en remplit le Moud jusqu'au rebord, puis il le verse, au fur et à mesure dans les poches du "Sachou", jusqu'à ce qu'elles soient bien pleines toutes les deux (La consigne, est qu'il ne faut pas parler à ce moment, car "KARKOUZA", peut s'emparer du tas de blé, et la "Baraka", fuira le propriétaire qui ramassera très peu de blé). C'est une croyance qui a sûrement un rapport avec le travail du peseur qui ne cesse pas de compter les "Mouds" versés dans les sacs, en parlant, il risque d'être distrait et se trompera de compte. À la fin, il aura le compte exact du volume récolté. Un des oncles, se charge alors de coudre les sacs hermétiquement, pour ne pas laisser échapper le blé pendant le voyage. Plein à ras bord, "Sachou" pèsera 2 quintaux de blé, ou 1,5 quintal s'il s'agit d'orge; la densité des deux céréales n'étant pas la même. Deux hommes se tiennent alors la main qu'ils passent autour du "Sachou", et le soulèvent pour le mettre sur le dos du mulet, tenu par un des convoyeurs. Le mulet, est sans selle dans ce cas, seule une couverture est mise directement sur son dos, maintenue par un harnais pour qu'elle ne puisse pas glisser pendant le voyage. On sangle alors la cargaison par des cordes en poils de chèvres (ASGHOUN
Une fois tous les mulets chargés, Moh, Azor (Pour le ramener un court moment vers la civilisation), et deux cousins, prennent le départ pour amener la caravane à destination. Le mulet, le plus doux, et le mieux adapté à mener la file, est mis en tête, les autres suivent. Ils connaissent par instinct le chemin, et ils savent qu'à l'arrivée au village qu'ils ont quitté des jours, ils retrouveront un moment leur auge pleine de paille et leur ration d'orge. Ainsi chargés, ils ne trouvent à aucun moment le temps, ni les moyens physiques de dévier de leur chemin.
À l'arrivée, les hommes enlèvent les sangles, et font tomber par terre la cargaison, à l'intérieur de la maison. À partir de ce moment, leur tâche est terminée. Ils vont sur la terrasse, prendre un thé; les femmes prennent alors le relais. Elles déchargent les grains dans des paniers en feuilles de palmier nain, et vont déverser le contenu au fur et à mesure dans des silos* en roseaux tressés, installés dans la pièce de réserves. Une fois leur travail terminé, Azor et les autres reprendront alors le chemin du retour pour un autre convoyage. Le rythme incessant durera toute la nuit, jusqu'à l'aube. Le dernier convoyage sera fait après le petit déjeuner auquel assiste toute la troupe qui reprendra le chemin de retour vers le village. Tout l'été, les moissons se feront ainsi à tour de rôle jusqu'à ce que le dernier de la famille des Aït Lhoussaïn ait ensilé ses récoltes. C'est toujours le plus jeune parmi les oncles qui sera servi le dernier; le droit d'aînesse, étant de rigueur, pour éviter les mécontentements, faire régner l'ordre et perdurer la cohésion et la survie du clan. 

          Petites berbères au souk, marché forain hebdomadaire. Tous les jeudis à El Aderj

*Tsammrt, ou le forum des villageois d'El Aderj :

Les plus beaux moments qu’Azor, son frère Hsaïn et ses cousins adoraient, c’était à la fin des cours, quand ils rentraient le soir à la maison. Un goûter englouti précipitamment, souvent café au lait chaud, une galette de pain d’orge, et de l’huile d’olive. Le coucher du soleil hivernal, était pour eux le moment le plus prisé. Ils rejoignaient les oncles, et les gens du village, rentrés de leurs vacations, sur une terrasse derrière la maison de l’oncle Achour. Le plus beau spectacle, auquel ils assistaient, était surtout la rentrée des troupeaux de chèvres de la famille Aït Lhoussaïn qui atteignait parfois jusqu'à 400 têtes, conduits par les bergers, et cernés par les "Slouguis", chiens qui gardent et protègent le troupeau, jour et nuit. Le troupeau est enfermé dans un enclos de branchages d'arbres séchés, où il restera à l'air libre toute la soirée, jusqu'à ce que les hommes décident de rentrer. Pendant que les chèvres allaitent leurs petits, les femmes procèdent à leur traite en même temps. Elles nourrissent également les chiens de restes des plats de la journée et du son trempé dans de l'eau avec un semblant de sauce.
Le troupeau le plus admiré, était celui de l'oncle Lhoussaïn ou AAssou Kachaou, des centaines de têtes, qui soulevaient un nuage de poussière qu'on pouvait voir à des milliers de mètres au fur et à mesure qu'il s'approchait du village. Par instinct, les bêtes vont droit à l'enclos, guidées par un des chiens de tête. Les aboiements, mêlés aux bêlements des chèvres et des chevreaux qui attendent impatiemment leurs mères pour les allaiter, constituaient à eux seuls, un spectacle digne des plus grands théâtres de la ville ; un monde féérique, naturel et saisissant.
Ce sont les retrouvailles que le coucher du soleil dictait aux hommes et aux bêtes. C'est tout simplement la vie champêtre et campagnarde d'El Aderj, inoubliable et sécurisante, qui marquera à jamais Azor et ses cousins.
Tsammrt, est une terrasse en terre battue, baignée par les derniers rayons du soleil, un solarium, en quelque sorte. C’est là où se tenait le forum des Aït Lhoussaïn. On y relate les évènements de la journée, les nouvelles des proches qui habitent en ville, dont on lisait à haute voix les lettres fraîchement reçues. On commentait les évènements de la journée, et on décidait des tâches collectives du lendemain, avant que la chape de froid du soir ne tombe et vienne chasser tout le monde vers leurs foyers. Azor adorait écouter les oncles raconter leurs exploits en Indochine, en Allemagne, ou leurs péripéties avec les autorités du moment. Les guerres d’Indochine, d’Allemagne ou d’Italie, lui étaient contées dans les moindres détails. 
Comment les goumiers et les tirailleurs, se débrouillaient pour combattre le viet et détourner ses pièges, afin de survivre à l'enfer. Les stratagèmes dont ils ont usé pour se sortir d’une embuscade, et d'autres évènements. Azor n'oubliera jamais la perte de son unique oncle maternel à Monte Cassino, lors de la campagne d'Italie à laquelle il avait pris part avec la 2ème et la 4ème division marocaine, aux côtés des troupes françaises commandées par le général Juin. Haddou et sa soeur Mamma (Fatima en berbère), ses enfants et cousins d'Azor resteront orphelins à l'âge de 5 ans. Haddou vit actuellement à Maison Alfort, où il a pris sa retraite de la Sncf, et Mamma, qui sera plus tard à 12-13 ans, le premier amour platonique d'Azor, est décédée jeune suite à un problème cardiaque. Azor demandait souvent à son oncle Achour de lui raconter l'histoire de Hamri, qui a déserté les rangs de l'Armée Française quand il a su qu'au Maroc, une guerre de libération avait débuté. Il a pu constituer une armée locale de marocains, de viêts et d'autres mercenaires. Il s'est attribué le grade de général, et a contribué à la défaite des français à Diên Biên Phu, aux côtés du général Giap en 1954, défaite qui a accéléré la décolonisation en Afrique et ailleurs, notamment au Maroc. Ce personnage, restera longtemps le héros préféré d'Azor. 

 Plus tard en 1973, quand Azor était en service en tant que lieutenant, à la Base Aérienne de Meknès, il aura l'occasion de voir ces marocains déserteurs, rapatriés par le gouvernement marocain, et installés un moment à Meknès, à la place d'Armes où ils ont fait l'objet d'enquêtes préliminaires, avant de les introduire et de leur présenter leurs familles d'origine. Ils étaient pour la majorité mariés à des vietnamiennes, et avaient des enfants. Si parmi ceux qui lisent ce récit, il y a des personnes qui connaissent la vraie histoire du général Hamri, qu'ils m'éclaircissent davantage ce mythe, ce genre de héros qui ont fait honneur au Maroc séculaire. Ils en sont remerciés d'avance
Condoléances adressées à deux amis :
Dans les lettres écrites à ses amis qui ont perdu leurs parents, un la mère, et l'autre le père, Azor pleurera toujours hélas la perte de sa mère dans le premier cas, et ses premières classes à l'école d'El Aderj, où il avait côtoyé pour la première fois, les textes d'Ahmed Sefrioui, choisis dans le cadre des leçons de lecture suivie, dans le 2ème cas.
*Renvoi 2: En marge, la lettre adressée à Aziz, qui a perdu sa mère, un ami, âgé de 60 ans :

*Renvoi 3: En marge, la lettre adressée à un ami Abdesslam Sefrioui qui a perdu son père Ahmed Séfrioui :

Ahmed Sefrioui, est de la génération de Mouloud Feraoun, l'immense écrivain francophone algérien. Des extraits de leurs écrits, dont Azor et sa génération ont été abreuvés, ont été introduits à l'école primaire dans les manuscrits des années 50 et 60, que l'administration française enseignait à l'époque. Ils sont restés quelques temps après l'indépendance. 
Parmi les écrits de "Si Ahmed", devenu l'ami du colonel Azor à Rabat, il y a "La boîte à merveille" qui s'est hélas refermée sur lui à jamais. 

Son fils Abdeslam, caméraman, et par la suite présentateur du journal français, de 20 heures à la RTM des années 80-90, était l'ami d'Azor. Il l'a introduit auprès de son père en 2 000. Si Ahmed, est un monument de la littérature marocaine, de langue française, et pilier du ministère de la culture des années 60, jusqu'à 90. Il est le fondateur et l'initiateur des musées culturels au Maroc, à l'époque de Mohamed El Fassi, ministre de l'Education Nationale. Quand Si Ahmed a su qu'Azor était de la région de Séfrou, car lui, il en est natif, et une fois qu'Azor lui a signifié tout le respect et l'admiration qu'il portait à un des maîtres de la littérature marocaine de langue française, ils se sont liés d'une amitié indéfectible, pendant les années qui lui sont restées à vivre. Il a toujours exigé de ses deux enfants Abdesslam et Azor, de venir régulièrement les midis déjeuner avec lui et débattre de certains sujets qui lui tenaient à cœur, autour d'un apéro, et d'un déjeuner bien arrosé. Les sujets qu'il affectionnait, étaient entre autres, (L'administration marocaine, la religion, la femme marocaine, la ville de Rabat qu'il voyait se dégrader de jour en jour pendant les années 2000, et bien d'autres sujets). Il était prolifère sur le plan intellectuel, agréable et convaincant dans tout ce qu'il débattait avec Azor et son fils. Une perte énorme pour le Maroc que ces intellectuels qui ont servi leur pays quelque part dans l'anonymat. Peu de gens les ont connu s et reconnus, pour des raisons d'état ou autres ; l'état hermétique et conservateur de ces années.

*Renvoi 4: En marge, la lettre adressée à un ami, directeur des ressources humaines d'une multinationale danoise, implantée à Tanger :

-Les circonstances de cette lettre sont quelque part douloureuses et poignantes pour Azor, outré par les comportements, l'arrogance et la rapacité des propriétaires immobiliers et fonciers de Tanger, qu'il fréquente de par son métier d'agent immobilier de circonstance. Il s'agit purement et simplement d'un licenciement d'un gardien de villa, sans préavis, ni pitié, par le propriétaire qui la louait très avantageusement à ce directeur. Erik, le directeur en question, partenaire d'Azor à travers "Le manoir", son agence immobilière, qui lui louait des villas et des appartements pour le compte de sa société, est devenu par la force des choses son ami intime. Le jour où la propriété a été vendue, le locataire, l'ami d'Azor, ainsi que le gardien de la villa, devaient déguerpir le plus tôt possible et quitter les lieux.
Une touriste danoise à Ouarzazate, dans le désert marocain. Plus bas, les tentes des nomades berbères du Haut Atlas (Dogt, la femme de mon ami Erik, dans la région de Ouarzazate)
Chapitre XII : La chasse au sanglier les années 50
Merci à Mr. Soujaa, de l'ANMOCT (Association nationale marocaine d'organisation de chasses traditionnelles), qui m'a gracieusement envoyé, suite à ma demande par mail, des images du Sloughi marocain. Pour marquer l'authenticité et la beauté de ce compagnon du chasseur, un de nos patrimoines ancestraux, j'ai choisi de publier cette image de Sa Majesté, présent à toutes les manifestations sportives, sociales et culturelles dans le pays. La pérennité du Sloughi marocain, noble lévrier, mérite réellement cette bienveillance royale, protectrice et perpétuante.
Additif (le 01 février 2009) : Heureuse surprise : Azor apprendra bien plus tard par la fille de "Mr. Huit" qui a visité le site, que le couple européen figurant sur la photo, le mari, n'est autre que le petit-fils de Mr "Huit". Tu liras cher lecteur les échanges épistolaires d'Azor avec la petite fille de Mr. Huit, resté jusqu'à l'âge de 92 ans dans sa ferme sur les côteaux, au dessous du village d'Ahermoumou. Les arbres anciens et importés à l'époque du protectorat, qui embellissent Ahermoumou, rebaptisée Ribat Al Khaïr, ont été plantés en 1930 par Mr. Huit, un personnage mythique que les populations berbères de la région ont toujours respecté et protégé.

Incroyable ! L'image choisie ne pouvait en aucun cas avoir une relation avec le petit enfant de Mr. Huit, car choisie pour sa représentation amblématique de la protection de l'environnement et du patrimoine marocain, entre autres, le Slougui, sur lesquels veille notre monarque. 

Parmi les événements du village qui ont marqué Azor à l'âge de 6 ans, il y avait la chasse au sanglier; cette bête mythique que les adultes ont diabolisée et dont ils ont sali l'image à ses yeux. C'était la bête redoutable, néfaste et dangereuse, à abattre. Quand la neige recouvre la montagne de son manteau blanc, toute la végétation qui constitue l'espace vital de la faune qui la fréquente, lui devient inaccessible. Les sangliers, les chacals, les renards, les lièvres, les alouettes descendent plus bas, et s'aventurent aux alentours des villages, en quête de nourriture. Le sanglier, se servira dans les vergers, tout en détruisant et piétinant les plants, défaut que l'homme ne lui pardonne pas. Le chacal et le renard viendront racketter les bergeries, et les poulaillers. L'hiver enneigé, reste donc la saison idéale pour des rencontres indésirables entre l'homme et la bête; les dénouements de ces luttes, décidera de la délimitation des territoires de chacun. 

Les villageois provoqueront ainsi le sanglier dans des poursuites sanglantes et meurtrières. Ils organisent des traques, accompagnés de leurs chiens, "les Sloughis", et armés de "Tighzzalines", matraques sculptées soigneusement dans les branches de l'olivier ou du chêne local. Un jour, se rappelle Azor, au retour de la meute, son oncle Haddou et Achour, portaient un des chiens sur une civière de branchages de chêne. Malheur, c'était "Ghzala", la chienne de l'oncle Haddou. Ghzala, son nom, veut dire, la belle" en arabe. Belle, racée et élancée, elle était la plus aimée des enfants de la famille. Docile et sociale, elle obéissait sans rechigner. Pendant la partie de chasse, elle a été blessée par un sanglier ; ses boyaux étaient apparents. L'oncle Haddou, visiblement affecté par les souffrances de "Ghzala", a suturé son ventre, nourrie et mise au chaud dans la pièce où il dormait, privilège exclu malheureusement pour les chiens dans la société berbère d'El Aderj.
Azor et ses cousins étaient inquiets et bienveillants à l'égard de Ghzala. Ils l'assisteront longtemps dans sa convalescence, jusqu'à sa guérison, en jouant avec elle, et en la nourrissant. Amenuisée physiquement, elle ne retrouvera plus malheureusement sa vigueur et son enthousiasme pour la chasse et les jeux avec les enfants qu'elle affectionnait.
Quelques noms des Sloughis de la famille d'Azor : -Ghzala, "la belle" -Ghatass, "le plongeur" -Kassab, "L'éleveur" -Rabbah, "Le gagneur" -Aallam, "Eclaireur qui donne l'alerte" -Ouannas, "L'amuseur, le compagnon". Les enfants les connaissaient bien et s'amusaient souvent à les opposer aux chiens des autres familles, sans résultat, car le sloughi est pacifique et non agressif.


*Les préparatifs de la traque au sanglier :

Le sanglier fait des descentes ravageuses en fin de nuit, très tôt le matin, quand les villages sont assoupis et engourdis par le froid hivernal. Dès que les visites faites aux vergers et champs, le lendemain matin, décèlent les premiers dégâts, les Aït Lhoussaïn, la famille d'Azor, décrètent l'état d'urgence, préparent et organisent alors la meute meurtrière. Un conseil de guerre est immédiatement mis sur pied. Les formalités, la logistique et la stratégie de la traque sont décidées unanimement, sous la conduite de l'oncle Achour, le plus brave, connu dans le village pour son courage et sa témérité. Il y était craint et respecté. Les prérogatives de chacun, ses obligations et sa mission, lui et son Sloughi, seront arrêtées et fixées en commun accord. La lutte sera en effet acharnée, sans merci et à risques pour tout le monde, hommes et Sloughis.......

Le lendemain aux premières lueurs du jour, le rassemblement se fait dans la maison de l'oncle Achour. Il procède à la revue des hommes, s'assure de leur état de préparation, de l'efficacité de leurs outils de défense rapprochée (Serpes, gourdins, couteaux et poignards), et de leur tenue qui doit être la moins encombrante possible, pour faciliter les mouvements et la course dans la neige. Des morceaux de viande crue de chevreau, sont jetés en pâture aux chiens qui se les disputent avec rage. Ce rite ancestral a pour but de mettre les chiens en condition de carnage, ce qui les maintiendra en quête de chair fraîche par la suite.

L'ennemi désigné, sera évidemment le sanglier ravageur, qui en fera les frais. Une fois les dernières consignes de sécurité, dictées solennellement par le chef de l'expédition, l'oncle Achour, sous les regards admiratifs des enfants et des femmes qui ont préparé toute la nuit les repas des hommes et des Sloughis, le départ se fera dans les pleurs des enfants, et les "Youyous" des femmes. (Les youyous sont des cris stridents d'encouragement que les femmes adressent à leurs maris, pères, frères ou fils, quand ils partent combattre l'ennemi; l'homme par temps d'hostilités, et dans notre cas, le sanglier, la bête mythique, considérée comme dangereuse et féroce). Le début de la traque commencera par le repérage des traces du gibier dans la neige ou la boue selon le cas, et à partir de là, les chiens éclaireurs et pisteurs "Les Aallamas", entraîneront les hommes et le reste des chiens dans leur course savante et interminable, jusqu' à ce que le contact inévitable se fasse avec l'ennemi.... La lutte impitoyable pour la survie, sera alors engagée.

*Le retour de la chasse :
Quand la meute revient en début d'après-midi, les enfants, les vieillards et les femmes sont là à attendre pour participer à la joie du retour sans accident. Le trophée quand il y en a un, est mis sur l'aire de battage des Aït Lhoussaïn, et livré en pâture aux Sloughis. Les berbères d'El Aderj, ne mangeant pas le sanglier, considéré comme malsain. (Dommage dira Azor plus tard, adulte). Après avoir nourri les chiens, gorgés de chair fraîche, les museaux barbouillés de sang, et heureux de leur journée de travail, le clan rentre chez l'oncle Haddou où un repas copieux est servi dans la pièce qui sert de salon, près d'une cheminée où brûlent des fagots de chêne et de thuya.
Azor, ses frères et cousins, se pressent alors auprès de l'oncle Lhoussaïn, le plus gentil, et le supplient, bises et regards implorants à l'appui, pour qu'il impose leur présence au festin. Dans le cas contraire, ils seront relégués au rang des femmes de la maison. Ils n'auront droit à ces postes honorifiques que le jour où ils prouveront, leur endurance et leur bravoure, à l'âge de 14 ans et plus. C'est alors qu'ils seront admis dans le club, et autorisés à participer à ce genre d'activités réservées aux adultes. En attendant, ils devraient attendre que leurs aînés aient fini de festoyer, et ils iraient manger les restes avec les femmes, qui ont mis bien entendu de côté leur repas. Elles ne se mettront à table que lorsque les hommes seront repus et qu'ils n'aient plus besoin de leurs services. La hiérarchie, est hélas établie ainsi dans la communauté, concernant certaines cérémonies. L'homme d'abord, la femme après. Et dans les foyers berbères d'El Aderj, la maman d'abord, le père après. Curieux, mais cela maintient l'ordre et l'harmonie dans cette société peu nombreuse et très fermée. Chacun connaissant ses limites et ses obligations; et n'ayant que le droit à l'exécution et au respect des coutumes ancestrales.
Chapitre XIII : L'olivier millénaire à El Aderj :
L'olivier à El Aderj, est sacré et respecté. Il est ancestral, et nourricier. La majorité des arbres sont centenaires, sinon millénaires. Leurs troncs font jusqu'à 1,50 m de diamètre parfois ; d'une hauteur de 15 mètres, et d'une envergure de 8 à 10 mètres. Le père d'Azor, ne traitait jamais ses oliviers, ni les cultures ; la neige les hivers s'en charge. Les insectes et les parasites qui élisent domicile dans les écorces et les troncs pendant le printemps et l'automne, sont gelés et massacrés les hivers. Les branches pourries cassent sous le poids de la neige, pour laisser la place à des jeunes rejets vigoureux et sains. Le cycle est bien réglé, et les hommes laissent la nature faire bien les choses d'elle-même. Les olives séchées, et l'huile pure, constituent un capital non négligeable pour les familles qui les conservent, car non périssables. Ils s'en nourriront toute l'année. L'huile d'olive est présente à tous les repas d'Azor et ses frères. Le matin au petit déjeuner, elle remplace la confiture et toute autre sucrerie. Les goûters au retour de l'école, une galette d'orge chaude, sans levure (Touftirt, en berbère local), et une bonne dose d'huile d'olive, accompagnés du lait de chèvre, lui sont servis par sa mère, pour calmer sa faim. Tous les plats cuisinés sont évidemment à base d'huile d'olive. Azor se souvient des nouvelles inquiétantes parvenues à certaines familles, dont les proches habitaient en ville. Ils étaient handicapés à vie, parce qu'ils consommaient les huiles d'arachide. C'était en 1960, quand il y avait des milliers de cas d'empoisonnement, dus aux huiles qui étaient mélangées à des produits toxiques, telles que les huiles moteur et autres. Azor et les siens, n'en ont pas fait les frais, ils ne consommaient que leurs produits, les produits de terroir.

*La cueillette des olives : 
Le mois de décembre, la cueillette des olives commence à El Aderj. Elle constitue un événement et un rite annuel, auquel tout le monde participe. Azor et ses frères se mobilisent avec leur père et oncles pour gauler et ramasser le fruit béni. Les adultes grimpent dans les arbres jusqu'à 8 mètres des fois, armés des gaules flexibles de 5 à 6 mètres de long, coupées dans le chêne ou l'olivier, et séchées tout l'été, pour battre les branches les plus élevées. Les enfants et les femmes en bas, secouent les branches accessibles à hauteur d'homme, ramassent les graines tombées, une à une, et les mettent dans un tas à même le sol, en attendant de les transporter à la maison. Au fur et à mesure que le tas grossit, il vire du noir au violet, au vert et au jaune. La raison est que les graines dans un même arbre ne mûrissent jamais en même temps, l'ensoleillement, n'étant pas uniforme à tous les niveaux de l'arbre, dont les graines tourneront au noir, en fonction de leur exposition. Une fois le taux des olives noires atteint les 70% de la récolte, la cueillette s'impose, car les olives mûres tombent d'elles-mêmes, sous l'effet du vent. Une fois la cueillette finie, les hommes rempliront les "Azenbils", sacoches en Halfa, et les transporteront à dos de mulet à la maison.

*La fabrication de l'huile d'olive :

La meule, en pierre poncée est tirée par un mulet. L'homme en rouge, remplit une "Chimcht"*, une pièce en forme de pneu, faite de feuilles de palmier nain. Elles sont ensuite mises sous la presse pour en sortir le jus, un mélange d'eau et d'huile.
Les olives sont stockées à la maison dans une pièce, à même le sol, dans un coin qui dispose d'un drain pour évacuer l'eau qui s'en dégagera, au fur et à mesure qu'elles fermentent, et perdent leure eau pour ne garder que la peau gorgée de gras, l'huile, qu'elles ont gardées jalousement pendant toute la période de gestation. Cette phase est nécessaire, le temps que les substances indésirables se dégagent, et que le tour de la famille arrive pour utiliser la presse collective du village, afin de fabriquer son huile. 

*Les veillées hivernales dans les locaux de la presse à olives du village:

Une fois par an, la presse à olives, reprend son droit sur les villageois qui l'abondeonnent toute l'année. Tout le monde dans le village se mobilise pour redorer le blason de la demoiselle, qu'ils vont dépuceler en début d'hiver. La meule en pierre ancestrale et inusable, est nettoyée et ointe d'huile d'olive, les mécanismes de la presse, tout en bois de cèdre, sont revus, huilés et testés, "Nkir", la fosse dallée de pierres poncées, qui reçoit le jus des olives pressées, est également nettoyée.Le coin de feu circulaire qui servira de salle à manger, de coin de réconfort et de retrouvailles est nettoyé et alimenté en fagots de thuya et de chêne, qui alimenteront des feux de veillées interminables, les soirées d'hiver noires et froides.
Azor sollicite à ce niveau, l'indulgence de ses fidèles lecteurs pour ce revirement intempestif (Vol sur le dos, qui dure quelques secondes chez les aviateurs). Le passage de l'olive à la mauvaise humeur du moment, reste toutefois pardonnable pour les raisons justifiables qui poussent Azor à des élans de coeur et de compassion.
E-mail écrit ce soir 17 novembre 2008, à une amie habitant en Europe. Dépressive et à bout de nerfs, qui a pleuré sur l'épaule d'Azor, dans un courrier qu'elle lui a adressée.

*Renvoi 5: Texte en marge
23 novembre 2008-deux heures du matin.
Déconnecté depuis 5 jours, pour une virée à la ville des palmeraies, Marrakech, logeuse du 8ème Festival international du film ; la ville du lycée d'Azor, le lycée Hassan II. Sur les traces de ses années d'adolescence, Azor a découvert une ville complètement transformée et méconnaissable. Les avenues vides, les parcs fleuris, les oliveraies, les ruelles de la Médina, les quartiers chics qu'il affectionnait visiter à vélo avec les copains, enfants des militaires de la base aérienne ; les lieux qui le fascinaient, ne sont plus ce qu'ils étaient. Tout a changé, mais pas en mal dieu merci. Marrakech d'Azor des années 60, les années des grèves, de la fronde, est quelque part préservée....Le lycée avec son internat, ses ateliers, avec toits en voûtes, où les élèves de la section industrielle et technique, dessinaient et usinaient des pièces en acier, qu'ils exibaient avec ferté pendant les récréations ; Les bâtiments, les cours, les terrains de sport, sont toujours là, imposants et bien présents. Un grand merci aux responsables de la ville, dont Mr. Jazouli Omar, l'actuel maire de la ville, et président de l'association du Grand Atlas, qui a enseigné le droit commercial à Azor, au Lycée Hassan II, et qui exercait en même temps la fonction de surveillant général d'internat. Il venait au lycée en SOLEX. Les élèves voyaient en lui, le dandy élégant et chic de l'époque.
La visite rendue à quelques amis d'enfance a remis Azor sur les traces de ses années de bonheur quand il apprenait à danser "le jerk, avec James Brown, Otis Redding, Miriam Makeba et Aretha Franklin ; le Charleston avec Wilson Picket, le Tcha-Tcha-Tcha ; le Slow en compagnie des copines, d'Alain barrière qui chantait "Emporte-moi", et l'inévitable VIGON, d'origine marocaine qu'on appelait plus affectueusement Abdou, "Abdelghafour", pour lui coller sa marocanité ; Azor était aux anges. Il est remonté en quelques jours dans le grenier, il l'a dépoussiéré, nettoyé et magnifié.
La gare où Azor prenait le train pour aller à El Aderj, a embellie, elle a pris des couleurs, la vieille demoiselle (Chapitre VII : Les vacances d'Azor). Azor a compris que désormais tout est fini. "Siffler le train" de Richard Anthony, lui est revenu ces jours-ci ; "Et j'entends siffler le train, que c'est triste un train qui siffle dans le soir......Que c'est loin où tu t'en vas, auras-tu jamais le temps de revenir". 


Azor a su aujourd'hui que la personne à laquelle la chanson s'adressait, était pour lui Marrakech, la belle. C'est lui qui es parti loin sans un adieu, laissant sa belle sur le quai, qu'il n'a jamais eu le temps de revoir.....Il entendra siffler ce train toute sa vie.
La gare de Marrakech, rénovée, qu'Azor a retrouvée avec plaisir Merci Abdallah, pour l'enlèvement. Merci d'avoir sorti Azor de son cocon tangérois qu'il affectionne de plus en plus. Tu as rendu un grand service à ton ami qui devient de plus en plus casanier. Cher lecteur, on retrouvera sûrement les veillées promises des berbères d'El Aderj autour du feu dans la presse à olives. Merci
*Les veillées hivernales dans les locaux de la presse à olives du village
Le coin réservé aux veillées, est une fosse circulaire d'un diamètre de 3 mètres, profonde d'un demi mètre, et dallée de pierres. Au milieu, le coin du feu où les fagots brûleront toute la nuit, autour duquel les hommes se mettront en cercle convivial, emmitouflés dans leurs djellabas et burnous. À la fin de la journée, les gens du village viennent rejoindre l'usager du jour, pour l'assister bénévolement à faire le reste du travail, et discuter autour du feu, pendant que le pressoir fait son travail.
La tradition veut que tout ce monde doit prendre son thé toute la soirée, et diner avant de rentrer chez lui. Toutefois, chaque visiteur amène un repas copieux, et l'assemblée se retrouve avec des dizaines de plats variés (Des couscous, des tagines de poulet de ferme, des œufs cuits dans un mélange de tomates et poivrons), les galettes d'orge, de maïs, d'orge, à profusion, faisaient le régal des enfants qui avaient l'embarras du choix. Azor et ses camarades, armés de bâtonnets, genre de baguettes aiguisées au bout, et taillées la journée dans les jeunes pousses d'olivier ou de grenadier, optent pour la mouillette. Ils coupent une bouchée de pain, qu'ils enfilent sur le bout de la baguette et la trempent dans un pot en terre, plein d'huile nouvellement pressée, mis à leur disposition. Les bouts de pain dégoulinant d'huile, sont engloutis avec joie et délice. Le jeu devient une compétition qui se déroulera sans cesse jusqu'à ce qu'il y en ait un qui reste en dernier, le goinfre de la soirée. Il faut vraiment avoir un sacré appétit et un foie à toute épreuve, pour participer à ce genre de festin...Le garnement ne se manifestera que des jours plus tard, quand il aura digéré son audace d'avoir gobé autant de graisses.
Azor et ses camarades, rejoignaient par la suite les veilleurs autour du feu qui racontent des histoires et des faits héroïques qui magnifient tel ou tel personne décédée que les enfants n'ont pas connue, et parfois des histoires à dormir debout. Quelques unes, Azor en découvrira la fanfaronnerie plus tard, car, jeune, çà l'a marqué pendant longtemps quand il allait se coucher, ou quand il sortait la nuit, dans la hantise de rencontrer un jour "MJJGHIOUL", l'hyène, car il s'agit de l'hyène, carnassier redoutable, qui a probablement semé la terreur, tout comme le lion et le tigre de l'Atlas qui ont malheureusement disparus.
En voici la meilleure :
Les habitants du bourg de "TAOURIRT", traités de fanfarons* (Ifiyachn, en berbère) par les gens d'Azor, racontent à qui veut l'entendre ce fait d'armes et de courage. Les enfants du pays sont invités à corriger Azor s'il en rajoute. Ce sont les gascons d'El Aderj :
Ali Bouichahchaoun (L'homme aux poussins), est le personnage mythique dont il est question. On raconte qu'une nuit en revenant chez lui, à travers la montagne, une hyène a rodé longtemps autour de lui. Elle dégageait une odeur qui, à la longue, a commencé à lui tourner la tête. Pour lui échapper, il est monté dans un chêne, et il s'est attaché à une branche avec une corde pour ne pas tomber, sachant qu'il s'évanouirait, vue l'odeur insupportable que l'hyène n'arrêtait pas de répandre autour de lui en rotant sans cesse. À un moment, quand les premières lueurs du jour commençaient à se faire voir, il a vu que l'animal ressemblait à un âne. Il a alors décidé d'agir et de l'affronter. Il descend de son perchoir, et commença à amadouer l'hyène, en l'intimant de se soumettre, dans les mêmes termes qu'on se serait adressé à un âne pour le monter. L'hyène, impressionnée par la taille du personnage, s'est soumise et il est monté dessus. Il l'a ramenée jusqu'au village où il l'a poignardée devant l'assistance. Plus tard quand Azor aura vu l'hyène dans le zoo, et apprendra à travers des documentaires qu'elle n'attaquait jamais seule sa proie, mais en groupe, il réalisera finalement que l'histoire relevait de la fanfaronnerie des Aït Tourirt.

Chapitre XIV : Retour aux sources

Samedi 6 décembre 2008 :
Azor, encouragé et poussé par un ami danois, Erik, directeur des ressources humaines dans une multinationale implantée à Tanger (Voir plus haut, lettre adressée à Erik), a décidé de renouer avec El Aderj, et de revoir sa maison natale.
Il faut dire aussi que le caïd d'El Aderj, Mr. Jalal eddine Faska, et le super caïd, Mr. Lahcini, chef de cercle d'El Menzel, dont dépend El Aderj, ont également poussé Azor à repartir dans le bled. Pour des raisons administratives personnelles, Azor a eu l'occasion de les contacter par téléphone et de les connaître à distance. Leur soutien et leurs conseils ont été non négligeables. Depuis, une relation amicale fut établie, et à chaque occasion qui se présente, ils ne cessent de l'exhorter de revisiter son village qui a changé positivement, et qu'ils souhaiteraient le voir sur place pour contribuer à apporter sa touche personnelle afin d'améliorer la vie quotidienne de sa région et des siens, vue son expérience non négligeable d'officier supérieur.
Azor vous remercie de tout cœur pour le tact et le savoir faire en tant qu'autorité locale. Vous avez su le convaincre, vous avez eu les mots appropriés qui ont fait vibrer et réveiller en lui ses sentiments et ses sens de campagnard, voire de tribal, pour servir davantage le pays qu'il a défendu pendant 33 ans. Merci mes amis.
La maison d'Azor et ses frères, est actuellement tenue par Larbi, retourné récemment au bercail, après une errance en ville où il a exercé des métiers de menuisier et autres. Il est actuellement le seul et le benjamin des frères qui est resté sur place, pour perpétuer la présence de la famille ; un autre point positif qui a motivé la décision d'Azor de renouer avec son patrimoine. Larbi a 3 enfants ; un garçon Ahmed, et 2 filles Leïla et Imane.

Les filles de Larbi jouant aux billes, à côté de la maison d'Azor, leur oncle.....l'âge de l'insouciance, et du bonheur En effet, la perte du père décédé à la base aérienne de Salé, chez Azor qui le faisait soigner à l'hôpital militaire de Rabat, a déclenché en lui un rejet du retour pour ne plus se souvenir, une fois qu'il avait rapatrié et inhumé le patriarche, qui fut l'assembleur, après la mère décédée très tôt. La seule présence sur les lieux à l'époque, étant la marâtre qu'Azor n'a jamais eu l'occasion de mieux connaître, étant donné qu'il était absent toute l'année, et qu'il ne revenait que l'été pendant les vacances scolaires. Ceci n'arrangeait évidemment pas les choses. La fronde aura duré 8 ans. Merci à ceux qui ont contribué à rétablir le pont.

*Deux jours de retrouvailles, d'émerveillement et d'émotions

-Citation : "Voyager est un triple plaisir : L'attente, l'éblouissement et le souvenir. (Ilka Chase)
Au fur et à mesure que le paysage montagneux, et les lieux familiers à Azor, défilaient et qu'El Aderj se rapprochait, Azor était sous l'effet de charme. Il n'a pas pu retenir quelques larmes, saisi de cette même émotion qui l'a toujours prise à la gorge, à chaque retour pendant les vacances scolaires des années 60. La fougue avec laquelle il parlait d'El Aderj à son ami, avait diminuée pour finir par cesser subitement. Erik avait compris ; il a respecté le moment et a continué à conduire son 4 x 4, sans plus poser de question pendant un bon bout de temps, laissant Azor dans son isolement involontaire.
Au niveau "d'Irane ou Achar", le point de la route où le jeune Azor descendait du car pour rejoindre à pied son village à travers les montagnes, il a demandé à son ami de s'arrêter un moment pour des prises de photos, la vue étant magnifique, à partir de ce point. Azor était ravi et saisi par ce sentiment de retour en arrière ; revisiter son passé, revoir ce petit enfant, haut de son mètre, grimper la montagne, sa valise à la main, heureux et insouciant. N'y tenant plus, il appela son frère Larbi sur son portable, et lui demanda d'aller à la place du souk, pour recevoir son ami et l'emmener à la maison où ils attendront son arrivée. Larbi était au comble de l'étonnement, il n'en a pourtant pas demandé plus, sachant les décisions inexpliquées et intempestives d'Azor. S'adressant à son ami le danois, il lui dit :
-Désolé Viking, mais je vais te faire fausse route à ce point, car tu dois continuer sans moi, droit jusqu'à la place du souk, à 4 kilomètres d'ici. Mon frère Larbi viendra te chercher dans un quart d'heure à peine ; il est déjà en route pour le souk. (Azor a surnommé son ami le Viking, et Erik, l'a surnommé le berbère. Leurs appels téléphoniques commencent toujours par : Hello Viking, et Hi berber). -Hé berbère! Qu'est-ce qui te prend ? Je connais tes frasques à Tanger, mais cette fois-ci, il me semble que tu en fais un peu de trop.
-Non mon ami, je suis sérieux et c'est impératif. Le lien sentimental qui me rattache à cette montagne que je dois à tout prix gravir et rentrer au village, est tellement fort que je dois te laisser tomber un moment ; il y a longtemps que j'en ai fait le rite de mon enfance, mon pélerinage.
Azor expliquera plus tard à son ami le mobile de son agissement incompréhensible jusqu'alors pour Erik. Il finira par comprendre et compatir, non sans en avoir un peu rigolé. Avant de continuer la route, Erik, est resté à regarder son ami grimper la montagne avec aisance et sans gêne aucune, malgré son âge avancé. Il l'interpela, et lui dit :
-Tu n'es plus le petit gamin de 12 ans berbère. Si tu te foules une cheville, tu as aujourd'hui l'avantage d'avoir mon portable, n'hésite pas à m'appeler, j'alerterai ta tribu pour se payer ta tête de cabochard.
-T'en fais pas, nous sommes aussi rudes que les vikings. Nous survivons aux dangers de la montagne que nous maîtrisons. Nous avons la peau dure autant que vous qui savez affronter les mers et les océans.
-Cabochard !, finit par lui dire son ami, resté sur place jusqu'à ce qu'Azor ait fait un bon bout de chemin. Il finit par continuer sa route, laissant Azor dans son enfance, vivant ses lubies, ses moments intenses et intimes.

*Les impressions d'Azor :
Deux jours magnifiques où Azor a ausculté le pouls de sa vallée. Il s'est rendu compte que les choses bougent dans le pays sur certains plans, et par malchance, d'autres aspects de la vie dans la vallée, aussi bien pour les hommes que la faune et la flore, se sont bien dégradés.
Excuse, cher lecteur l'effraction et le stress personnel qu'Azor veut sans intention aucune te faire vivre en sa compagnie. Il reviendra t'entretenir sur les balades à travers la vallée, les gens, les lieux. Les souvenirs reprendront leur droit sur le spleen.
Le mal qui a rongé Azor pendant ces deux jours vient tout simplement du désastre heureusement encore rattrapable que le manque d'irrigation a occasionné dans la vallée. Presque 30% des arbres séculaires, assoiffés, ont rendu les armes ; les sols que ces arbres stabilisaient croulent et partent en boue pour aller enrichir d'autres contrées dans les plaines du pays.
Les arbres centenaires assassinés, les sols qu'ils stabilisaient, s'écroulent, emportés par les eaux pour aller enrichir d'autres endroits. Azor, aviateur qu'il a été lance aujourd'hui un SOS toutes directions, toutes fréquences, à qui voudra le secourir. (Les autorités locales, Mr. le gouverneur de Sefrou, tuteur de cette population, les organisations internationales non gouvernementales, la direction des collectivités locales du ministère de l'intérieur, et autres...Pourquoi pas la Communauté Européenne que la France et l'Allemagne ont enfantée) La France qui a recruté à tour de bras parmi les parents d'Azor pour défendre ses frontières et récupérer sa dignité perdue face à l'Allemagne des années 40 "Voir la présentation de l'auteur" . Egalement, le forfait du général Gilbert Grandval, qui, malgré le dévouement des parents et oncles d'Azor, à la France, a tout de même bombardé la région, dans l'intention de massacrer ceux-là mêmes qui ont donné leur jeunesse à la France, contre qui ils se sont soulevés pour dire non à la déportation de Mohamed V en 1955. Il a été abattu à bord de son avion au dessus des montagnes du Moyen Atlas, le 22 août 1955. Azor avait 5 ans, quand son père l'avait amené en catastrophe avec sa mère et ses frères dans une grotte que son grand père maternel occupait pour défendre son champ nommé "DOUAOU". La grotte creusée dans le sol argileux de la propriété, est toujours là.
La manœuvre de l'ancien militaire, guerrier averti, de DIÊN BIÊN PHU qu'est le père, était de se terrer pour éviter les bombardements du général à bord des T6, chasseur bombardier de fabrication américaine, qu'Azor voyait survoler le village, à l'âge de 5 ans. Il ignorait le motif de ce pic-nic improvisé, car la famille allait souvent là-bas, passer des journées entières. Le père les rassurait, lui et ses frères, sans leur avouer le motif de ce déplacement précipité. Azor reconnaîtra plus tard la silhouette du T6, maintenu à la base aérienne de Marrakech, comme avion école, quand il aura rejoint le rang des Forces Royales Air en 1969, en tant qu'élève-officier.
Aujourd'hui, les enfants des goumiers et des spahis Aalahmis d'El Aderj, dont le père et les oncles d'Azor ont fait partie, demandent le retour. Une assistance dans la dignité et le respect qui peut rehausser à leurs yeux cette France que leurs parents ont sublimée, en exhibant leurs médailles à leurs enfants, et aux premiers venus...., en magnifiant par la même occasion leurs chefs militaires des années de lutte et de combats acharnés Sauvons la vallée d'El Aderj de la sécheresse déguisée,

Oui, déguisée, car il y a beaucoup d'eau qui part renflouer le Sebou et l'Atlantique. Les sources d'El Aderj, restent parmi les sources principales qui alimentent le fleuve Sebou, un des plus grands du Maroc. Le problème demeure technique. L'aide d'un bureau d'études sérieux, est sollicitée pour conseiller positivement les populations, car les études faites par le passé et les retenues d'eau construites, n'ont fait qu'aggraver le problème. Les crues intempestives ont emporté la digue, coûteuse à la construction, et colmaté les sources qui étaient apparentes par le passé. sur l'image, on distingue la digue en béton, ébréchée.

Un panneau en béton ou en acier, escamotable ou amovible, pourrait être placé dans la brèche, dans la continuité du reste de la digue. Il sera déplacé ou retiré, pour faire place aux crues quand les torrents deviennent menaçants. L'adoption d'une digue en béton dont la partie centrale, qui est soumise aux courants forts pendant les crues, pourrait être conçue en panneau d'acier coulissant, à commande électrique, qui libérera le passage, une fois les pressions des eaux atteignent un certain niveau. L'idée est que le passage libre soit donné aux eaux des crues, qui n'auront plus d'obstacle à détruire, afin d'éviter toute reconstruction à l'avenir. Il suffirait alors, une fois l'accalmie revenue de remettre en place les panneaux coulissants pour bloquer à nouveau le passage à l'eau, qui réalimentera les séguias. D'autres techniques sont envisageables, en l'occurrence le pompage, l'électricité, étant actuellement arrivée sur place. Une formule pourra alors être trouvée pour que la commune paye une partie, et les utilisateurs, une autre partie des frais d'électricité. C'est à ce niveau qu'Azor sollicite tout organisme ou personne bénévole qui peut suggérer et proposer des solutions durables et réalisables. Avec tous les remerciements d'avance.

La retenue d'eau, avant les crues La technique que nos parents utilisaient chaque année pour la reconstruction de la digue, une fois la saison des crues passée, était la suivante :

Des branches de thuya, fraichement coupées, sont disposées au fond du lit de la rivière ; Juste au dessus, une autre couche de branches de laurier, est posée de façon à assurer une meilleure étanchéité, étant donnée leur feuillage serré et vivace. Les deux couches de branchages, sont alors maintenues en place par des grosses pierres, pesant jusqu'à 50 kilos, sur toute la largeur de la digue. En dernier, une couche épaisse de terre argileuse est couchée sur le tout ; Celle-ci, une fois légèrement arrosée et compactée, assurera l'étanchéité de l'ouvrage.
La même opération sera répétée, au fur et à mesure, jusqu' à ce que le niveau de la conduite d'eau "La séguia", est atteint en hauteur. Les sources déviées sont alors remises dans leur sens d'écoulement initial et viennent remplir la retenue d'eau, jusqu'au niveau désiré, soit celui des séguias qui distribueront l'eau pour l'irrigation de part et d'autre de la vallée. Pendant toute la période estivale et automnale, les jeunes du village viendront se baigner dans le plan d'eau bleu et glacé, et par la même occasion, les plus costauds, plongeront jusqu'au fond de la retenue pour combler et arrêter les fuites importantes quand elles sont constatées, avec des mottes en terre glaise, mélangée aux fétus de paille que les adultes préparent. À noter que l'ouvrage, n'est pas entièrement hermétique, et l'eau abondante, ira renflouer la rivière où d'autres séguias, situées en aval, puiseront l'eau qui leur est nécessaire pour irriguer les terres les plus basses de la vallée, et faire tourner les nombreux moulins à eau qui se trouvent en amont de ces séguias.
Les travaux auxquels participe toute la population de la vallée, adultes et jeunes, dure jusqu'à 15 jours, vue la hauteur de l'ouvrage qui atteint 8 à 10 mètres de haut, et une largeur de 20 mètres entre les parois rocheuses les plus rapprochées, au point le plus haut de la vallée. L'été et une grande partie de l'automne, l'irrigation se fait à merveille, le temps que les sols et les cultures en ont besoin.
L'hiver, les assauts répétés des crues sévères, auront raison de la retenue d'eau qu'elles emporteront à moitié, créant une saignée béante, au milieu de l'ouvrage. Ce processus est toutefois bénéfique, car les eaux de la crue emportent également dans leur courses les galets, les boues et le sable qui, restés sur place auraient à la longue colmatés les sources de surfaces, et diminué le volume de la retenue.
En automne quand le besoin d'eau se fait ressentir dans la vallée, les hommes reprendront leur lutte incessante contre les éléments, et reconstruiront éternellement la partie manquante de l'ouvrage. Tant que l'homme laissera la nature faire elle-même les choses et réguler son cours, elle demeurera sa complice, généreuse, protectrice et nourricière. Ce rite ancestral a été interrompu un moment par deux phénomènes. L'un écologique, l'autre économique.
Dans le premier cas, le ministère des eaux et forêts, s'étant étoffé en cadres, fin des années 60, début 70, a jugé qu'il est temps de limiter les dégâts et le pillage occasionnés aux forêts dans le pays. Il a notamment nommé un garde forestier à El Aderj. À dos de son cheval, et accompagné de son auxiliaire, ils semaient la terreur chez la population en pourchassant les femmes qui vont chercher le bois de chauffage et de cuisine (Une goutte d'eau dans l'océan, vue la vigueur de la forêt dont les espèces se régénéraient rapidement ; d'autant plus que le bois constituait à l'époque la seule ressource énergétique dont disposait le berbère qui n'en faisait aucunement une ressource de spéculation).
Il a également interdit avec l'appui de l'autorité locale de l'époque, de couper le thuya pour construire les digues, sous prétexte que la forêt finira par disparaître. Or ce qui détruira malheureusement notre forêt, ce sont les villes de Séfrou et Fez qui achetaient la complicité de quelques personnages véreux parmi la population, et certains garde-forestiers corrompus de l'époque, pour couper en masse clandestinement la forêt, afin d'alimenter les fours à bois bio entre parenthèses, et les cheminées des villas cossues. Le volume de feuillages qui servait à construire la digue, reste insignifiant, d'autant plus que les rejets l'année d'après viennent remplacer les branchages coupés, à côté des souches entières qui sont coupées, voire déterrées par les braconniers, au service des citadins. Le résultat est malheureusement là, catastrophique, et triste. De moins en moins d'eau, de neige, et les sols des terres en terrasses sont emportés de jour en jour vers d'autres lieux.
Dans le second cas, l'exode rural, s'est accentué les années 6o et 70, pour des raisons économiques. Les familles de plus en plus nombreuses, se voient attirées par la ville, et particulièrement par l'armée, pour les gens d'El Aderj, le seul métier qu'ils aient pu exercer, à côté de l'agriculture et l'élevage. La main d'œuvre réduite sur les lieux ; les mandats envoyés par les enfants dans les villes, ont créé un moment une léthargie et un esprit de dépendance chez les parents âgés, restés sur place. Ces deux phénomènes, aggravés par la sécheresse qui a sévi au Maroc les années 90, ont donc contribué à la situation actuelle. L'eau est là, et l'homme reste impuissant pour le récupérer et l'utiliser pour son bien.
Hélas, C'est ce qui se passe actuellement avec la retenue en béton. Une fois emportée partiellement par les crues, les sédiments amassés restent sur place, et l'été venu, les sources enfouis profondément, ne réapparaissent plus, étant donné le niveau bas de la nappe phréatique.
Personne ne doit s'arroger le droit de faire mourir un patrimoine séculaire que nos parents et aïeuls nous ont légués. Du respect pour eux et à El Aderj qui a enfanté des hommes qui sont morts pour le pays, pour le Maroc séculaire. Aujourd'hui, on aliène dans les villes notre patrimoine à des étrangers, mais là-haut dans nos montagnes, il y a toujours des hommes qui veillent au grain dans la sobriété et la dignité. Ils seront là, comme leurs ancêtres l'ont été, pour donner leur vie au pays quand il aura besoin d'eux.
AIMONS-LES et PRENONS SOIN D'EUX. AZOR, le petit berbère.
Appel de détresse lancé à tous les enfants d'El Aderj :
Que tu sois un haut cadre, un commerçant, un artisan, ou autre dans le pays ou à l'étranger, si tu es un enfant d'El Aderj, je te conjure d'user de ton influence dans les milieux où tu vis à ce moment pour aider à abreuver de nouveau ta vallée. Cette vallée qui t'a nourrie, qui t'a vue grandir et protégée, est entrain de succomber au mal de l'exode rural. Nos parents qui l'ont entretenue, arborisée, et défendue contre tous les fléaux humains et naturels, n'étant malheureusement plus là, et leurs enfants l'ayant abandonnée.
Use de ton influence auprès des organismes étatiques du pays ou des ONG quelles qu'elles soient pour aider les responsables de la commune à résoudre au mieux le problème d'irrigation qui persiste, et qui stresse les habitants, impuissants face au phénomène. Azor, votre cousin
Chapitre XV : Les jeux d'enfance d'Azor
Les jeux d'enfance des petits berbères de la vallée d'El Aderj, sont simples, naturels, à la portée de tout le monde, et gratuits; la nature offrant tout l'espace et les matériaux pour amuser les garçons particulièrement, qui doivent affronter et détourner très jeunes les pièges de leur environnement. Les filles occupent malheureusement moins d'espace que leurs frères dans ce domaine, réservé aux mâles. Les jeux transmis de génération en génération, ne sont en fin de compte ni gratuits, ni innocents sur le plan psychologique et éducatif. La stratégie qui les régie, se doit d'aguerrir le jeune berbère, et de le façonner à l'image de ses aïeuls qui ont inventés ces jeux, intelligemment imposés, et transmis avec beaucoup de génie. En effet, la majorité des jeux ont pour thème la formation physique et psychologique de l'enfant pour le préparer à mûrir très tôt, et prendre conscience de sa nature d'homme, défenseur et protecteur du clan familial et par conséquent de la tribu et de ses montagnes.
*Le jeu de "TABLAT" :
Jeu d'adresse et de combat par excellence, "Tablat" (La pierre en berbère d'El Aderj), jeu ancré dans la mémoire des enfants d'El Aderj. Il reste inoubliable et indissociable de leur parcours d'enfant et plus tard d'homme. Quel plaisir que de se retrouver les étés dans le lit de l'oued qui draine une eau limpide, claire et moins torrentueuse pour pratiquer ce jeu.
Description :
Les enfants se mettent en ligne, à 2 mètres l'un de l'autre, à l'image des tireurs au fusil sur un champ de tir, chacun face à la cible qui lui est désignée. Dans le cas de ce jeu, la cible est commune à tous les tireurs. Il s'agit d'une pierre plate de 30 x 30 centimètres, récupérée dans le lit d'oued. Ils l'érigent à une distance de 20 à 30 mètres, selon l'âge et la force physique des concurrents. Armés de galets d'oued, et à tour de rôle, et de gauche à droite, ils lanceront les galets sur "Tablat", pour la faire tomber. Chaque fois que la cible est atteinte et qu'elle tombe, celui qui l'a touchée va la remettre en place, quittera les rangs, et regardera les autres qui continueront l'exercice.
Le jeu prend fin quand tout le monde a touché la cible, comme le premier l'a fait. Le dernier qui manque d'adresse ou de chance, sera sanctionné. Il portera sur son dos à tour de rôle toute l'équipe. Il les transportera un à un jusqu'au niveau de la pierre sur toute la distance qui sépare la ligne de tir de la cible. Dans beaucoup de cas, les plus agiles, pardonneront le supplice au moins chanceux.
Souvent quand des différends surviennent entre les tribus, ou les clans familiaux, la première arme disponible sur les lieux demeure la pierre que les belligérants s'envoient les uns les autres, à distance. Au fur et à mesure qu'ils se rapprochent les uns des autres, le corps à corps, se fait alors à la matraque, gros bâton, au bout arrondi. Jamais de couteaux ou de poignards. Les dégâts se limitent aux fractures, et la quiétude reprend son droit par la suite une fois les esprits calmés, et les blessures soignées...... Une façon peu démocratique, il faut dire, mais elle a le mérite de faire régner l'ordre dans la vallée tout de même.
Bien plus tard, Azor, élève-officier à l'Académie militaire de Meknès, découvrira l'utilité de ce jeu de lancer de pierres, pendant son premier exercice de lancer de grenades. C'était pour lui un jeu d'enfants, c'est le cas de le dire.
Pour des raisons de sécurité, l'instruction se faisait avec des grenades fumigènes pour éviter des accidents qui peuvent être mortels. Azor trépignait et rigolait au fond de lui-même de toute l'énergie que le lieutenant X, son chef de section (général en fin de carrière.....Mes respects mon général), mettait pour apprendre aux jeunes recrues la technique du lancer de grenades, et comment viser l'objectif. Pour Azor, c'est déjà acquis, et que c'est une perte de temps. Quand son tour venait, il dégoupillait sa grenade, la lançait avec aisance, et touchait souvent son objectif, sans faille. les élèves issus de la ville donnaient des sueurs à l'officier instructeur qui voyait les grenades tomber à quelques mètres des élèves. Il devait refaire parfois individuellement les cours aux officiers de la médina que les élèves de la brousse tel El Aderj, appelaient leurs camarades issus de la ville.
Excuse cher lecteur les incursions intempestives d'Azor, qui a le don de revenir de temps à autre à la réalité. Il souhaite te tenir au courant de son problème d'irrigation dans sa cambrousse, El Aderj. Un problème qui continue à l'inquiéter et à le tarauder. Sans cesse, Don Quichotte qu'il est, il combattra pour trouver une solution et une issue honorables à son obsession, avec l'assistance de ses lecteurs et tout organisme spécialisé dans le domaine de l'irrigation. Aujourd'hui, le 20 janvier 2009, les circonstances ont voulu qu'Azor rencontre à travers un ami à la Wilaya de Tanger, et via internet, un bureau d'études et non des moindres au Maroc, dont le directeur fondateur, n'est autre qu'un petit berbère de la région d'Azor. Le message qu'Azor lui a envoyé, croyant en son savoir faire et en son patriotisme, est consigné en marge.
Tôt ce matin du 21 janvier 2009, Azor vient de recevoir un e-mail de la part de Majid Marzouk, Ingénieur en chef, Ecole Supérieur des T.P Paris, son compatriote, lui annonçant la bonne nouvelle...son engagement certain pour étudier et accompagner le projet d'irrigation dont souffre El Aderj, le patelin d'Azor. Majid, est manager du réseau de consultation et service à Rabat. Les correspondances échangées, figurent en marge du blog.
Sur la route d'El Aderj
Après le hameau visible sur l'image, à 1 000 mètres, à droite de la route, accrochée à un coteau, la ferme de "Mr. Huit", qu'on ne voit pas. Il était le dernier survivant des enfants de Lyautey (Gamins, on prononçait "Msouiouit"). Adopté par les populations berbères environnantes, il est devenu, de par son savoir-faire et sa ténacité à entretenir sa ferme et le bon voisinage des populations, l'enfant naturel du pays. Ses enfants n'ont jamais oublié leur havre de paix où ils ont grandi et fréquenté la même école que les petits Azors du pays berbère. Un baume au cœur :
Aujourd'hui, Azor a reçu un courrier stimulant, et encourageant, d'une sympathisante et fervente franco-berbère, originaire de Zloul, à 20 kilomètres d'El Aderj, le pays d'Azor.
UN CLIN D'OEIL À ARGANA, LA BERBÈRE DU ZLOUL!
Merci pour le coup de fil et pour tes encouragements concernant mon blog (Azor se permet de te tutoyer, enfant du Jbel". Tu es et tu restes crois-moi, une perle rare et généreuse, qui tient à ses origines et à son patrimoine. Tu fais honneur au pays berbère qui t'a adoptée, protégée et perfectionnée dans tes sentiments et tes valeurs morales, que l'environnement et la rigueur de tes parents t'ont transmis.
Quelque part, j'ai mentionné cela plus haut dans mon blog, en insistant sur cette réalité, avant de te connaître. (Dans les occupations estivales d'Azor, en parlant du moulin à eau abandonné). Ce beau pays, ne peut que générer des enfants magnifiques et valeureux.
Citation d'Azor : "Comment un enfant qui a grandi dans un environnement aussi beau et sain, deviendra-t-il un citoyen pourri et corrompu? Inconcevable.
Merci ARGANA pour tout et à nos retrouvailles à Zloul ou à El Aderj
Les respects du matin de ton cousin Azor, le petit berbère.
La descente d'Ikhrouaan, en allant à El Aderj
Echanges épistolaires avec Argana, la petite fille du mythique "MSIOUIT", ou Monsieur HUIT : Il est le seul et dernier français qui est resté dans le pays berbère hautement hostile à la présence française de l'époque du protectorat. Il est devenu l'enfant du pays, respecté, protégé et aimé de tout le monde. Il n'a jamais été inquiété dans sa ferme qu'il s'acharnait à entretenir. Les communications ont de nos jours révolutionné les relations entre les individus, en créant notamment INTERNET, initié par les Forces Armées Américaines. Ce monstre tentaculaire, a rapetissé le monde de nos jours. La preuve en est cette rencontre impromptue de deux enfants du pays berbère de Ghzrane et des Aït Alahms, qui se sont côtoyés longtemps sans jamais se rencontrer. Azor et Argana, la petite fille de Mr. Huit, qui est resté jusqu'à ce jour dans le subconscient d'Azor, un personnage mythique, qui habitait une ferme magnifique.
Espérant que les échanges épistolaires avec Argana, puissent lever certaines zones d'ombre sur le mythique Mr. HUIT pour beaucoup parmi les enfants d'El Aderj qui lisent ce blog, afin de mieux le connaître et de savoir ce qu'il a apporté de positif à la région, Azor se permet de publier en marge à leur attention certains mails échangés avec Argana, avec sa permission bien entendu. Ce genre de personnages, ont largement contribué à la modernisation d'un Maroc ancestral. Ils ont permis aux populations berbères d'accéder à la culture universelle à travers leur langue, et leur savoir faire. C'est une réalité indéniable quant aux échanges qui se sont faits entre les deux civilisations pour le bien-être de tout le monde, même s'ils se sont faits parfois dans la douleur et les exactions.
*TAFGUIRT, le plaisir des enfants d'El Aderj,
Le jeu de Tafguirt, se pratique quand les épis de blé, d'orge et de maïs, ont atteint leur maturité, avant qu'ils ne sèchent. Les graines sont encore vertes, pleines et laiteuses. L'été, Tafguirt se fait avec le maïs, agrémenté d'un dessert, souvent le raisin. Les épis sont cueillis dans les champs familiaux, ou chez le voisin, quand la famille de l'enfant n'en a pas. Le lieu où ce jeu est pratiqué, est de préférence, loin du village, dans la montagne. Les enfants ramassent les fagots de bois sec, et ils en font un braséro énorme. Ils se mettent autour du feu, et jettent dans les braises les épis de maïs. Ils les retournent au fur et à mesure, jusqu'à ce que les graines soient bien braisées. Ils s'en délectent alors en toute impunité, tout en racontant des anecdotes se rapportant aux gens du village.
Genre d'endroit propice à Tafguirt. Loin du village et près de l'eau de source
Le printemps, Tafguirt se fait avec les épis verts de blé et d'orge. Les épis avec leurs tiges, coupées à 50 centimètres de longueur, sont mises en gerbe. L'enfant tient la gerbe dans ses deux mains, et la met sur les flammes qui brûlent la barbe et la balle de l'épi, en brunissant en même temps la graine. Avant qu'elle ne soit complètement débarrassée de son enveloppe, et qu'elle ne soit complètement grillée, l'enfant prend entre la paume de ses mains les épis, les frotte un à un, et en débarrasse les résidus de la balle. Il amasse ensuite sa récolte dans un tissu ou dans le creux de sa djellaba. Les enfants compareront alors leur tas, et jugeront l'adresse de chacun, et son savoir faire. Le meilleur sera celui qui présente le tas le plus volumineux et cuit à point ; ni noir, ni vert. Un autre jeu s'en suivra, et ce sera un genre de pari en comptant sur la bénédiction et la collaboration de la mouche. Le jeu s'appelle "TIZIT", la mouche en berbère qu'on abordera pendant le prochain épisode. Tizit, en berbère d'El Ader, c'est le genre féminin, et IZI, masculin. Les enfants pouvaient distinguer le mâle de la femelle à sa couleur et à sa taille ; des discours savants et des escalades dans le langage, s'en suivaient souvent, et finissaient parfois par des disputes et des échanges de coups, au sujet du sexe de la mouche. C'est ainsi que les petits galopins "prenaient la mouche parfois" IZI ou TIZIT ? Il faut noter aussi que ce jeu que nous décrirons, aussi simple soit-il, avait le mérite d'établir une hiérarchie, souvent basée sur la force, ou l'intelligence de l'enfant qui s'imposait dores et déjà comme leader du groupe, car toute l'assistance rejoiganit son point de vue, (Mâle ou femelle, il l'imposait) "À ce niveau, je sollicite ton avis mon cher lecteur, sur le fait que l'on puisse distinguer le mâle mouche de la femelle, si toutefois, tu as eu le temps et la patience d'observer ces insectes mal appréciés. Un commentaire me fera plaisir. Merci"
Azor, le petit berbère
*Le jeu de Tizit :
C'est une forme de pari qui se déroule entre gamins. Une fois les tas de graines sont faits pendant "Tafguirt", les enfants se mettent en rond. Ils remplissent le creux de la main avec les graines de blés grillées, et les présentent, le bras tendu à "Tizit", la mouche qui décidera du tas qu'elle viendra honorer par un atterrissage béni. Ils resteront des heures ainsi, à attendre, en répétant à tour de rôle le refrain suivant en berbère :
"A Tizit, A Tizit, mansoua rbaa dtlata", qui veut dire Ô mouche Ô mouche, qui vaut mieux? quatre ou trois?. En effet, les plus laborieux misent des gros tas pour attirer Tizit, souvent sans espoir, car capricieuse qu'elle est, elle allait souvent se poser sur des petites mimines sales et puantes du chanceux sur qui son choix tombe, quelque soit le volume de sa mise. Quand Tizit a décidé du gagnant, il ramasse toute la mise, et le jeu continue sans fin et sans rancune.
Les enfants partageront par la suite le labeur de leurs efforts, couronnant ainsi une journée buissonnière, laborieuse et bon enfant, avant de rejoindre le village dans la complicité et la solidarité de petits garnements. Jamais le proprio du champ volé n'apprendra le nom du récalcitrant. C'est juré, quelque soit le supplice que les enfants endureront. L'esprit du clan se crée et s'apprend d'ores et déjà par le biais de ces jeux innocents, bénéfiques et initiateurs à l'esprit d'équipe, d'autodéfense, et de résistance collective à tout ce qui est étranger qui risque de toucher le clan.
Ce forum, loin du village et des adultes, a le mérite de former l'esprit d'équipe et de solidarité du jeune berbère qui le servira plus tard dans sa vie d'adulte. C'est l'occasion pour les jeunes de parler librement de leurs adultes, des potins du village, et de leurs amours platoniques également, qu'ils n'auront jamais osé aborder dans le village. Ils parleront des filles du village, ils éliront la plus belle, la plus discrète et la plus audacieuse. Ils dénonceront à huis-clos, la garce du coin, et le bourreau du village, qu'ils jugeront à vie par contumace.

Cahpitre XVI : Les amours platoniques et innocentes d'Azor


ITTO, le premier amour platonique d'Azor

*Premier amour platonique d'Azor :
À l'âge de 12 ans, Azor a commencé à manifester son intérêt pour sa cousine maternelle ITTO, qui habitait la même maison que sa tante, dont la moitié, leur revenait de droit, elle, sa mère et son frère.
Racée, silhouette fine, des traits fins, une chevelure épaisse et noire, des yeux remplissant un visage lisse et tristounet, elle était la fille type, pure berbère du Moyen Atlas. Chaque été, en revenant pendant les vacances scolaires, Azor, allait rendre visite à sa tante maternelle, car elle s'était occupée de lui et de ses jeunes frères depuis le décès de leur mère. Il saluait par la même occasion la mère de ITTO, l'épouse de son oncle, et en profitait pour voir sa dulcinée. Les deux enfants se saluaient, se souhaitaient bonne santé et Azor rejoignait l'aile réservée à sa tante. Ils avaient beaucoup d'affection l'un pour l'autre, jamais, ils ne sont allés au delà du respectable.
Toutes les excuses étaient bonnes pour ITTO pour venir voir Azor dans la cuisine où sa tante lui concoctait ses plats préférés sur le kanoun (coin du feu de bois). Des fois, c'est les allumettes, la levure, le sel, un verre d'huile, une épice quelconque, constituaient l'alibi de l'entrevue. La tante était consciente de la flamme qui consumait les malheureux enfants, et n'en était que contente. Elle disait à Azor que sa jeune cousine était un bon parti pour lui, qu'elle était pure et innocente, et que la famille la garderait pour lui en tant que future épouse; la différence d'âge étant de trois ans.
De son côté Azor n'hésitait pas à envahir la mère de sa cousine pour se faire inviter à prendre un thé. Parfois même, il s'imposait à dîner ou déjeuner pour faire durer le charme et l'envoûtement qu’exerçait sur lui la présence d'ITTO, afin de s'abreuver de son visage aux traits fins et si réguliers, avant de rejoindre ses quartiers chez sa tante. Jalousement, il rêvera toute la nuit de sa dulcinée, sachant qu'elle en fait autant tout près à quelques mètres de lui, sous le même toit. 
Leur relation restait purement platonique et bien innocente, gardant pour eux-mêmes leurs nobles sentiments dénués de toute velléité, dans l'espoir d'une union future quand Azor aura terminé ses études.
ITTO n'allait pas et n'a jamais été à l'école. Elle aidait la maman veuve et son frère aîné, le compagnon de jeux d'Azor à entretenir la maison, à travailler dans les champs, et à puiser l'eau de source. Ils vivaient modestement de la pension du père, l'oncle maternel d'Azor, décédé en Italie pendant la deuxième guerre mondiale, sous les couleurs de l'Armée française, qui livrait bataille aux allemands à Monte Casino.

                                         
L'été 1969, Azor entamait ses 19 ans, et avait rejoint l'Académie militaire, en tant qu'élève-officier de première année. Il est allé cet été en permission, arborant son uniforme kaki, une barrette sur l'épaulette, ornée d'une fourragère blanche, et la casquette ornée d'une jugulaire jaune dorée. Il en était fier, comme un chapon. 

En allant chez sa tante, il apprit que ITTO avait été mariée malgré elle à l'âge de 16 ans. Terrible la nouvelle pour Azor. Il sera outré et dégoûté de certaines traditions archaïques et injustes qui régissent les mariages dans sa communauté hermétique et phallocrate. Comment peut-on offrir en pâture une jeune fille, sans son consentement, à un mari influent par sa richesse, par sa famille ou par sa position sociale dans la communauté? Le cas de ITTO, est bien représentatif. Nous parlerons également des mariages arrangés à l'insu des deux futurs époux.
La famille du mari, était allée demander la main de ITTO, à sa mère, seule à en décider. Le demandeur était sergent dans les Forces Armées Royales Marocaines, et était âgé de 27 ans. Au départ, ITTO avait refusé, et sa maman a repoussé la demande.
Vexée, la famille du demandeur, avait alors eu recours à une autre stratégie, à savoir payer un pot de vin important au Chrif Lhadj Lhassan, leader de la secte Tijania dans la région. Influent, l'intéressé est allé lui-même, le Bakchich perçu l'y contraignant. Il a ameuté tous les "Foukaras Tijaniyines d'El Aderj, et sont allés voir la pauvre mère pour la convaincre à interéder à la demande du Chrif, la Baraka accompagnera ainsi le mariage de sa fille.
Des moutons ont été immolés dans la cour extérieure sous les 2 oliviers qu'Azor affectionnait, et la porte de la maison de ITTO, maculée de sang de sacrifice, sang prétendu sacré, que le Chrif complice, a fait couler de ses mains. La pauvre femme, ne pouvait renvoyer toute la tribu, venue la supplier et demander sa mansuétude. ITTO avait été, purement et simplement enlevée et mariée à un âge précoce où une jeune fille a encore besoin d'aimer, de rêver et de jouer avec ses poupées de roseaux qu'elle fabriquait elle-même.
Le rapt organisé par une mafia locale, épaulée par les religieux, causera plus tard des dégâts immenses dans le comportement d'Azor, et de sa cousine. ITTO aura plusieurs enfants, et mourra très jeune, à l'âge de 28 ans, suite à une maladie cardiaque mal soignée. Azor, ayant perdu sa mère à un âge précoce, et son seul amour platonique, probablement sa future épouse, ruminera longtemps sa haine qu'il portera à la classe sacerdotale, aux mariages traditionnels, et à l'idée du mariage arrangé dans sa communauté.
Il plongera davantage dans la littérature occidentale du 17ème et 18ème siècle, particulièrement française, et cherchera amour et refuge chez la femme occidentale qu'il a aimée à travers ses profs de lycée, et de son premier contact avec elle, aux USA, à l'âge de vingt ans, quand il y était en stage. Elle lui apprendra à aimer véritablement et sans tabous, et contribuera magnifiquement à panser ses blessures d'enfant à qui on a volé précocement sa mère et ses premières amours.
Alphonse de Lamartine, Bernardin de Saint-pierre, resteront ses auteurs de prédilection :
*Pour vous, mes chers lecteurs, un poème qu'Azor affectionnait, tiré de Graziella, par Alphonse de Lamartine : 
Elle avait 16 ans! C'est bien tôt pour mourir!
Mais pourquoi m'entraîner vers ces scènes passées ?
Laissons le vent gémir, et le flot murmurer ;
Revenez, revenez, ô mes tristes pensées ! Je veux rêver et non pleurer!
Elle avait seize ans! Oui, seize ans!
Et cet âge n'avait jamais brillé sur un front plus charmant!
Et jamais tout l'éclat de ce brûlant visage ne s'était réfléchi dans un œil plus aimant!
Moi seul, je la revois, telle que la pensée
Dans l'âme où rien ne meurt, vivante l'a laissée ;
Vivante! Comme à l'heure où les yeux sur les miens,
Prolongeant sur la mer nos premiers entretiens,
Ses cheveux noirs livrés au vent qui les dénoue,
Et l'ombre de la voile errante sur sa joue.
Laissons le vent gémir et le flot murmurer ;
Revenez, revenez, ô mes tristes pensées! Je veux rêver, et non pleurer!
Azor exécrera et rejettera plus tard toute union dans son milieu, malgré les supplications de son père tant respecté. En 1972, il rencontrera sur la base aérienne de Kénitra, Anna-Marie Johnson, institutrice à l'école américaine, son premier amour. Elle repartira une année après chez elle aux USA. Resté seul, Azor rencontrera Marie-Louise venue avec son père au Maroc recruter des bûcherons pour son exploitation forestière dans la Meuse, et décidera d'en faire son épouse. Azor avait 24 ans, elle en avait 20. Il ira en 1977, en France dans la Meuse, célébrer seul et indépendant son mariage. Son seul témoin fut son frère Hssaïn qui travaillait alors dans le Jura. 
Il prendra enfin sa revanche sur les traditions matrimoniales de sa communauté, ainsi que des inepties que l'institution militaire marocaine voulait lui imposer en interdisant les mariages mixtes. Rien de mieux pour initier l'esprit de rejet et de révolte chez le jeune berbère. Marie-Louise l'entourera de toutes les attentions pendant 24 ans, et le gratifiera de deux magnifiques garçons, Youssef et Mehdi.

Tanger 14 février 2009, jour de la Saint-Valentin, le rouge, étant de rigueur
Faisons un tour chez Azor, adolescent dans sa cambrousse, essayant de fêter la Saint-Valentin.
L'espèce de rosier sauvage existant à El Aderj
Bonne Saint-Valentin
À l'occasion de la Saint-Valentin, Azor en profite pour offrir sincèrement, et de tout cœur, un champ de roses à chacune de ses lectrices ferventes qui rendent visite à son site, et souhaiter également une bonne Saint-Valentin à tous ses lecteurs.
Erik, le Viking, l'ami du petit berbère, avec son épouse Dort, et sa belle-soeur, prenant un bain.......de neige au Danemark.
Union, bonheur et longue vie à l'ami d'Azor, Erik Schmidt, qui l'a soutenu, et souvent accueilli parmi sa petite famille, pendant son séjour à Tanger. Bonne Saint-Valentin à Dort, son épouse, et à son benjamin Mathias, surnommé "Maticha", le préféré d'Azor qu'il appelle tonton.
Mathias, surnommé à l'Ecole Américaine de Tanger, "Maticha". Il est le benjamin d'Erik

Cueillette des roses dans la vallée du Dades, à Kalaa Mgouna


La morale à retenir chers lecteurs et lectrices de cette anecdote, entâchée de quelques faits véridiques, est la suivante:
Un enfant d'El Aderj, mûr, et évolué soit-il, ne manifestera jamais ses sentiments amoureux en les extériorisant, en offrant des cadeaux, des fleurs, ou en le criant tout haut à sa compagne. Ce n'est pas de tradition. Quand il aime, il aime pour de bon, et il le garde pour lui-même. Les anniversaires, également, la génération d'Azor, n'ont jamais su ce que c'est, leur date de naissance, étant présumée. Ce sera leurs enfants qui leur fixeront plus tard leur jour d'anniversaire, le mois et l'année ayant été fixés par la mère et le père, à quelques mois près. La mère se souvenant de la saison où elle avait accouchée, et du mois berbère.
Le message d'Azor aux partenaires des enfants d'El Aderj, tous sexes confondus, est le suivant : Indulgence, Indulgence envers les enfants de la montagne, ces dinosaures indomptables, s'ils ne s'apercoivent pas de leur ignorance des coûtumes du partenaire. Pardonnez-leur, et ils vous le rendront en bien, à coup sûr.
Les mois berbères que la maman d'Azor et ses tantes lui enseignaient : "-Taltyourt -Rmtan -Laaïd Amziane -Bin Laaïad -Laïd Amkrane -Amaachour -Chaïaa Laachour -Lmouloud -Chaïaa Lmouloud -Ayaou -Gayaou -Bouimarchidane"


*Les désillusions et la révolte d'Azor :
Une chanson des CARPENTERS des années 70, quand Azor s'est épris de la chanson anglo-saxonne, résume cet état d'âme. Il n'a jamais cessé de l'écouter. Il l'écoute tous les soirs pour se souvenir. Elle s'appelle : "I WON'T LAST A DAY WITHOUT YOU"
-When there's no getting over that rainbow
-when the smallest dreams won't come through,
-I can take all the madness the world has to give, but i won't last a day without you!
Traduction :
-Quand il n'y a pas moyen d'atteindre cet arc-en-ciel,
Quand le plus petit rêve ne vient pas à se réaliser,
Je prendrai toute la démence que le monde peut donner, mais je ne passerai pas un jour sans toi.
Azor prie tous ses lecteurs et lectrices de bien vouloir écouter cette chanson s'ils en disposent, quand ils lisent le petit berbère. Elle les rapprochera de lui davantage. Il est disposé à l'envoyer par mail à tous ceux qui en exprimeront le désir
L'été 1969, Azor entamait ses 19 ans, et avait rejoint l'Académie militaire, en tant qu'élève-officier de première année. Il est allé cet été en permission, arborant son uniforme kaki, une barrette sur l'épaulette, ornée d'une fourragère blanche, et la casquette ornée d'une jugulaire jaune dorée. Il en était fier, comme un chapon.

Epaulette de l'élève-officier de 1ère année de l'Académie Royale Militaire de Meknès

probablement sa future épouse, ruminera longtemps sa haine qu'il portera à la classe sacerdotale, aux mariages traditionnels, et à l'idée du mariage arrangé dans sa communauté.
Il plongera davantage dans la littérature occidentale du 17ème et 18ème siècle, particulièrement française, et cherchera amour et refuge chez la femme occidentale qu'il a aimée à travers ses profs de lycée, et de son premier contact avec elle, aux U.S.A, à l'âge de vingt ans, quand il y était en stage. Elle lui apprendra à aimer véritablement et sans tabous, et contribuera magnifiquement à panser ses blessures d'enfant à qui on a volé précocement sa mère et ses premières amours.
Alphonse de Lamartine, Bernardin de Saint-pierre, resteront ses auteurs de prédilection :
*Pour vous, mes chers lecteurs, un poème qu'Azor affectionnait, tiré de Graziella, par Alphonse de Lamartine. En 1965, Azor l'avait reçu en 1er prix de Français de la part de sa prof de Français Madame Hajj Hammou.
Elle avait 16 ans! C'est bien tôt pour mourir!
Mais pourquoi m'entraîner vers ces scènes passées ?
Laissons le vent gémir, et le flot murmurer ;
Revenez, revenez, ô mes tristes pensées ! Je veux rêver et non pleurer!
Elle avait seize ans! Oui, seize ans!
et cet âge n'avait jamais brillé sur un front plus charmant!
Et jamais tout l'éclat de ce brûlant visage ne s'était réfléchi dans un oeil plus aimant!
Moi seul, je la revois, telle que la pensée
Dans l'âme où rien ne meurt, vivante l'a laissée ;
Vivante! comme à l'heure où les yeux sur les miens,
Prolongeant sur la mer nos premiers entretiens,
Ses cheveux noirs livrés au vent qui les dénoue,
Et l'ombre de la voile errante sur sa joue.
Laissons le vent gémir et le flot murmurer ;
Revenez, revenez, ô mes tristes pensées! Je veux rêver, et non pleurer!
Azor exécrera et rejettera plus tard toute union dans son milieu, malgré les supplications de son père tant respecté. En 1974, il rencontrera Marie-Louise, et décidera d'en faire son épouse. Il avait 24 ans, elle en avait 20. Il ira en 1977, en France dans la Meuse, célébrer seul et indépendant son mariage. Son seul témoin fut son frère Hssaïn qui travaillait alors dans le Jura. Il prendra sa revanche sur les traditions matrimoniales de sa communauté. Egalement des inepties que l'institution militaire marocaine voulait lui imposer en interdisant les mariages mixtes. Rien de mieux pour initier l'esprit de rejet et de révolte chez le jeune berbère. Marie-Louise l'entourera de toutes les attentions pendant 24 ans, et le gratifiera de deux magnifiques garçons, Youssef et Mehdi.
-Août 1977 : La noce rocambolesque du Lieutenant Azor. La photo est prise à côté de la chapelle de la madine, dans la meuse, chez le beau-père Gérard, exploitant forestier, lorrain de naissance, les Chleuhs de la France, les cousins d'Azor, de caractère.
-Citation de Gabriel Garcia Marquez : "Il y a toujours un lendemain et la vie nous donne une autre opportunité de faire les choses bien; mais si je me trompe et que ce jour-ci est le seul qui nous reste, j'aimerais te dire combien je t'aime et que je ne t'oublierai jamais!"
*Le jeu de la luge des enfants d'El Aderj :
Ce jeu se pratiquait à partir du mois d'avril, quand le temps devient clément, et les pluies se font rares. Azor et ses copains choisissaient une pente raide, ils y aménageaient à l'aide des pioches et des sapes, une piste large d'un mètre sur toute la descente. Ils la débarrassaient des pierres, et l'arrosaient d'eau pour permettre une glissade rapide, où l'ABS, ne sera d'aucune utilité, quand ils embarquaient à bord de leurs engins.
En effet, la luge que nous décrirons, accroissait l'intensité de la glissade en dégageant une sève baveuse et urticante, ce qui amplifiait les sensations fortes. L'atterrissage, est semblable à celui de l'Albatros qui atterrit dans le sens du vent. Sa poitrine qui perd des plumes, lui servant de frein. Azor qui apprendra plus tard qu'un avion doit toujours atterrir face au vent, s'en souviendra bien. Les atterrissages de nos jeunes intrépides, se faisaient dans la boue, les pattes en l'air, et les coudes abîmés. Et pourtant !... Ils se relevaient, et reprenaient leur jeu incessant, bobos ou pas. Il ne fallait pas désarmer, mais relever la culotte laissée sur le chemin, et se repositionner dans la file, prêt au suicide. Jeu amusant, mais violent et risqué, il a l'avantage de développer l'endurance de l'enfant, et sa capacité à maintenir son statut et son grade dans le groupe, au prix fort du défi. Ne jamais s'avouer vaincu, et s'exclure du groupe.
L'aloés, dont les branches sont épineuses, pousse partout, au bord des chemins, et dans les chapms stériles.
*La luge des enfants d'El Aderj :
La luge casse-cou, est fabriquée à partir d'une feuille de l'aloès, visible sur l'image en haut. Azor et ses copains coupent la branche au ras du tronc de l'arbuste, ils la débarrassent de ses épines sur les bords, et aménagent deux trous sur la partie large et épaisse, qui recevront les talons du lugeur. Préparée et taillée en longueur, ses dimensions seront ramenées à 1 mètre de long, 20 à 25 cm de large à la base, et 15 cm à la partie supérieure.
La sève de l'aloès étant urticante et baveuse, elle facilitera le glissage, et provoquera chez nos sportifs d'occasion des sensations de grattement pendant la descente, si bien qu'ils en oublieront le risque de l'atterrissage hasardeux à la fin du parcours.
C'est sur ce bout d'aloès que les jeunes s'assoient, mettent leurs talons dans les alvéoles aménagées à cet effet, et prennent le départ, les coudes et les mains aidant pour prendre de la vitesse et se maintenir en équilibre. Dégâts corporels garantis à la réception. Ils n'empêcheront pas toutefois les assauts répétés et la file d'attente au point de départ. C'était simplement magnifique, amusant et innocent. Oui! Azor osait et prenait des risques pour s'amuser. le fera-t-il aujourd'hui? Je m'en doute. Il n'a probablement plus la passion et l'engouement de l'enfance insouciante.
Chapitre XVII : Le mariage chez les berbères d'El Aderj
Jusqu'aux années 70, quand Azor assistait à une cérémonie d'un mariage, les traditions anciennes, étaient strictement observées. Se marier chez les berbères d'El Aderj, constitue un rituel ancestral, fixé dans le temps et les consciences des familles. Elle se déroule en 6 phases : -Phase 1 : "ASOUTR" : La demande en mariage officieuse:
Elle se faisait par l'intermédiaire des parents du garçon. Ils connaissent les parents et la famille de la fille, et sont renseignés sur la beauté, le comportement et les aptitudes de la fille, à tenir un ménage.
Quand les deux enfants vivent dans des villages proches l'un de l'autre, ils se connaissent de vue, et se savent qu'ils s'aiment et que le désir de l'union, est respectivement présent chez l'un comme chez l'autre. Dans ce cas, le garçon fera la demande à ses parents à travers les oncles, tantes, la mère des fois, qui se chargeront de convaincre le père.
Quand la mariée est d'un village lointain, le garçon ne connait pas sa future épouse, ne l'ayant jamais vue. Seuls les parents la connaissent à travers d'autres relations qui leur louent les qualités morales et physiques de la fille. Ils iront rendre visite à la famille, se feront présenter la fille qui fera une apparition très furtive, et retournera dans la cuisine pour aider la mère à préparer le repas pour les visiteurs. La mère du garçon, rejoindra plus tard sa future bru pour la convaincre à épouser leur enfant dont elle lui parlera. Souvent, la fille refuse, car elle a déjà fait son choix parmi les garçons du village. Si les parents jugent le parti avantageux sur le plan matériel, et relationnel, étant donné le statut social de la future belle famille, ils obligeront leur fille à accepter le mariage arrangé. Depuis lors, les deux enfants vivront le calvaire de l'attente. Est-elle belle ? Est-elle vierge ? Et se poseront bien d'autres questions.
-Phase 2 : "AARKB" : La demande officielle :
Quand l'accord de principe est acquis, la famille, et les proches du garçon partent à travers les villages, avec des mulets chargés de cadeaux, pour officialiser la demande en mariage, ayant la certitude qu'il n'y aura pas de rejet de la part des parents de la fille. Cette procédure, évitera l'offense à la famille demandeuse si refus il y aurait eu. Les cadeaux sont souvent des denrées alimentaires (Pins de sucre, bidons d'huile, sacs de farine, biscuits, etc.), et un veau ou un mouton à sacrifier (La porte principale de la maison sera tâchée du sang de l'animal immolé par le père du marié. Ce rite, signifie que la fille ou une des filles de la maison est promise au mariage, et qu'elle n'est plus disponible.). Ces victuailles serviront également à nourrir les visiteurs, leurs hôtes, et les gens du village qui viennent souhaiter bonheur aux deux familles ; Elles soulageront la bourse de la famille de la fille qui ne déboursera que peu pour l'occasion. En présence des notables du village, la dot, soit le prix que doit payer la famille du garçon en espèces, sera fixée, selon les possibilités du demandeur. Souvent, pour éviter les surenchères, la tribu décide du montant à ne pas dépasser, et que chacun est tenu de respecter la décision collective, pour soulager les familles pauvres, et encourager les mariages. La somme versée en présence des témoins, sera inscrite plus tard sur l'acte nuptial, qui sera établi par un Cadi, édile assermenté, qui représente l'autorité religieuse et civile dans le pays.
Phase 3 : "LHNNI" : Période de préparation psychique des futurs conjoints
Pendant le mariage de Moh, l'aîné de la famille, Azor qui avait 14 ans, faisait partie de son escorte d'honneur, et de protection rapprochée. Le cousin Moh Ou Achor Kachaou, faisait office de conseiller et de protecteur direct. Il était plus âgé que le futur marié, et avait déjà l'expérience de la nuit nuptiale et de ses surprises. Il se devait d'enseigner à Moh tous les détails de la cérémonie de la première rencontre avec la mariée dans la chambre nuptiale. En un mot, il ne s'agissait que de l'acte du dépucelage, et comment il devait se faire. Azor buvait les paroles et les recommandations de son cousin. Ce cours magistral et monstrueux, dans les vergers, sous les arbres chargés de fruits, ne l'a jamais quitté. Pauvre frère se disait-il. Il faudra qu'il soit courageux et cruel pour réussir sa mission. Violenter en quelque sorte, la pauvre fille qui, apeurée, attendra dans l'épouvante le moment de l'acte fatidique (Nous y reviendrons pour décrire dans quelles conditions çà se passe, la nuit même de la noce)
L'escorte doit être sûre, armée de gourdins et amusante en même temps. Cette tradition prend ses racines dans les temps éloignés où la famille de la promise faisait des descentes vengeresses pour perturber les cérémonies et défaire l'union, qui se faisait des fois aux frais d'un cousin déçu à qui on a enlevé sa dulcinée par contrainte et pressions exercées par des familles despotes, et influentes par le nombre et la richesse. Ces mesures de sécurité s'avèrent effectivement nécessaires. Le futur époux doit être entouré, amusé, nourri et encouragé pour affronter la société, et être à la hauteur des espoirs du clan, à savoir, fonder une famille et faire le plus d'enfants possibles pour défendre plus tard la tribu.
Il faut dire que cette période de préparation du marié, qui dure 1 mois, jusqu'à 3 mois. 3 mois d'attente et de patience, est aussi une partie de plaisirs, de joies et de festivités. C'est une forme de congé payé, où le marié et son escorte ne travaillent pas, quand les autres frères et cousins transpirent à moissonner, ramasser les récoltes, et irriguer les champs.
Chaque jour, après un petit déjeuner copieux (Galettes de blé tendre, œufs durs dans du beurre fondu, miel d'abeilles, olives noires séchées, lait de chèvre, café et thé, selon les désirs de chacun), les privilégiés, parés de leurs plus beaux habits, partent dans les vergers, la radio en bandoulière, le transistor 8 ou 10, à la mode ces années là. Tous les caprices leurs sont permis, la famille, étant à leur service. "ASLI", le marié en berbère d'El Aderj, ne doit pas réfléchir, ou peiner pendant cette période, "ANCHAT", l'amuseur et le compagnon fidèle, se chargera de toutes les corvées. Il sera l'intermédiaire que les foyers des villages viendront consulter et offriront humblement une invitation à déjeuner ou à diner pour le trio, donner de ses nouvelles à son futur beau-père, qu'il ne doit absolument pas rencontrer pendant cette période.
Tous les jours, midi et soir, des déjeuners et des dîners copieux seront offerts au groupe. Au préalable "ASLI", devait se soumettre à la cérémonie du henné, auquel les femmes du foyer le soumettaient.
La paume de main de la fiancée, tatouée au henné. Celle du fiancé, sera teintée d'une couleur unie, il n'y aura pas de motifs.
"Le henné, plante des oasis du sud marocain, est une plante herbacée, qui sert aux tatouages des mains et des pieds chez les berbères. "ASLI", se faisait appliquer le henné sur la paume des mains, qui noircissaient de jour en jour, vu le nombre de foyers qu'il devait honorer par sa présence. Azor, qui n'échappait pas à la cérémonie, était aux anges, et se délectait de ces moments magnifiques. Il devenait tout d'un coup important et valorisé, d'autant plus qu'il se régalait de tajines aux oignons et aux raisins secs, et qu'il n'avait pas de responsabilité nuptiale. Il était libre comme le vent, le garnement.
Le type de transistor, poste radio, compagnon d'Azor les années 60, jour et nuit.
En compagnie de son poste qui ne le quittait jamais, Azor rêvait de sa dulcinée, sur la terrasse de la maison familiale, allongé sous le ciel bleu et étoilé des étés heureux et insouciants d'El Aderj. Il écoutait Abdlwahab Doukali, chanteur marocain, devenu aujourd'hui, ami d'Azor (Ddar lli hnak, la maison là-bas, près de la grande treille).... entre deux oliviers pour Azor, Alain Barrière dans "Emporte-moi, que le vent gonfle les voiles", et bien d'autres chanteurs de ces années. Il dormait souvent là, à la belle étoile, savourant ces beaux moments de solitude, et espérant des jours meilleurs. Qu'ils étaient beaux ces instants de solitude et d'isolement, où rien et personne au monde ne pouvait s'approprier ou usurper les rêveries et les aspirations d'Azor. Il vivait en toute liberté son spleen. Tard dans la nuit, il pleurera sa maman, et échafaudera mille projets sur Mamma......
Abdlwahab Doukali et sa fille Nour, en compagnie d'Azor à Tanger, le mois d'août 2009. Quelque part, une revanche sur la vie. Azor, cadet de Abdlwahab de 9 ans, est aux anges, en compagnie de son idole des années 60.
Chers lecteurs et lectrices :
Faites le plaisir au petit berbère, Azor, et lisez le commentaire édifiant d'une amie, en marge-renvoi n° 5.
*Suite de la phase préparatoire des futurs mariés :
De son côté, la future mariée, sera soumise au même cérémonial pendant le jour seulement. Accompagnée des filles de sa famille, elle subira, au même titre que son futur époux, la phase de préparation que ses ainées lui feront subir pour l'armer psychiquement, afin d'affronter la nuit fatidique, celle du tête-à-tête dans la chambre nuptiale. Quand les deux parties se connaissent de vue, que la différence d'âge n'est pas importante, et qu'ils s'aiment, le choc des retrouvailles en est réduit, sinon attendu avec impatience. Le désir de l'autre s'accroissant, autant que la période de préparation est longue et prolongée pour des raisons économiques, climatiques ou autres, qui retarderont le jour de la cérémonie finale du mariage.
Par contre, quand les jeunes ne se connaissent pas, la rencontre en tête-à-tête dans la chambre nuptiale est terrible. Elle tourne au cauchemar pour les deux parties. Une épreuve de force s'engagera alors entre eux, si la fille se refuse au garçon. Il aura recours à la force pour avoir le fameux hymen, c'est purement et simplement un viol cautionné par les deux familles et la communauté. Entre temps, dans l'indifférence totale, la fête bat son plein dans le hall de la maison, où les jeunes chantent "l'Ahidous", champs collectifs berbères, accompagnés de "Bendirs, en attendant que la mère de la mariée vienne exhiber le bout de tissu tâché de sang, attestant la virginité de sa fille. Les chants et les festivités reprendront alors de plus belle.

Azor participant à Ahidous, danse berbère des Aït Ouaraïns, lors d'un mariage. Il était l'invité de Maître Lamzah Ahmed, son cousin en 2012 

Si par malheur, 'il s'avère que la fille avait déjà perdu sa virginité, elle est traînée alors par le fiancé devant la foule pour la remettre entre les mains de ses parents. C'est le moment cruel, le plus craint par les jeunes filles du village, car la honte retombera sur sa famille, qui sera longtemps montrée du doigt pour ses mauvaises mœurs, et son manque d'éducation.
Une troupe des Aït Ouaraïns, région de Tahla, les cousins germains des Aït Aalahms. Ils parlent le même berbère avec le même accent. Ils chantent également de la même façon. Les coutumes, et le mode de vie, ne diffèrent nullement.
Ahidouss, chants et danses des berbères d'El Aderj. Les chanteurs en rang, main dans la main, et épaule contre épaule, sont accompagnés par des tambourins (Alloun), qui rythment leurs danses. Les tambourins sont faits de cuir de chèvre, collé sur un anneau en bois léger et flexible de 30 à 50 cm. de diamètre. Les étés, après l'ensilage des récoltes, et rarement le printemps, sont les périodes propices pour les mariages. Les jeunes du village, débarrassé des corvées des champs, se font un plaisir et un devoir également d'aller participer bénévolement à la cérémonie du mariage des autres, car leur tour viendra un jour, et tout le monde les aidera à animer leur propre soirée de mariage. Tard dans la nuit, un repas sera servi à tout le monde, sans exception. Ceux qui ont participé à Ahidouss en priorité, et par la suite, tous les enfants, et les spectateurs. Pendant la fête, les garçons et les hommes spectateurs, sont en bas à proximité des danseurs; Les femmes et les filles non mariées, se mettent à part sur les terrasses, à une hauteur de 5 mètres, d'où elles dominent la cour intérieure de la maison où se déroule "Ahidouss". De leur perchoir, elles voient les danseurs, sans être vues, car enveloppées dans des "Haïks", étoffe en tissu blanc. C'est l'occasion pour elles de voir leur élu de très prés et de parler de lui avec cousines et soeurs uniquement, les autres filles du village, étant écartées des confidences par mesure de sécurité
-Phase 4 : TOUFFGHT : (En berbère, la sortie, ou l'extirpation)
Pour faire honneur à la mariée, afin de lui faire quitter la maison parentale, dans la fête et la liesse, les femmes du village, accompagnées de leurs petits enfants, sont invitées la journée. Elles chanteront, et danseront "Ahidous" jusqu'à la tombée de la nuit, pour amuser la mariée inquiète, calmer et soutenir les parents rongés par la douleur qu'engendre chez tout homme ordinaire soit-il, la perte à jamais de son enfant. Les parents savent que ce jour-même, ils envoient leur fille vers son destin, des fois vers l'inconnu, et qu'elle devrait désormais assumer et faire face toute seule, peu armée dans la vie qu'elle est.
Le soir, jeunes et vieux du village, sont invités à chanter, et danser toutes la nuit. Un repas leur sera également servi. Tôt le matin, ils quitteront la maison, emmenant à dos de mulet la mariée, pour aller chez le mari. C'est le départ officiel.
-PHASE 5 : "TAÏROURT", La nuit nuptiale.
Tôt le matin, le mari subira la cérémonie "d'AZOULLM". Enveloppé dans son burnous, le visage caché dans le capuchon, et accompagné de son "Anchat", l'amuseur, qui le protège cette nuit contre toute agression éventuelle de la foule des spectateurs, il se fait asseoir sur une natte, au centre de la cour de la maison. Deux hommes de la famille, armés de sabres, passeront sur sa tête, alternativement les lames qu'ils croiseront de temps en temps en l'air. Tout du long, un chant triste, et presque funèbre, bénissant le mari, sera entonné par un groupe d'hommes, auquel répondra en chœur, un autre groupe de femmes.
À l'issue de cette phase "d'Azoullm", le mari, est emmené par son escorte, qui lui fera rejoindre la chambre nuptiale, gardée par les parents des mariés. Les chants reprennent alors, en attendant le verdict de la rencontre, car la foule attendra l'accompagnatrice de la mariée qui devra exhiber le bout de tissu blanc tâché de sang. Cruelle la cérémonie, mais elle contribue à calmer les esprits et les rumeurs.
Phase 6 : "ISLANE" : Le mariage
Toute la journée, les femmes du village joueront "Ahidous", et profiteront de l'occasion pour féliciter la mariée, qu'elles entoureront de toutes les attentions. Un déjeuner leur sera servi tard l'après-midi, en compagnie de leurs petits enfants.
À leur départ, la famille du marié commence les préparatifs pour la cérémonie finale des festivités. Selon leurs moyens matériels, des chevreaux, un veau ou un bœuf, sera immolé pour préparer le grand diner aux hommes qui viendront le soir jouer Ahidous, et féliciter le mari et sa famille qui participeront à la liesse générale. Du coup, le mari est accepté dans la communauté à part entière, en tant qu'époux qui devra élever une famille. Il participera lui aussi à l'Ahidous pour un moment, avant qu'il ne s'éclipse en compagnie de son escorte qui l'emmène dans une des maisons du village, où ils lui feront passer la nuit. Ce n'est que le lendemain qu'il retrouvera ses parents, et ceux de son épouse pour un diner privé qui durera tard dans la nuit.
Une semaine de répit, lui sera accordée pour s'occuper de son épouse, et arranger ses quartiers que le père lui aurait affectés, à savoir, une chambre, car dans la plupart des cas, les repas continueront longtemps à être servi en communauté par la mère, aidée de la jeune épouse qui doit en profiter pour apprendre à organiser son nouveau ménage. Plus tard, le mari construira sa nouvelle maison, aidé par le père, les frères, les cousins et toute la famille, pour l'installer définitivement dans son nouveau ménage.
Chapitre XVIII : Azor et la mosquée
(Lire le rajout récent au chapitre I : "Inscription à l'école, sous l'image de l'école primaire d'Azor) Jusqu'à l'âge de 16 ans, Azor, une fois les travaux des champs finis, a toujours fréquenté la mosquée où il apprenait le coran. Les étés, quand les villageois ont fini d'ensiler leurs récoltes, les "Mhadriyas", les élèves de l'école coranique, dont Azor faisait partie, partaient, sur ordre du "Fqih", faire la quête à travers tous les bourgs, les plus loin soient-ils, pour ramener au maître de la mosquée, des dizaines de quintaux de céréales, de féculents et d'oeufs frais (Blé dur, tendre, orge, maïs, lentilles, pois-chiches, fèves, et autres).
Cette procession, durera jusqu'à 10 jours parfois, étant donné l'éloignement de certains bourgs à visiter. Vrai que les gamins feront le voyage pénible à travers monts et vallées, dans la joie, et la bonne humeur, et en toute innocence. Ils feront la corvée pour servir le Fqih qui revendra toute la manne, souvent au père d'Azor, qui tenait une épicerie, ou à des marchands ambulants. Azor, le saura plus tard.
Cette tradition, ayant un but lucratif pour le Fqih, demeure néanmoins pour Azor et ses camarades, une expérience unique, à savoir, voyager à pied le plus loin possible, visiter des bourgs dont ils entendaient parler, inaccessibles pour eux, étant situés loin, au delà de leurs montagnes, leur frontière naturelle infranchissable alors.
La troupe, dont les âges variaient entre 10 et 17 ans, partait le matin, au lever du soleil. Armés individuellement de gourdins, longs de 1 mètre, parfois plus, de "Mzaouds, ou AYLOU", sac en peau de chèvre tannée, qui recevra les donations en céréales et féculents, ils feront le porte-à-porte de toutes les maisons du bourg le plus proche jusqu'à la mi-journée, l'heure où ils doivent se reposer. En général, il y a toujours une, parfois deux familles dans le village qui les accueillent, leur offre un repas improvisé, à l'ombre des oliviers, près de la rigole d'eau, où ils se désaltéreront. Le repas est souvent fait d'oeufs durs cuits dans du beurre fondu, des fois, un poulet de ferme, en tagine, ou des lentilles. Les gamins, heureux de l'accueil, et rassasiés, réciteront alors, à tue-tête, une "Sourate" du coran, et des prières, implorant Dieu pour qu'il puisse bénir la maison et sa maîtresse.
Plat à base d'oeufs durs, cuit dans du beurre, accompagné d'une galette de blé dur. Azor en amenait vers 9 heures, à son frère ainé Moh, quand il partait aux labours tôt le matin. Pendant que le frère ainé prenait son petit déjeuner, Azor se mettait derrière la charrue, et s'essayait à maîtriser les mulets récalcitrants, sachant qu'un novice est aux commandes. Moh reprendra par la suite le gâchis qu'Azor a fait subir à la portion de champ labouré.
L'après-midi, les sacs à moitié chargés, la troupe reprendra son périple. Les élèves les plus âgés, toujours en tête, ont pour mission de protéger la troupe contre les attaques violentes des chiens souvent féroces qui gardent les maisons. Quand le tour des maisons est fait, et que le temps et la distance à parcourir pour rejoindre le bourg suivant, le permettent, le voyage se fera. Dans le cas contraire, sur décision unanime, et de concert entre les plus âgés, la troupe harassée et fatiguée, regagnera la mosquée en ordre disloqué; les plus jeunes, également chargés comme des mules, ne pouvant suivre le rythme imposé par la tête de file. Souvent, un serre-file, est désigné pour faire rejoindre les traînards.
Sans le savoir, Azor subissait déjà les contraintes de la vie en équipe, et la notion de responsabilité individuelle au sein du groupe. Également, l'endurance physique, après avoir survécu aux maladies de toute sorte, sans soin aucun.
Un point de plus pour lui une fois dans l'Armée, où l'esprit de corps prendra plus tard, toute sa signification et sa dimension morale et guerrière. L'individu devant s'effacer, servir, et se sacrifier pour le groupe.
*Le texte en arabe, que récitaient Azor et ses camarades à chaque porte pour annoncer leur arrivée :
"Tachaffäa Ya Rassoul Allahi fina -Fama narjou chafaata min siouaka, etc. C'est un chant religieux qui dit en gros ceci : Sois miséricordieux Ô prophète Mahomet. -Nous n'attendons miséricorde que de toi. -Tu es le meilleur parmi les êtres, etc."
Le message adressé aux propriétaires de la maison est clair : Si vous ne donnez rien, le prophète demeure notre protecteur et donateur.
La scène dure 3 minutes à peu près, le temps que les gens se décident à donner l'obole. Dans le cas contraire, les enfants reprenaient de plus belle. Des fois çà tournait mal, et ils recevaient le contenu d'un seau d'eau qui atterrit de la terrasse, faisaient l'objet de remontrances, ou la menace au gourdin, quand la famille est pauvre. Certains iront jusqu'à crier fort : "Pourquoi enrichir le Fqih, ce fainéant, et sorcier qui fait du mal dans le village avec ses balivernes, alors que nous, on peine pour ramasser le peu que nous possédons?" Souvent, sans demander plus, les gamins continuent leur chemin, espérant mieux la prochaine escale.
Quand les enfants allaient aux villages les plus loins, et qu'ils ne pouvaient rejoindre leur village, ils passaient la nuit souvent dans la mosquée du coin, à même le sol sur les nattes en Halfa, plante locale résistante et flexible qui convient au tissage des nattes. Pas de couverture bien entendu. Dans ce cas, ils seront gâtés par toutes les familles du village, qui amèneront des plats préparés de toutes sortes. Un régal. Des fois, les "Hriras", soupes marocaines, et les tajines, se ressemblent d'apparence, mais les goûts diffèrent d'une maîtresse de maison à l'autre. Toutefois, toutes les soupières et les plats seront engloutis ; les jeunes appétits, étant aiguisés, vues les peines de la journée. Des fois, c'est une famille volontaire qui fournit le gite et le repas du soir.
L'été 1966, pendant une tournée à travers les bourgs de la vallée, les élèves avaient confié la mission de garder les oeufs frais destinés au Fqih, à Ahmed Ou Ali, un de nos camarades. Equipé d'un sac en cuir rempli à moitié d'orge, qui isolera la cargaison pour éviter la casse, il y mettait un à un les oeufs ramassés pendant la tournée ; certaines familles préféraient donner des oeufs à la place des céréales. En arrivant à la mosquée, le Fqih a compté les oeufs, et constaté comme par magie que la moitié en manquait. Il y avait parmi nous sans le savoir, un collabo à la solde du Fqih qui l'avait chargé au départ, de compter le nombre des oeufs ramassés. Le pauvre Ahmed avait reçu une raclée avec une perche flexible, taillée dans les branches du grenadier. Tenu par deux camarades, en position horizontale, les pieds en avant, les coups pleuvaient sur la plante des pieds, sur la tête des fois. Le pauvre gamin criait au secours et pitié, sans résultat. Le fkih tapait comme une brute, aveuglé par la perte de quelques oeufs. Quand on a demandé au malheureux ce qu'il avait fait des oeufs, il a avoué les avoir gobé frais, le chemin faisant. Azor et ses camarades en rigoleront beaucoup plus tard, mais déjà, il commençait à prendre du recul vis-à-vis de ce genre d'individu qu'était ce Fqih, avide de gain, et brutal en sus.
*Comment Azor a définitivement boudé la mosquée, un après-midi d'août 1966 ? Il avait alors 16 ans.
Jusqu'à 16 ans, Azor allait à la mosquée une fois les corvées champêtres finies. Elles durent le mois de juillet en général. Le mois d'août, était réservé à la mosquée, sur instruction du père à qui il devait obéir, pour rester un exemple dans le village, et dans la famille. Azor allait assidument apprendre le coran avec toute la volonté qu'il pouvait y mettre. Avec un autre camarade du village, ils effaçaient leurs "Louhates", tabloïdes en bois, 2 fois par jour, étant probablement favorisés par leur aptitude innée à mémoriser ce qu'ils écrivaient et lisaient. Une "Llouht", le matin, qu'ils récitaient au Fqih vers 11 heures, et une autre l'après-midi, vers 17 heures. Le reste des élèves ne récitaient leur unique "Llouht", qu'à la fin de la journée.
Azor et son ami, avaient déjà appris 7 versets de coran, et avaient entamés le 8ème, "Kala fama khatboukoum". Un jour, Azor n'a pas pu réciter la deuxième louha, et le vieux Fkih, "Lahcen ou Kchich", a pris sa perche, longue de 3 mètres pour le corriger. Azor la lui arracha par surprise, et lui donna une bonne raclée, sous le regard des élèves étonnés et surpris par le geste inattendu. Tout le monde souhaitait qu'un jour le vieux tortionnaire prenne une leçon. Le Fqih aurait dû être indulgent avec Azor, en comprenant que le gamin était à sa deuxième Louha, et que probablement ce jour-là, il était fatigué mentalement ou perturbé par un problème quelconque. Non, la brute devait sévir.
Ayant réalisé la gravité de son acte répréhensible, Azor s'était enfui, traversé la vallée, et il s'est réfugié dans la montagne. Les soirs, à la tombée de la nuit, il descendait au village, où il passait la nuit chez sa tante maternelle, devenue sa complice, ayant toujours été son préféré. Tôt le matin, il repartait dans la montagne, armé d'une galette de pain, des figues sèches, des oeufs durs, et une petite gourde d'au de 7 à 8 litres, en peau de chèvre, appelée au bled "Tagrbitt". Regrettant de le confier à la montagne toute la journée, sa tante restait longtemps au seuil de la porte, à le regarder partir, jusqu'à ce que les premiers arbres de la forêt l'engloutissent.
Entre temps, le père multipliait les recherches, pour corriger Azor, le coupable. Quand le père a réalisé que l'entêté rejeton pouvait être victime d'un accident en montagne ou d'une fugue qui durera, il a annoncé à tout le monde qu'il lui pardonnait, et qu'il pouvait sans crainte rejoindre la maison. Accompagné de sa tante, Azor est rentré sous protection, et s'est réconcilié avec les siens, mais jamais avec la mosquée qu'il n'a plus fréquentée depuis. Tout son temps libre, il le passera dans le verger familial, près de la maison. C'est là qu'il préparera les cours de la prochaine rentrée scolaire, en empruntant les cahiers et les livres chez les élèves qui ont fréquenté la classe prochaine où il passera. Il lira également beaucoup d'ouvrages de littérature française, tels que Paul et Virginie (Bernardin de Saint Pierre), -Les misérables (Victor Hugo), -Graziella (De Lamartine), -La généalogie de la morale (Nietzsche), qui le dégoûtera définitivement de la classe sacerdotale, de ses pratiques, et de sa mainmise sur la société qu'elle tient à maintenir dans l'ignorance, de façon à en tirer profit.
L'analyse pertinente de Nietzsche de l'église, de son époque, a largement contribué éloigner le jeune Azor de la mosquée et des Fqihs, qui pratiquaient la sorcellerie en même temps pour gagner beaucoup de sous. Ils disaient aux ignorants et ignorantes du village qu'ils étaient dotées d'un pouvoir surnaturel que le coran leur avait appris. Ils détruiront des ménages, en recevant en cachette les épouses, à qui il confiait des potions magiques à faire manger au mari, afin qu'elle puisse en faire ce qu'elle voudra. Les potions ne sont en réalité que des drogues que le pauvre mari devra ingurgiter, à son insu. Il ne retrouvera par la suite son équilibre, et son état normal que s'il en reprenait. Pour cela, il doit revenir chez sa femme qui se chargera de lui en administrer. Quand l'élixir qui a rendu le mari inoffensif, et doux comme un agneau, est tari, elle ira en chercher chez notre SAINT et triste vénérable Fqih, qui fait ses cinq prières quotidiennes, à la tête de la communauté qu'il drogue également par les paroles.
Le confessionnal dernière génération, dans une église catholique, outil de soumission de maître à esclave. Le nec le plus ultra aujourd'hui, est de faire confesse par internet. Azor, en est l'adepte sous un autre aspect, à travers son blog.
Chaque fois que l'empoisonneuse se présente pour chercher la dose, elle la paiera plus cher que la précédente. C'est la loi de la mafia établie sournoisement dans l'impunité. Il lui faut payer, monnaie sonnante et trébuchante, et plus tard de son corps que le Fqih prendra goulûment. Elle se donnera sous la menace et le chantage. De peur de se dévoiler, l'infortunée offrira son corps à cette racaille. C'était le droit de cuissage, comme ça se pratiquait dans la société chrétienne, où les curés exerçaient sur les femmes qui commettaient l'erreur de livrer leurs secrets amoureux et autres, à un personnage douteux, qui s'en servira pour asseoir son pouvoir sur la société qu'il est soi-disant supposé moraliser. Hélas! Perfidie et perfidie tout simplement.
Azor conseille à toutes ses lectrices et lecteurs, de jeter un coup d'oeil sur ces ouvrages, dans la mesure du possible :
-"Jean de La Fontaine" par Jean Orieux, écrivain, ancien enseignant à l'université Mohamed V de Rabat, et grand ami du Maroc. Il y dévoile un La Fontaine que nous n'avons pas appris sur les bancs de nos classes, car censuré par l'éducation nationale Française de l'époque. Il s'agit de ses écrits classés licencieux, où, intelligemment, avec pertinence et humour, il ridiculisait la classe sacerdotale.
-"La généalogie de la morale" par Nietzsche, où il démontre magistralement les origines des concepts moraux. La question qu'il se posait dans l'ouvrage, est la suivante :
-Qui a créé les concepts du bien et du mal, la justice, et bien d'autres?
-Par les plus forts en intelligence, ou par la force physique. Les lois, les règles qui régissent les sociétés, sont pour lui, l'oeuvre des dirigeants et des dignitaires de chaque époque. Ils les créent, entérinent, et les font appliquer par des instances, également de leur création, tant qu'elles vont de paire avec leurs propres intérêts du moment. Il s'y est attelé en fin de compte, à saper les assises des seigneurs féodaux qui ont prévalu en Europe, aidés par l'église catholique complice, qui faisait et défaisait les trônes et les églises qui relevaient du pape, moyennant richesses, fastes et titres en tout genre, dont ils se gargarisaient, perpétuant ainsi, la puissance de leur royaume céleste, et leurs orgies sur terre.
*Comment la "Llouht" est préparée par l'élève, et récitée en fin de journée ?
Le matin très tôt, 7 heures en général, Azor allait à la mosquée, prend son tabloïde, et va à la rigole d'eau, à 20 mètres de la mosquée pour effacer ce qu'il a appris et récité la veille. La Louha, est faite en bois d'une largeur de 20 à 25 centimètres, d'une longueur de 50 centimètres, et 5 centimètres d'épaisseur. Il la rince avec de l'eau pour effacer l'écriture. Pour pouvoir réécrire la nouvelle leçon à apprendre, il applique dessus, une couche de terre glaise, appelée "Ssnsal", il la met face au soleil, et la surveille jusqu'à ce qu'elle sèche. Des fois, il profite de ce moment de répit pour aller cueillir quelques figues et raisins, frais et encore pleins de rosée , non loin de la mosquée. Il les avalera avec délice, avant de rejoindre la mosquée. Quand la couche de terre glaise appliquée sur la Louha est séche, elle devient blanche. Azor repart alors à la mosquée, et se fait dicter par le Fqih, la suite chronologique de ce qu'il a appris la veille. L'outil de l'écriture, est une plume en roseau que les enfants fabriquent eux-mêmes, en taillant le roseau sec (Lklm). L'encre est également fabriquée par les enfants, à partir des matériaux naturels locaux :
-La laine est mise dans un plateau en argile, appelé "Fan", où elle est brûlée, jusqu' à ce qu'elle noircisse. Elle est ensuite mise dans une verrine, où elle macère dans de l'eau jusqu'au lendemain. Le liquide noir et gras, servira alors d'encre.
-Un autre produit, est également utilisé à la fin du printemps. Il s'agit des graines du micocoulier "Ttrhzaz" en berbère. Les graines noires, sucrées et succulentes, sont broyées dans une meule en pierre "AKROUIT", que chaque maison berbère possède pour moudre les grains de blé, orge, et autres quand la ménagère manque de farine, en attendant d'amener le grain au moulin à eau. La pâte est alors mise dans un récipient d'eau, où elle va macèrer toute la nuit, jusqu'à ce que l'eau noircisse. Ces encres, de fabrication d'Azor, sont les premières qu'il a utilisées, quand il a découvert l'écriture, grâce à ses aînés qui lui ont appris les techniques qu'ils ont héritées de leurs anciens.
Le micocoulier, dit "Trhzaz", en berbère d'El Aderj. Fruit sucré et nourrissant, Azor et ses cousins, le cueillaient, une fois mûr, et s'en gavaient pendant les récréations à l'école
Chapitre XIX : Les labours ou l'esprit communautaire à El Aderj
Pour labourer leurs champs, les berbères d'El Aderj, utilisent une paire de mulets, rarement le bœuf ou l'âne. Le mulet est résistant, sobre et robuste. 2 mulets sont attelés à une charrue, fabriquée localement à partir d'un tronc de chêne séché. Elle est munie d'un soc en acier tranchant, qui retourne la terre, à une profondeur de 20 à 25 centimètres, selon la pression exercée par le laboureur sur le manche de la charrue, et selon l'angle qu'il donne au soc, en profondeur.
Le soc est également fabriqué par les forgerons locaux. Appelés Imziln en berbère, ils vivent dans un quartier qui leur a été affecté par la population locale. Ils disposent d'un minimum de terres, leurs ancêtres n'étant pas d'origine d'El Aderj. Ils sont probablement venus du sud marocain, à la quête du travail, ou d'une protection contre des persécuteurs, et ont été adoptés par la population locale. Leur teint est noir pour quelques uns, et basané pour d'autres. Actuellement, ils parlent le berbère local, se sont mariés pour la plupart avec des filles berbères, et font partie intégrante du paysage. Ils n'ont toutefois jamais abandonné leur forge qui demeure leur gangne pain. Ils fournissent à la population, des serpes, des haches, des faucilles, des poêles à bois pour se chauffer les hivers, et bien d'autres outils indispensables à la vie quotidienne du paysan.
La charrue qui a nourri des générations d'enfants d'El Aderj, depuis les temps ancestraux. Elle est taillée dans un tronc de chêne séché. L'oncle Haddou Ou Brrbbouch, était l'artisan de la famille qui fabriquait entre autres un tas d'objets en bois, utiles à la vie quotidienne de la famille (Charrue, cuillères, pétrins, écuelles, fourches, et bien d'autres). Le noble outil, est toujours en service à El Aderj. Le tracteur ou les charrues métalliques, n'ont pas pu le supplanter, étant données sa résistance, et sa maniabilité. Increvable, et inusable, il est toujours ressorti quand la saison des labours s'annonce avec l'arrivée des cigognes à El Aderj.
La saison des labours commence à El Aderj, le mois d'octobre, avant que les premières neiges ne viennent engourdir la terre. Les familles se mobilisent pour labourer les terres les plus éloignées, pour finir par celles qui jouxtent les villages.
Azor, son frère ainé Moh, le frère cadet, Hsaïn, et leurs cousins, ont toujours été chargés de la mission indésirable que sont les labours, à savoir retourner la terre, après que l'oncle Kaddour, le semeur à la main de la "Baraka", l'ait ensemencée. Les semailles restent un métier, et un savoir faire qui s'acquiert à force de pratiquer. Economiser les graines, les disperser sur le champ, en respectant la densité à l'hectare, reste le domaine des anciens, celui de l'oncle Kaddour, toujours en vie. Pas un champ ne peut produire quoique ce soit sans sa bénédiction. C'est la règle, le rituel dans la famille des Aït Lhoussains. Toujours vivant, omniprésent et influent, il est aimé, respecté, et estimé par Azor, ses frères et cousins.
Excusez chers lecteurs et lectrices, le silence d'Azor. Une virée à Rabat, pour des contacts, et la semaine du salon du livre de Tanger, organisé par l'Institut Français de Tanger-Tétouan, avec la bienveillance de sa directrice, et écrivaine, Mme Marie-Christine Vandoorne, (Son livre : La danse de la mémoire". Le salon qui a duré du 15 au 19 avril 2009, et le voyage à Rabat pendant quelques jours, sont à l'origine de ce silence radio. Azor a eu la chance de côtoyer quelques invités du salon. Kébir Mustapha Ammi, invité de marque de l'évènement, a eu la gentillesse d'introduire Azor à des sommités de la littérature française, comme Pierre-Marie Beaude, professeur retraité de l'université de Metz, écrivain de renommée, et Jean Rouaud, prix Goncourt 1990, pour le roman "Les champs d'honneur". La rencontre avec Ammi, n'est pas due au hasard. Elle a été organisée par un ami et compatriote commun, Marzouk Majid, Ingénieur conseil à Rabat (Son site : http://www.rcs.ma/). Il est originaire de la région d'Azor. La mère de Kébir, une femme courageuse, de qui il parle beaucoup dans ses ouvrages, est également berbère des Aït Ouaraïns, comme Marzouk, le cousin d'Azor. Parmi les ouvrages de Kébir, "Le ciel sans détour", est un roman où il parle beaucoup de sa mère, la berbère courageuse, qui n'a jamais baissé les bras devant les tourments et les contraintes de son époque. Elle a toujours fait face dans la dignité.
Pierre-Marie Beaude, a également à son actif plusieurs romans, que mes chers lecteurs peuvent consulter sur google. Il suffit de taper "Pierre-Marie Beaude"
Aujourd'hui, vendredi 24 avril 2009, Azor a reçu un commentaire dont le texte est enregistré dans la rubrique commentaires. Il est signé Esprits libres, en provenance de "noreply-comment@blogger.com. Voici, la réponse tranchante d'Azor à cette gentille et bien intentionnée invitation :
Chère Sandrine,
Merci pour l'intérêt que vous portez à mon blog. Toutefois, je vous dis que je me suis mis à écrire sur Internet pour me confesser quelque part, et parler de mon village El Aderj, pour le faire connaître, aider à y résoudre certains problèmes d'ordre écologique qui s'y posent, dans la discrétion, sans envahir les élus locaux ou l'autorité locale de tutelle. Je dois bien ça à El Aderj qui fut et reste mon berceau, le terreau qui m'a nourri, et protégé, comme il me mettra, auprès des miens, à l'abri des tracas de la ville, à ma vieillesse.
De ce fait, en plumitif amateur, je refuse votre proposition, car je ne veux plus gonfler les rangs de qui que ce soit, je l'ai déjà fait pour l'Armée, et ça me suffit, comme je refuse de cautionner toute publicité d'hameçonnage sur tout site, ayant cette ambition, même sur le mien. Retraité avec le grade de Lt-Colonel, je suis tenu par le devoir de réserve, par respect à mon grade, et à mon pays. Je n'ai vraiment ni l'envie, ni le besoin de me faire publier par qui que ce soit, et de rentrer dans quelques polémiques que ce soit. Merci Madame, avec tous les respects d'un vieux soldat. Foutez-lui la paix....Laissez-le réfléchir et penser un moment à sa carcasse, car, il n'a jamais eu le temps, ni le privilège d'y penser, pendant ses années de service, houleuses et bien pleines d'évènements.
Comprenez le petit Azor, Sandrine ! Au stade où il est actuellement, il est à la quête du repos, de sérénité, de compréhension, d'amitié, et particulièrement de compassion pour combler certains manques affectifs dont il a besoin à son âge. Aimez-le, ne lui causez pas de préjudice! Il est fragile, sensible, en quête d'amour et de tutelle féminine. Demeurez un soutien et un soldat anonyme pour lui, il vous en supplie.
Azor, le petit berbère, votre chevalier servant.
Post Scriptum :
J'espère chère Madame, que ma prise de position, ne vous fera pas déserter mon blog. Lisez-moi de temps en temps, ça me fera plaisir. Il est de tradition chez le berbère d'El Aderj, de lancer une invitation à son interlocuteur ou à la personne étrangére au village, rencontrée sur le chemin, en rentrant chez lui. Il invite par instinct le premier venu, pour lui faire honneur de partager son repas, frugal soit-il. Alors Sandrine, s'il vous arrive de passer par Tanger, ou que vous éprouvez l'envie de visiter, Azor, sera votre serviteur pour les visites de la ville, et mettra à votre disposition un appartement meublé pour quelques jours, en qualité d'agent immobilier. Par contre si vous pouvez vulgariser son site professionnel, en voici l'adresse : www.lemanoirimmo.blogspot.com
Merci encore.
*Les labours à El Aderj (Suite)
À l'arrivée sur les lieux, Moh, l'aîné fera installer la tente, et affectera les tâches individuelles au groupe. Elles ne doivent nullement se chevaucher. Chaque participant doit tenir son rôle pour mener à bien la mission, et être digne des parents qui ont investi le groupe de leur confiance, et de leurs espoirs de perpétuité. Cet exercice ancestral, imposé par ces parents-mêmes, consiste en fait, à faire de leur progéniture des hommes capables de survivre aux épreuves, et aux contraintes de l'environnement austère et rigoureux. C'est le seul moyen pour eux de perpétuer la famille, et par conséquent la vie dans ces montagnes de l'Atlas qu'ils ont domptées, et défendues sans cesse, depuis des temps lointains.
Une paire de mulets attelée à la charrue traditionnelle, pendant les labours
Cette autre initiation à la responsabilité, parmi bien d'autres, a sans conteste développé chez le petit berbère d'El Aderj, l'instinct de conservation et l'intégrité physique et morale du groupe. Elle a ancré en lui l'esprit de courage, d'abnégation, et du sacrifice. Cet état d'esprit l'a toujours poussé à défendre et mourir pour le pays, tant au Sahara, qu'ailleurs. Les Aalahmis, restent comme leurs ancêtres, et parents, de bons soldats, prêts à servir sous l'uniforme, et à donner leur vie pour la survie et la dignité du Maroc ancestral, sans demander un retour quelconque. Ils sont au Sahara marocain, dans les positions avancées, dans toutes les unités des Forces Armées Royales, pour défendre à distance El Aderj, leur vallée sacrée, pour laquelle ils n'hésiteront pas un moment à donner leurs vies et leurs biens, si menace, il y en aura un jour.
Pérennité à El Aderj, et à ses enfants!
Les enfants déchargent les mulets, les débarrassent de leurs selles, et les attachent à des pieux en bois qu'ils ancrent solidement dans le sol. Ils montent la tente par la suite, y installent les vivres, le matériel de couchage, et les semences. Ils amènent par la suite les mulets à la source où ils les abreuvent, et ramènent de l'eau fraîche qui servira à cuisiner, et à nettoyer les ustensiles. Pendant qu'Azor et son frère Hssaïn préparent le déjeuner, Moh, et les cousins éparpillent les tas de fumier naturel, mis quelques jours auparavant sur le champ. L'oncle Kaddour arrivera plus tard, sèmera le champ, et restera avec les jeunes jusqu'à déjeuner, avant de rejoindre le village, laissant le soin aux enfants de retourner la terre pour enfouir les graines.
Transport à dos de mulets du fumier naturel pour l'épandre plus tard sur les champs à labourer
Les mulets sont alors attelés par paire, à la charrue, et les labours commencent. Quand la superficie à cultiver est importante, quatre mulets et deux charrues sont mis en place, pour accélérer la cadence des travaux, tant que l'accalmie, et le beau temps le permettent. Moh, rôdé à la tâche, trace le premier sillon, et continuera à faire des allées et venues sur toute la longueur du champ. Il restera derrière l'attelage, jusqu'à ce que les bêtes, perdent de leur vigueur, et deviennent plus dociles. C'est à ce moment là seulement qu'il passera l'attelage à tour de rôle, à Azor, et ses cousins qui trouveront moins de difficultés à maîtriser et guider les mulets fatigués et moins fougueux.
Bonne nouvelle à annoncer aux enfants d'El Aderj, et aux lecteurs fidèles du petit berbère d'El Aderj :
Azor a appris aujourd'hui, 12 mai 2009 que la population touchée par le manque d'eau d'irrigation, s'est mobilisée, sur l'initiative et les directives du Caïd Jalaldine Faska, chef du bureau d'El Aderj, et a reconstruit la retenue d'eau, à la manière traditionnelle, que nos ancêtres pratiquaient par le passé. Son aide substantielle, en payant notamment la main d'oeuvre sur le budget de l'Etat, a été déterminante dans la réussite de l'opération. Le système est décrit plus haut dans le blog (Chapitre XIV : Retour aux sources).
L'eau est de nouveau de retour dans les séguias asséchées. Sûrement que la vie reprendra son cours d'antan dans les vergers de la vallée d'El Aderj.
Remerciements au Caïd :
Tous les remerciements et la gratitude personnels d'Azor, à vous Monsieur le Caïd, meneur d'hommes, et fin diplomate que vous êtes. Ceci est bien entendu mon opinion personnelle, que je me suis faite de vous depuis notre rencontre, et nos discussions pendant mon séjour à El Aderj, il y a 5 mois déjà. Merci d'avoir contribué à sauver les arbres millénaires de la vallée, et d'avoir rendu le sourire aux usagers de ces séguias (Aït Mchqra, Ibouisaaidns, et une partie de Taourirt)
Azor, le petit berbère
*Lire également en marge, au début du blog, un additif sur les origines du nom d'AZOR
Chapitre XX : La maison des berbères d'El Aderj, les "Aït Alahm"
La maison Aalahmia est construite en pisé, terre argileuse renforcée par de la paille en fétus courts. La paille faisant fonction de liant pour empêcher les fissures, et les retraits incontrôlés, une fois les murs séchés par le soleil. Les murs de 60 à 70 centimètres d'épaisseur, constituent un isolant sûr et infaillible contre les écarts de températures qui sévissent en altitude, et les intempéries quelque soit leur degré de violence (Tempête de vent, de neige, grêle, et autres).
Le procédé de construction est séculaire, et hérité des aïeuls les plus lointains. La maison est carrée, et de dimensions assez imposantes (Jusqu'à 20 x 20 mètres de dimensions), pour abriter la famille, les provisions annuelles, et le bétail. La cour intérieure de 10 x 10 mètres minimum, non couverte, constitue le noyau central autour duquel la vie s'organise entre les hommes et les bêtes. Le bétail y passe la nuit à l'abri des chacals et des renards, qui, poussés par la faim, viennent souvent narguer l'homme et rôder non loin des villages, à la limite de la forêt et des champs cultivés, en quête de nourriture. Le bétail est constitué de chèvres, le principal élevage du berbère Aalahmi, quelques vaches, poules, coqs, et le mulet, le quatre-quatre tout terrain, ami du berbère, et le plus aimé de la famille.
Les locaux du rez-de-chaussée, qui donnent directement sur la cour, sont réservés au stockage des grains, des fruits et légumes secs, tel l'oignon, le légume le plus utilisé dans la cuisine berbère, souvent les tagines de chevreau, quand la terre et les vergers sont gelés et ne produisent rien.
L'étage supérieur, est constitué des chambres, cuisine, et le salon incontournable, avec coin de feu de bois, où les retrouvailles les hivers particulièrement, sont d'importance et conviviales. Les grands-parents, les parents, tantes, et oncles s'y regroupent et racontent aux enfants attentifs et subjugués les histoires et les contes berbère merveilleux, et fascinants qu'ils avaient acquis et transmis oralement de génération en génération.
Tout autour de ces locaux, des terrasses larges de 3 mètres, les protègent des intempéries. Ces terrasses prises sur la largeur de la cour centrale, constituent en même temps un abri pour les locaux du rez-de-chaussée, et le bétail quand il est chassé du centre de la cour par les intempéries les hivers. Par beau temps, les boucs, patrons du harem, se disputent les chèvres les plus jeunes et chaudes, ainsi que la place à l'air libre, au centre de la cour que la lune et les étoiles éclairent et rafraîchissent. En effet, c'est à coups de cornes fracassants et meurtriers, que l'espace s'acquiert souvent. L'été, les plus forts s'approprient le centre de la cour, reléguant les moins forts à se loger sous les terrasses chaudes et moins confortables. Les hivers, c'est l'inverse, les plus faibles passeront la nuit à la belle étoile sous la neige, et les pluies inconfortables. La vie est réglée ainsi en bas, et l'homme là-haut, y assiste en simple spectateur.
Le combattant qui a les pattes avant en l'air semble en position forte. Il est prêt à porter le coup de grâce à son adversaire qui abandonne la partie. Il laissera logiquement la place au mâle le plus vigoureux. La nature en décide ainsi. Seul le plus apte à perpétuer une race vigoureuse, a le privilège de veiller sur le harem, et la tribu.
Azor et ses frères affectionnaient ce spectacle magique où la force et la stratégie pour acquérir sa place, son statut social, et le droit à la survie, sont de rigueur. Le jeu préféré des enfants, perchés là-haut, consistait à encourager et attiser le combat des boucs, pour faire durer le spectacle. Les combats sont souvent violents et meurtriers. Ils criaient à tue-tête à l'adresse des combattants qui semblent comprendre ce message qui ranime et multiplie leur ardeur au combat :
"-SSâââ SSâââ !" qui, répété plusieurs fois faisait l'effet sur les combattants. L'injonction répétée, veut dire : "Eloigne-toi, et prend de l'élan". Incroyable, mais les pauvres boucs comprenaient sûrement et obéissaient à ce langage bref et stimulant, ce qui accroissait la violence des combats. Ils levaient les pattes avant, pour piquer en même temps et se cogner mutuellement les têtes, dans un bruit de cornes terrible. Les boucs se battent sur place, sans bouger d'un pouce. Celui qui reculera, perdra la face devant le harem de chèvres et des enfants qui crient victoire à tel ou tel, parce que les bergers leur attribuaient des noms que les enfants n'oubliaient jamais. (Mohamed Ali, Frazier, et j'en passe des combattants du ring). Nos héros s'appellent "-Achmlal, le blond -Bouamar, le barbu -Akrrout, les petites cornes -Afrtas, le chauve, sans cornes, etc...(Il ne manquait que le Coca, et le pop corn à Azor et ses cousins pour agrémenter le spectacle).
Le combat des béliers, diffère de celui des boucs, et la violence y est plus meurtrière.......
À l'approche de la fête religieuse de l'Aïd El Kébir (La fête du mouton), les familles isolent de leur troupeau, le mouton mâle le plus apte à être sacrifié, afin de l'engraisser en l'éloignant des femelles qu'il ne poursuivra plus pour la saillie. Cela lui donnera plus de temps pour se nourrir davantage. Pendant la journée les enfants le sortent dans les près pour le nourrir d'herbes grasses, et pendant la nuit, il est isolé dans une pièce où ils lui servent une ration de graines d'orge quotidienne. Le soir, au retour des près, avant de rentrer chez eux, les enfants se regroupent dans un champ, à l'abri des regards des adultes pour s'offrir un spectacle violent et unique, le combat des béliers. Qui sera vainqueur? Le bélier de telle ou telle famille?
À tour de rôle, les béliers sont mis face à face à une dizaine de mètres l'un de l'autre. Sur les encouragements des propriétaires, "Ssaâ! Ssaâ! répétaient-ils à leur combattant. Les pauvres bêtes prennent l'élan dans une course effrénée, et viennent se percuter les têtes dans un bruit effroyable. Le premier choc encaissé, ils repartent en arrière d'eux-mêmes, le plus loin possible et repartent à la charge de nouveau. Les combats finissent souvent par des titubations, voire même des évanouissements, et des cornes cassées et ensanglantées. Gare aux gamins qui ramèneront leur bélier handicapé, par le manque d'une corne, car les croyances chez le berbère d'El Aderj, sont qu'il ne doit pas sacrifier un bélier qui n'a pas de cornes ou qui manque d'une. Le travail d'une année à sélectionner le champion par le père, est sapé par les espiègleries des enfants. La correction est alors de taille. Souvent, ils se réfugient chez les tantes, oncles et autres où ils cherchent protection, en attendant que la colère du père soit apaisée par la résignation au sort, et par l'approche de la fête où on ne doit pas battre ses enfants et sa femme.
Chapitre XXI : Pêche traditionnelle, ou jeu des enfants d'El Aderj
De tradition, le berbère d'El Aderj ne mange pas de poisson, il préfèrera de loin le chevreau élevé dans la montagne où il se gorge toute la journée d'herbes aromatiques, de plantes et d'arbustes tels que le chêne, le romarin, et d'autres buissons qui peuplent les montagnes du Moyen Atlas. La rivière qui arrose la vallée, et qui prend naissance dans les montagnes d'El Aderj, regorgeait pourtant de truites et de perches, les années 60.
Les étés, Azor et ses cousins allaient se baigner dans certains endroits profonds de la rivière, quand les courants sont moins forts. Ils en profitaient pour jouer à pêcher la truite. Le principe est le suivant :
Ils détournent le filet d'eau en amont de la partie profonde de la rivière en installant une petite retenue faite de branchages, de pierres et de sable, de façon à isoler l'endroit choisi pour sa profondeur. Ils cueillent une herbe appelée "Msalh lmdar" dont la sève constitue un soporifique puissant. Les enfants se mettent autour du bassin et ils commencent à hacher à coups de pierre la plante qu'ils trempent au fur et à mesure dans l'eau. À la longue, l'eau stagnante mélangée au jus dégagé par la plante, est privée d'oxygène, en perdant sa couleur naturelle. Les poissons drogués et ne pouvant plus respirer, remontent à la surface de l'eau, à la recherche de l'air. Avec des paniers en "Halfa", les enfants les ramassent sans difficulté aucune.
*Halfa" (Graminée qui pousse en touffes dans les régions sèches du Maroc et dans les montagnes du Moyen Atlas. Ses tiges de 50 à 60 cm, servent à fabriquer des nattes, des couffins, et autres. Il demeure aussi un excellent aliment de bétail dans l'oriental marocain).
C'était un jeu, car souvent le poisson est jeté. Rares sont ceux qui en amenaient chez eux. Un jeu d'enfants, qui hélas a largement contribué à anéantir les espèces qui peuplaient ces eaux claires et non polluées. Un repeuplement des lieux, serait-il possible aujourd'hui? La question est posée à la délégation des eaux et forets de Fès-Séfrou dont dépend El Aderj.
Un appel d'offres, séance publique, est récemment lancé: Lot n°1 : Réalisation de la révision de l'étude d'aménagement de la forêt d'El Aderj, commune rurale d'El Aderj, Tafagight, Dar Lhamra, Province de Sefrou, sur une superficie de 19 415,39 hectares. A-t-on tenu compte du repeuplement de la rivière? Si oui, ce serait une manne en plus pour la commune qui développera un tourisme de pêche en rivière.
Chapitre XXII : Mimoun ou Kaddour, le héros d'enfance d'Azor
L'enfance d'Azor, comme tous les gamins d'El Aderj, regorge de contes fantastiques transmis oralement de génération en génération. Les héros sont souvent vrais, vivants et font partie du paysage et de la vie de tous les jours dans la vallée d'El Aderj. Parfois, ils demeurent insaisissables, inaccessibles, tellement les parents et grands-parents les mettaient, à travers leurs contes, sur un piédestal, égalant presque les génies qui régissent la vie et la mort, le sens de l'honneur, de la bravoure, et de la dignité dans les montagnes secrètes d'El Aderj. Mimoun ou Kadour, demeure pour Azor, un de ces personnages mythiques, dont la bravoure et la témérité ont suscité l'estime et la crainte des tribus environnantes. Oui, Mimoun ou Kadour de la tribu des "Aït Lahcen ou Mimoun", l'actuel Tafgight, fut un personnage hors pair, pour son courage et son sang froid, quand il s'agit de faire face au danger et à l'ennemi, quel qu'il soit. Il fut, d'après les contes interminables du père d'Azor sur ce personnage, un chasseur hors paire, habile et téméraire. Armé en permanence d'un fusil "Bouhbba", et d'une serpe, il n'a jamais reculé devant le danger.....
Ses exploits furent nombreux. À la tête des hommes de sa tribu, il a toujours mené des charges héroïques contre l'ennemi du moment, pendant la guerre de la résistance. Il en sortait toujours victorieux et plus craint par l'ennemi et par les siens. Insaisissable, versatile et rusé, il a toujours semé le doute et la terreur autour de lui. De grotte en grotte, de cache en cache, il se déplaçait sans gêne dans un milieu montagneux neigeux, reculé, froid et rigoureux que lui seul maîtrisait.
Les officiers français, épaulés par un caïd collabo de l'époque, l'ont pourchassé et harcelé pendant longtemps pour le corrompre, le soumettre, et le rallier ainsi à leur cause hégémonique, sans succès. Mimoun est resté insaisissable et irréductible. Ils ont beau piller les villages, emprisonner hommes et femmes de sa tribu, brûler les récoltes, Mimoun, est resté inaccessible, en bénéficiant du respect, de la protection des siens, et des montagnes neigeuses et complices d'El Aderj. Il a ainsi semé longtemps la terreur et le doute dans les rangs de l'ennemi, cantonné dans sa caserne fortifiée et hautement surveillée.
Les autres exploits qui ont frappé de tout temps l'imagination des petits berbères d'El Aderj, furent ceux de Mimoun, le chasseur du tigre de l'Atlas, omniprésent à l'époque. Une fois, il s'est trouvé face à face avec un tigre allongé sur une branche d'un cèdre. Le tigre était prêt à bondir sur lui. D'un sang froid que seul Mimoun savait garder dans les moments cruciaux, sans quitter un moment les yeux menaçants de l'animal, chargeait imperturbablement le plomb et la poudre dans son fusil. Il épaula son arme et visa entre les yeux de l'adversaire. Mimoun jeta son fusil à terre, et prit en main sa serpe qui ne le quittait jamais. Il continuait à surveiller la réaction du tigre blessé, prêt à un corps à corps éventuel, des fois que le plomb ne faisait pas son effet. Dans un dernier sursaut, l'animal essaya de se relever pour bondir, puis tomba sur le sol enneigé, entraînant dans sa chute des branchages du cèdre. S'étant assuré que le tapis blanc de neige avait tourné au rouge, et que le tigre gisait inanimé dans une mare de sang, Mimoun rejoignit le village, emportant avec lui un nouveau trophée....Un nouvel exploit du vieux montagnard valeureux, endurci par les évènements.
Les villageois, hommes, femmes et enfants attendaient avec inquiétude le retour hypothétique de Mimoun, leur héros. En effet, le coup de fusil qui s'est répandu dans la vallée, avait signalé sa présence dans les parages. Il courait certainement une aventure en plus.
15 octobre 2009
Excusez Azor, chers lecteurs et lectrices pour vous avoir abandonnés un long moment. Il n'a pas de justification, si ce n'est un engourdissement passager qui l'a éloigné de vous. Cette semaine il a reçu un de ses cousins berbères qu'il appelle "Aammi Houssa", "Oncle lhoussaïn". Lui-même poète, chroniqueur, et écrivain. Il a passé quelques jours chez Azor, à Tanger où il s'est entretenu avec lui sur le blog du petit berbère entre autres. En repartant chez lui à Fez, il a envoyé un poème à Azor où il fait l'éloge de Mamma, son premier amour platonique. Avec l'accord de Aammi Houssa, il vous en fait part chers lecteurs et lectrices. Il est à noter que cet écrit élogieux a éveillé en Azor ce désir et cette flamme de reprendre de nouveau ses dialogues interrompus, et dépoussiérer quelque peu son blog.
Poème intégral dédié à Mamma, dont le portrait trône au milieu du salon d'Azor :
HYMNE À LA SAINTE MAMMA
En guise d'ex-voto accompagnant les aurores de son règne qu'elle bénit du fond du salon où est fixée la toile de "SEBATA", l'artiste inspiré qui sut saisir les fins traits de la divine apollinienne.
Ta posture orante par delà ton trône inaltérable
par ton aura irisée de jaune citrin et pourprin d'érables
aux moirures et nuances ô génie des semences
Lumière ennoblissant sans faillir l'espérance de ton éternel amant
Tes frisures ébène déployées rajeunissent ton corps
comme des ailes de corbeau conjurant le sort d'antan
Ingratitude de piètres charlatans
qui brisèrent affreusement des prémices de seize ans
Profilant alors le temple d'un AMOUR des temps
Orante et orante! Que ton aura demeure
et immunise l'habitant
contre remords et dépit qui rongent les vraiment amants
Ouhoussa Ouachrine
Merci Aammi Houssa pour ce beau poème.
Chapitre XXIII : "TINFAS"
"Tinfas", pluriel de "Tanfoust" en berbère d'El Aderj, veut dire "Les contes"
Les soirs quand Azor et ses frères rentraient à la maison, ils attendaient leur père avec impatience qui arrivait généralement vers 20 heures, après avoir fermé son épicerie. Ils couraient à sa rencontre pour la bise et les câlins du soir. Il changeait ses habits, faisait ses ablutions et ses prières du soir, puis se mettait à table pour le diner avec la maman Lkamla et sa couvée.
Tout ce qu'elle servait était un délice, car manger en groupe était stimulant et il y avait comme il se dit de "La Baraka", la bénédiction de Dieu. Une fois le repas terminé, c'est à celui qui peut convaincre le père pour raconter une "Tanfoust". Il en racontait plusieurs, presque une tous les soirs. Il avait beaucoup de patience et d'écoute pour ses enfants. Chacun le priait pour raconter celle qu'il préférait, mais il faisait toujours en sorte que tout un chacun soit satisfait, et faisait plaisir à tout le monde, en racontant un à deux contes chaque soir, à tour de rôle. Les plus jeunes s'endormaient souvent à la lueur de la lampe à pétrole, avant que le conte ne soit fini. Ce furent des moments délicieux et inoubliables qu'étaient ces réunions de famille, particulièrement les soirs d'été sur la terrasse intérieure de la maison, et les hivers près de la cheminée où crépitait un feu que les enfants entretenaient à tour de rôle.
Azor vous invite chers lecteurs et lectrices à assister à quelques unes de ces soirées, en espérant que vous en apprécierez l'ambiance. En votre honneur, il agrémentera la table de quelques bougies qu'il glanera dans l'épicerie du père et quelques fruits de saison cueillis pour l'occasion dans le verger familial. À demain pour la première veillée. À la fin de chaque veillée, Azor vous dira la morale de la soirée, en espérant que vous l'entretiendrez vous aussi sur le sujet pour lui dire ce que vous pensez et ce que vous en tirez selon votre expérience personnelle.
El Aderj, le 16 octobre 1960 : Première veillée
Suspendus aux lèvres du conteur le père Ahmed, Azor, ses frères et ses invités, également ceux du père GOOGLE, le père NOËL d'AZOR, écoutent goulument le conte de :
"AYOUJIL NOUDRAR" "L'orphelin de la montagne"
Il était une fois un berbère valeureux de l'Atlas, nommé Mimoun ou Kaddour qui habitait le village le plus reculé des montagnes. Jaloux qu'il fût de son indépendance et de ses deux épouses qu'il couvrait de cadeaux et de bonnes attentions, pourvu qu'elles le gratifiassent d'une progéniture digne de lui. Un jour, ses voeux furent exaucés. Il eut deux garçons bien portants et vigoureux. Toute la vallée avait appris la nouvelle et les gens affluèrent pour l'en féliciter. Les années passant, il élevait ses enfants dans la stricte tradition du berbère de l'Atlas. L'apprentissage se limitait aux principes et leçons de survie dans une nature impitoyable, mais protectrice (La chasse, monter à cheval, sortir les nuits pour accomplir certaines tâches utiles à la famille...)
Cavalier berbère, le baroudeur...(Mimoun ou Kadour type, fusil sur l'épaule, soucieux de la pérennité de sa montagne l'Atlas, et des siens. Sa mine tourmentée le dénote si bien...Mimoun, le héros d'Azor, imaginé par Azor) Les enfants grandissaient et s'épanouissaient auprès de leurs mamans dans la totale insouciance. Pour leur 10ème année, Mimoun est allé au souk du jeudi, et leur acheta chacun un poulain et cinq Sloughis (Lévriers de l'Atlas) Un jour Mimoun tomba malade, et mourut malgré les soins intensifs et réguliers de l'épouse la plus dévouée et généreuse qui ne quittait pas son chevet. La même épouse ayant contracté la maladie au contact de Mimoun, mourut quelques temps après lui, laissant son fils orphelin très jeune. Le malheureux gamin, livré à sa marâtre, ne pouvait qu'en subir la maltraitance, mauvaise qu'elle fut. Elle nourrissait son fils Hsaïn de meilleurs mets (Beurre, miel, pain de blé tendre, pâtisseries et toutes sortes de gourmandises). Ayoujil n'ayant droit qu'à une galette de pain d'orge, un peu d'huile d'olive et un oignon au quotidien. Cette ségrégation n'a fait qu'accroître l'amour fraternel et la complicité des deux frères. Ayoujil nourri au naturel se développait bien physiquement de jour en jour. C'était lui qui défendait alors son frère contre les agressions des autres enfants, et prenait soin de lui dans toutes les circonstances. Il était craint dans le village et était donné en exemple pour sa générosité et son courage. La marâtre, excédée par la complicité des deux frères et voyant qu'Ayoujil se développait mieux que son fils, décida un jour de tester leur force physique. Elle les soumit alors à la discipline d'une lutte connue à El Aderj sous le nom de "Amkhoummal"; lutte locale que les adultes organisaient pour célébrer certaines fêtes religieuses ou païennes. C'est une lutte où les enfants du clan se mesuraient entre eux pour affirmer leur adresse et leur force physique afin d'asseoir et d'établir une hiérarchie intérieure au clan. L'issue des combats fut toujours à l'avantage d'Ayoujil. La marâtre accrut alors son hostilité envers lui. Excédé par les abus de la marâtre, il décida à l'âge de quinze ans de quitter la maison. Il prit le peu d'affaires qu'il possédât et alla s'installer dans le verger familial jouxtant la maison. Il y construisit avec l'aide de son frère une hutte avec des branchages et des roseaux, et s'y installa. (Tanoualte en berbère). La hargne de la marâtre ne se limita point à son isolement. Elle décida alors de l'affamer et de l'empoisonner pour se venger de lui. Elle capturait des serpents venimeux, des scorpions et les mélangeait à la nourriture dont elle chargeait son à amener à Ayoujil. Ayant découvert l'infamie de sa mère, Hssaïn emportait le repas et le jetait dans une fosse qu'il avait creusée sur son chemin (TASRAFT). Pour nourrir son frère, il mit au point un stratagème qui lui permît de lui emmener à manger. Quand il se mettait à table, il prenait une bouchée pour lui, et en douceur, il jetait la suivante dans sa djellaba, à l'insu de sa mère. Quand il n'avait plus faim, il savait que les bouchées mises de côté suffiront à son frère qu'il rejoignait après pour lui remettre son repas. Voyant son frère manger sans crainte, ils s'enlacèrent avant de se quitter et pleurèrent sur le malheureux sort que le destin avait réservé à Ayoujil.
Les années passaient et les enfants grandissaient dans la complicité totale. Ils passaient leurs journées à chasser le gibier à dos de leurs poulains, accompagnés de leurs sloughis dans l'insouciance totale. Un jour, Ayoujil décida de partir pour s'éloigner de la méchante marâtre, afin de ne plus continuer à mettre Hsaïn dans l'embarras. Il en informa son frère qui a tout fait pour le retenir, en vain. Il a sellé son cheval, ameuté ses sloughis, prêt à partir. Les adieux étaient douloureux et pénibles. Les deux frères pleurèrent longtemps, si bien que leurs larmes firent pousser un pêcher à l'endroit des adieux.
En partant, Ayoujil dit à son frère :
-Quand tu verras les feuilles de ce pêcher jaunir, sache que je suis malade
-Si tu les vois tomber, c'est que je suis mort.
Ayoujil prit alors la route vers l'inconnu à dos de son cheval, accompagné de ses sloughis. Avant la tombée de la nuit, il ordonna à ses sloughis de partir chasser le gibier. Ils lui ramenèrent un lièvre. Il le dépeça, planta sa tente pour passer la nuit, et alluma un feu pour préparer son diner. Soudain, une femme hideuse et imposante de par sa taille surgit des ténèbres et lui demanda :
-Bonsoir mon fils! Je suis une pauvre femme, j'habite non loin d'ici. Peux-tu me donner un tison pour allumer du feu chez moi
(À l'époque, les foyers entretenaient leur feu en permanence, car il n'y avait pas d'allumettes. On utilisait le silex qu'on frottait afin de créer des étincelles pour allumer un feu; ce qui prenait beaucoup de temps avant d' y parvenir). Il est de coutume à El Aderj, que les voisines s'échangent des produits qu'elles n'ont pas sous la main à certains moments de la journée, tels que le levain, le pétrole pour les lampes, les allumettes, ou à défaut des braises pour allumer un feu, et bien d'autres produits.
-Avance et sers-toi ma mère!
-Non! j'ai peur de tes sloughis, ils vont me mettre en pièces. Prends mes cheveux et entrave-les, ça me rassurera. Elle en arracha une poignée, et la lui jeta.
Sans hésiter un moment, il en entrava tous ses sloughis. Sans lui donner le temps de réagir, la mystérieuse femme se jeta sur lui, l'avala tout rond, et fit de même de ses sloughis et de son cheval. C'était une méchante ogresse.
Au lendemain du départ de son frère, Hsaïn alla rendre visite au pêcher pour l'entretenir et le soigner, mais quelle fût sa surprise! Les feuilles jaunies étaient toutes tombées. Affolé, et préoccupé du sort de son frère, il décida d'aller à sa recherche.....
Contrairement à l'accoutumée, Hsaïn nourrit abondamment son cheval et ses sloughis dans l'intention de les entraîner dans une aventure endurante et incertaine. Il prit le chemin qu'Ayoujil avait emprunté, les sloughis l'aidant dans la recherche des traces de son frère. D'indice en indice, et de piste en piste qui signalaient le passage d'Ayoujil dans la forêt touffue, Hsaïn se rapprochait de son but.
En fin de journée, à l'orée d'une clairière, les sloughis ont multiplié gémissements et aboiements. Hsaïn y pénétra pour découvrir les restes d'un campement. Il découvrit la tente, la selle du cheval, l'épée de son frère, mais aucune trace de leurs corps, si carnage il en fût. Il décida de passer la nuit à l'endroit même, et envoya ses sloughis à la recherche d'autres indices pour retrouver les disparus. Les sloughis revinrent avec quelque gibier, mais dépités et découragés de ne pas avoir retrouvé l'orphelin. Sur ce, Hsaïn, méfiant, organisa son camp et sa défense pour éviter toute surprise d'un hostile quelconque. Il plaça ses sloughis dans les points sensibles de la clairière, attacha son cheval à un pieu non loin de la tente et alluma un feu de veillée, décidé à ne pas dormir, ou du moins dormir d'un seul oeil.
Quelques heures plus tard, les sloughis aux aguets lui signalèrent une présence. Notre hideuse visiteuse, s'est en effet approchée du camp pour commettre un autre forfait. Hsaïn, sur ses gardes, alla à sa rencontre, la tenant toutefois à distance. Même approche qu'avec Ayoujil. Elle voulait du feu.
Hsaïn lui proposa de s'approcher du feu et de se servir.
-Non mon fils! Attache d'abord tes Sloughis avec mes cheveux, ça me rassurera. Hsaïn prit la touffe de cheveux qu'elle lui jeta, rassembla ses Sloughis, et déposa les cheveux sur leurs pattes, faisant semblant de les entraver. Il avait compris que c'est elle qui a commis le forfait. Elle a voulu bondir sur lui, mais les sloughis lui sautèrent dessus, les uns mordant les mollets, d'autres le dos et les flancs. Elle s'affaissa vaincue, et Hsaïn l'éventra avec son épée. Il en sortit son frère, ses Sloughis et son cheval intacts, mais inanimés. Le lendemain, éploré, et ne sachant quoi faire pour ressusciter son frère. Un oiseau survola la clairière en ricanant de la scène. Hsaïn arma son arc et descendit l'oiseau en plein vol. Un autre oiseau passa, il rigolait également. Hsaïn lui demanda :
-De quoi rigoles-tu ainsi, alors que ton congénère est étendu mort.
-Moi, je ne me fais pas de soucis pour ça. Je vais ressusciter mon frère sous peu; alors que toi, tu as l'air dans l'embarras désespérant.
L'oiseau s'en alla, et revint quelques instants après, une brindille d'herbe au bec. Il en frotta le corps de l'oiseau inanimé, et le ramena à la vie. Hsaïn, frappé de stupeur, supplia l'oiseau de lui indiquer l'endroit où il pouvait aller chercher l'herbe. Pris de compassion, l'oiseau lui indiqua le lieu, et s'envola avec son congénère.
Hsaïn partit à l'endroit indiqué, et ramena une touffe de l'herbe magique. Il en enduisit le corps de son frère qui revint instantanément à la vie, et fit autant avec le cheval et les Sloughis. Les deux frères se retrouvèrent avec plein d'émotions, et s'embrassèrent longuement. Hsaïn insista pour que son frère reparte avec lui à la maison, et tenta de le faire jurer de rester ensemble, et de ne plus jamais se quitter. L'orphelin lui promît qu'il retournerait à la maison plus tard, mais qu'il devrait d'abord se rendre dans un pays lointain où il devrait accomplir un travail important....
En attendant chers lecteurs et lectrices, Azor vous souhaite une bonne nuit, dans l'espoir de vous retrouver demain chez Papa Ahmed, en compagnie du père Google pour continuer nos veillées, à l'ombre des papillotements de la lampe à pétrole familiale.
Azor le petit berbère d'El Aderj, votre compagnon de fortune
ADDENDA D'OCCASION:
Chers lecteurs et lectrices, relisez Azor qui parle de ses premières amours, et où il parle de Abdelwahab, son idole et ami. (Chapitre XVII : Le mariage chez les berbères d'El Aderj)
Le 18 octobre 2009
Azor en compagnie de Abdlwahab, et sa fille AÏDA, à Tanger
Azor était ce soir l'invité privilégié du maître ABDLWAHAB DOUKALI. Il a appelé Azor pour l'inviter au restau. Il revenait de Tunisie où il a été honorifié pour sa contribution à la chanson maghrébine. En passant par Tanger, il a appelé Azor, son ami et FAN.
Merci abdelwahab, mon ami pour cette soirée que j'ai passé en ta compagnie. Tu es, et tu resteras l'idole d'Azor, et de beaucoup de marocains des années 60. Tu restes inégalable sur la place artistique marocaine de tout temps. Tu as maitrisé l'art de chanter la "Darija marocaine", et contribué merveilleusement à inculquer en moi ce souffle de rêveur en compagnie de tes chansons merveilleuses (Hbib Ljamahir, Habibati, Ma ana illa Bachar, Ddar Lli Hnak, ma préférée, et bien d'autres.....et d'autres)
C'est la semaine des surprises pour Azor. Aujourd'hui, le 20 octobre 2009, il a reçu le mot d'encouragements suivant de la part d'un grand écrivain, monument de la littérature française (Pierre-Marie Beaude), mentionné au début, en marge du blog. Plusieurs sites sont consacrés à son oeuvre. Il a entre autres enseigné à l'université de Metz, la ville même où les enfants d'Azor, Youssef et Mehdi ont fait tous les deux leurs classes préparatoires au lycée FABERT (Ex maths sup, maths spé). Ci-après, la teneur du mail :
Le message est retranscrit par Azor qui a mis en relief ou en couleur certains passages pertinents, qui l'ont particulièrement touché. Azor s'excuse auprès de toi Pierre-Marie, si des fautes d'orthographe sont involontairement introduites dans le texte original.
De: Pierre-Marie Beaude
À : Saïd Khallouk (le-manoir@hotmail.fr)
Bonjour Saïd,
J'ai bien reçu tes deux appels téléphoniques, et je t'envoie ce petit texte pour que tu l'insères dans ton blog. J'espère que tu feras cela sans difficulté. Ici, tout va bien. Je suis un peu trop pris par les échéances des éditeurs, mais je suis très content, car j'ai pu mener au bout plusieurs manuscrits. Sois heureux et à bientôt de tes nouvelles.
Pierre-Marie Beaude
Bonjour petit berbère d'El Aderj,
Je regarde ton site, cher Azor, depuis notre rencontre à la manifestation du livre de Tanger, au printemps passé. C'est là que je t'ai rencontré et que nous avons parlé. Tu aimes ton pays, tu aimes tes racines, et ce mot d'Azor, le CEP, l'exprime mieux que tout. LES RACINES. Les feuilles s'en éloignent à mesure que la plante grandit, mais elles sont bien là, nécessaires pour toute la vie, tant que dure la plante. As-tu remarqué combien d'expressions se nourrissent du mot "racines". Se couper de ses racines, retourner à la racine, la racine d'un mot....
Dans mon livre Leila, les jours, que tu as la bonté de citer dans ton blog, tous mes personnages sont à la recherche de leurs racines. Soufiane, l'un des personnages principaux du roman, dit à un moment : "C'est dur de savoir où l'on va quand on ne sait pas d'où l'on vient".
Toi Azor, tu sais d'où tu viens, de ce beau village au flanc de la montagne, et tu as gardé le goût doux amer de ces souvenirs d'enfance; des chiens qui chassaient le sanglier, des grappes de raisin, des amandiers en fleurs magiques, des coutumes rurales d'un village qui a dû se résigner à laisser partir ses enfants....et cette implantation bien concrète dans le village berbère t'a accompagné de ses ondes bienfaitrices durant ton long chemin d'adulte
Ton blog résonne en moi, et me renvoie à mes propres racines, ce bord de mer de Normandie, ces longues journées passées sur les rochers, à pêcher le crabe et la crevette, ces longues soirées d'été où le soleil n'en finit pas de passer l'horizon, le visage de mon père, de ma mère, de mes frères et soeurs, dans cette lumière dorée des soirs d'été sur la plage. Que de bonheur teinté d'un peu de mélancolie à mesure qu'on avancait en âge. Tout était si fort, les sensations
Pêche aux crustacés en bord de mer
plus intenses, les odeurs plus soutenues, les couleurs plus éclatantes : Nous avions alors l'innocent émerveillement des enfants. Ton blog est un acte de reconnaissance de ceux qui ont vécu avant toi à EL ADERJ, et t'ont façonné par leur culture et leurs coutumes. Tu es un homme heureux, Azor, car tu as gardé le souvenir vivant de tes racines.
Ton ami Pierre-Marie
Merci Pierre-Marie pour ce moment d'attention que tu as accordé à Azor, toi le monumental écrivain et universitaire. C'est sans conteste, un beau témoignage; un texte pathétique et pertinent.
C'est poignant et saisissant ce passage : "Des coutumes rurales d'un village qui a dû se résigner à laisser partir ses enfants." Magnifique. C'est sincérement bien dit. Ce passage me ramène loin en arrière, très loin vers mes 10 ans, mon village dont tu parles si bien......Il s'est résigné à nous laisser partir....Il ne pouvait rien contre la nécessité de survie, et les vicissitudes du temps....Il s'est résigné, ou comme tu le dis si bien : "Il a dû se résigner à laisser partir ses enfants."
En avait-il le choix, ou une autre alternative? Je ne crois pas, généreux qu'il est....Autrement, il n'aurait jamais laissé Azor son enfant, partir si loin dans la tourmente et la douleur.
Ton ami, Azor, le petit berbère
Quelques écrits de Pierre-Marie Beaude :
-Leïla, les jours (Gallimard 2005) -Jeremy cheval (Gallimard 2003)
-Coeur de louve (1999) -La maison des lointains (Gallimard 2002)
-Issa, enfant des sables (Gallimard 1995) Grand prix 1996 du comité français pour l'UNICEF
-Flora, l'inconnue de l'espace (Flammarion 1987
-Le livre de la création/Georges Lemoine (III) -Centurion jeunesse, 1987. Grand prix graphique du livre pour la jeunesse à la foire internationale de Bologne pour l'année 1988. Adapté au théâtre par les salons littéraires de Bruno Georis à Bruxelles
-Marie, la passante 1999 -Le veilleur de Cibris 1997
Et si, chers lecteurs et lectrices, nous passions un moment avec Ayoujil qu'on a délaissé un moment?
El Aderj, le 22 octobre 1960 : deuxième veillée
Ayoujil continua donc sa route vers l'inconnu. Arrivé dans une ville, il remarqua que les rues étaient vides, les portes closes. Les quelques habitants qui se hasardaient à sortir, avaient une mine triste, éplorés, et semblaient apeurés. Il tenta d'en savoir la raison, mais personne n'osa parler. Plus loin, à la sortie de la ville, il vit une grotte dans la montagne qui surplombait la ville, et décida d'y trouver refuge. En entrant, il trouva une jeune fille d'une rare beauté. Il lui demanda ce qu'elle faisait dans un endroit pareil, seule et apparemment triste. Elle le supplia de partir, car il risquait sa vie en restant là.
-Je ne pars pas avant de savoir ce qui se passe dans cette ville insolite lui dit-il. Elle lui raconta ce qui suit :
-La ville est en deuil aujourd'hui, le grand deuil. Elle est alimentée en eau par une source, et par malheur, il y a dans la montagne un monstre à sept têtes qui s'en accapare. Pour laisser l'eau couler quelques moments dans la journée, il exige chaque jour une fille en sacrifice pour s'en nourrir, ainsi que 7 plats de couscous et 7 agneaux grillés. Aujourd'hui, c'est mon tour, et je suis la fille du roi; et c'est la raison du deuil. Il est immortel et imbattable. Nos armées ont tout fait pour le tuer, en vain.
Ayoujil refusa alors de partir, et décida de combattre le monstre, de sauver la fille et débarrasser la ville de ses malheurs. Il fit une reconnaissance des environs, et revint dans la grotte. La fatigue d'une journée de chevauchée, l'ayant gagné, il s'endormit sur le genou de la jeune princesse. Ayant entendu le monstre venir, elle n'osa pas le réveiller, et s'est mise à pleurer, réveillant Ayoujil lorsqu'une larme vint toucher sa joue. Il comprit alors que le moment du duel attendu était arrivé. Il la calma, et sortit de sa bourse un anneau en or qu'il lui remet, en lui disant ceci :
À la prochaine veillée chers lecteurs et lectrices
El Aderj, 23 octobre 1960 : Veillée n° 3
-Je risque ma vie pour toi et ce pays; alors si je meurs, remets-le à mon frère, car il apprendra ma mort, et il viendra à ma recherche.
-Comment le reconnaîtrai-je?
-Il porte sur lui le même anneau en or
Il sortit alors son épée et attendit fermement devant l'entrée de la grotte.
En rentrant, le monstre fut quelque peu surpris par la présence du jeune homme, paré au combat. Il s'avança vers Ayoujil et lui dit :
-Tu dois avoir fait beaucoup de chemin pour venir finir tes jours ici brave homme. Personne n'ose se mesurer à moi dans ce pays de poltrons. Tu es trop jeune pour mourir. Retourne à ton pays, et ne t'occupe pas des affaires d'ici.
-Pas avant de t'avoir tranché les 7 têtes que j'offrirai au roi, père de la princesse que tu comptes avaler impunément.
Le monstre, habitué à ne pas rencontrer de résistance à ce jour, fut quelque peu ébranlé par le culot d'Ayoujil, et hésita un moment avant d'engager le combat. Ayoujil, ragaillardi par ce dialogue d'égal à égal, sauta sur le monstre, lui coupa une tête qui repoussa instantanément. Il en fit autant avec les autres, mais rien n'y fait. L'épuisement commençant à le gagner, il se souvint alors des leçons que Mimoun, son père lui donnait pour vaincre l'ennemi du moment : "Il fallait découvrir son point faible". Le souvenir du père et du frère perdus, fut le déclic qui éveilla son esprit et lui redonna toutes ses forces. Dans un dernier sursaut, il décida alors de crever les yeux du monstre; ce qu'il fit avec son épée. Le monstre, aveuglé et furieux, cogna les parois de la grotte dans tous les sens, cherchant Ayoujil, jusqu'à épuisement.
Pendant ce temps, Ayoujil se mit à chercher la princesse. Il la trouva évanouie dans un coin reculé et sombre de la grotte. Il la prit par la taille, la mit sur son épaule, et sortit victorieux. À l'extérieur, la population de la ville, le roi en tête s'inquiétait du sort de la princesse, tout en puisant l'eau dont ils auraient besoin, avant que le monstre, n'ait accompli son forfait, et ne s'emparât de nouveau de la source. Il déposa la princesse devant la grotte, et continua bravement sa chevauchée vers l'inconnu.
Qu'adviendra-t-il d'Ayoujil? Nous le saurons prochainement chers lecteurs et lectrices
El Aderj, le 24 octobre 1960 : Veillée n° 4
Quand la princesse retrouva ses esprits, elle chercha son sauveur, mais elle ne le retrouva point. Elle demanda alors à son père de le faire rechercher, sous peine de mourir de chagrin s'elle ne revoyait pas son héros. Le roi ordonna alors qu'on organisât une grande fête où tous les jeunes du pays devraient assister. Les émissaires passèrent de ville en ville où ils diffusèrent le message suivant :
-Notre auguste roi offre une grande fête en l'honneur du sauveur de la princesse, et les unira par le mariage sacré. Le sauveur, resté dans l'anonymat à ce jour, doit se présenter pour recevoir la récompense suprême, pendant la fête.
Plusieurs jeunes, braves et moins braves se présentèrent et prétendirent avoir accompli l'exploit. La princesse, en présence du roi, demandait la preuve de leur bonne foi, en lui présentant un indice quelconque. Le frère d'Ayoujil se présenta à son tour et présenta l'anneau en or que son frère avait remis à la princesse. Elle le reconnut, et exigea de lui qu'il allât chercher son frère. Ce qui fut fait quelques heures plus tard. Ayoujil fut reçu par le roi et la population de la ville en héros salvateur. Il épousa la princesse, et vécurent heureux. Il garda son frère avec lui, et décidèrent de punir la marâtre pour sa méchanceté.
El Aderj, le 25 octobre 1960 : Veillée n° 5
Quelques jours plus tard, les deux frères repartirent au pays revoir leur maison et s'enquérir du sort des leurs. Les enfants de Mimoun furent cette fois-ci accueillis en princes par les leurs. Ayoujil reprit place dans sa hutte, et Hsaïn en fit autant; il ne voulait en aucun cas revoir sa mère. Ayoujil priva son cheval de nourriture pendant sept jours, et Hsaïn priva d'eau le sien, également pendant sept jours. Le huitième jour, ils décidèrent de punir la marâtre pour sa méchanceté. Ils lui attachèrent les mains et les pieds gauches au cheval d'Ayoujil, et droits au cheval de Hsaïn pour l'écarteler, punition suprême qu'ils décidèrent de lui infliger. Elle suppliait les deux frères et demandait pardon. En face du cheval d'Ayoujil, ils ont placé une auge pleine de foin et d'orge, et un seau d'eau en face à celui de Hsaïn. Les chevaux assoiffés et affamés pendant sept jours, piaffaient d'impatience pour aller se désaltérer et se nourrir, dans les côtés opposés.
L'orphelin valeureux et vertueux, ne put rester insensible aux souffrances apparentes de son frère, car la marâtre demeurait tout de même la mère qui lui a donna Hsaïn, celui-là même qui le sortît du ventre de l'ogresse. Ils décidèrent alors d'arrêter le supplice; la frayeur et la terreur ayant eu raison de la dureté du coeur de la marâtre. Ils la délièrent, et lui signifièrent leur pardon. Elle enlaça les deux frères, et versèrent tous les trois des larmes d'absolution et de réconciliation. Une fête fut donnée en leur honneur dans le village, et ils vécurent heureux.
La morale qu'Azor et ses frères tiraient de ce conte :
-La solidarité et la fraternité devaient impérativement rester dans leur ligne de conduite pour vivre en harmonie dans le cocon familial.
-Les orphelins du village devaient faire l'objet de tous les soins autant que possible. Le père Ahmed, en donnait l'exemple. Deux enfants de l'âge d'Azor, orphelins de père, ne partaient jamais à l'école avant d'avoir pris leur petit déjeuner avec Azor et ses frères. Le père Ahmed était conscient du dénuement dans lequel les deux mamans et leurs enfants vivaient, et à quel point elles se démenaient pour survivre dans la dignité.
-Savoir pardonner, même dans la douleur
En attendant chers lecteurs et lectrices, les veillées qui suivront, et de revenir un peu à la réalité qui prévaut à El Aderj, Azor vous fera revisiter son enfance, et faire un tour du côté des moulins à eau de son village natal, qui sont malheureusement pour la plupart, en état d'hibernation.
Chapitre XXIV : Les moulins à eau d'El Aderj
Les années 60, la vallée d'El Aderj regorgeait de moulins à eau. Ils appartenaient à des particuliers qui les avaient reçus en héritage de leurs ancêtres. Difficile de remonter aux origines, moins encore à leurs constructeurs qui en ont réglé le mécanisme ingénieux et indestructible. Ils faisaient partie du paysage et s'imposaient par leur utilité en rendant service aux habitants de la vallée. Moh et Azor portaient souvent à dos de mulet les grains à moudre dans des sacs en peau de chevreau tannée (AÏLOU, en berbère). Ils pesaient 20 à 40 kilogrammes, selon leur taille, et la densité de la céréale (Blé dur, orge ou maïs). Le meunier prenait en charge les sacs à moudre, après avoir prélevé en grains son dû sur chaque sac, représenté par deux bols à soupe en cuivre, en présence des deux frères. Sur instruction de la mère quand elle lui confiait le grain, Moh priait souvent le meunier de se servir un peu plus. Ils repartaient alors vaquer à d'autres tâches dans les champs, non sans avoir pris rendez-vous pour la livraison de la mouture. C'est souvent le lendemain, car le moulin ronronnant prenait tout son temps pour venir à bout des sacs entassés que les villageois amenaient. Azor était subjugué par la meule qui tournait sans cesse comme par magie, car il ne voyait aucun mécanisme, ni animal qui la faisaient tourner. L'odeur de la semoule et de la farine, était enivrante et suffocante. Il ne comprenait pas comment le meunier blanc de farine, arrivait à se rappeler de leurs sacs qu'il posait parmi des dizaines d'autres. Il s'inquiétait s'ils allaient récupérer leurs sacs ou ils seront changés. Plus tard, il découvrira le mécanisme hydraulique du moulin, et jouera avec ses cousins à en fabriquer avec des figues vertes et des morceaux de bois d'olivier; la meule était fabriquée avec de l'argile qu'ils séchaient au soleil. Le meunier dormait à côté de la meule, car il devait se lever à chaque fois qu'elle s'arrêtait pour la remettre en marche ou pour remettre du grain dans la trémie, quand le bruit de frottement à vide de la meule dormante et de la meule tournante, se faisait entendre.
Il y avait trois moulins à eau, rien qu'à Mchaqqra, le bourg d'Azor. Ils étaient connus par le nom du meunier:
Le meunier dormait à côté de la meule sur une natte. Ici, il a installé un matelas
-"Tassirt Oubnhoudr", (Le moulin de Mr. Oubnhoudr), un valeureux travailleur, originaire du pays. Il possédait peu de terres, mais tenait à merveille son moulin, jour et nuit. Il en faisait son gagne-pain.
-"Tassirt Hddou Oumsahl", (Le moulin de Mr. Hddou Oumsahl), venu du village des Aït Msahl, à une quinzaine de kilomètres du bourg d'Azor, chercher du travail, et s'occuper du moulin qui prendra son nom par la suite. Modeste, et travailleur, il passait toutes ses journées dans son moulin, relayé parfois la nuit par son neveu aîné, Omar, car il ne procréait pas lui-même. Les rumeurs qui couraient au village prétendaient que c'était sa femme qui était stérile. Malgré cette malchance que le sort lui avait réservé, il tenait à sa femme auprès de qui il vécut jusqu'à sa mort. Ses neveux Omar et Mohamed qui avaient perdus leur père en Indochine, étaient sous sa tutelle, et leur prodiguait, lui et sa femme tous les soins et l'affection dont les orphelins avaient besoin, malgré le peu de moyens dont ils disposaient. En grandissant, Omar était devenu une force de la nature. Il allait moissonner, battre le blé, gauler les olives avec les gens du village pour une poignée de grains, parfois quelques sous pour acheter le sucre, le thé, le pétrole pour la lampe, et quelques habits pendant la fête de l'Aïd El Kébir. Le cadet Mohamed, s'engagera plus tard dans l'Armée Royale Marocaine comme homme de troupe; les pauvres enfants n'ayant pas eu les moyens d'aller à l'école. C'était une famille respectable et aimée dans le village.
-"Tassirt Nacht Hmd", "Le moulin des Âït Ahmed, qui appartenait à Ahmed ou Aabbou. Celui-ci, un peu loin des villages, était moins fréquenté et moins connu.
*L'implantation d'un moulin à eau et son fonctionnement :
Les moulins à El Aderj, sont construits sur les séguias (Les rigoles qui arrosent la vallée), contrairement à d'autres régions du Maroc où ils sont construits sur les fleuves. Il est implanté en amont de la séguia, à l'endroit où il y a une dénivelée, de façon à utiliser l'eau qui chute des fois à 15 mètres plus bas, en tant que force motrice. Le principe est simple, mais ingénieux.
L'eau se déverse sur une roue tournante (Lriach). Elle est à palettes et attachée à un axe en bois vertical, qui est lui-même connecté à la meule qui se trouve à l'intérieur du moulin. Sous l'effet de l'eau qui descend à une vitesse conséquente, la roue tourne horizontalement, entraînant l'axe vertical qui transmet son mouvement vertical à la meule qui tourne horizontalement pour moudre le blé. Simple : On part d'un mouvement horizontal à travers un axe qui tourne verticalement, pour aboutir au mouvement d'origine, celui de la roue. La roue et la meule tourneront à la même vitesse que la chute de l'eau leur appliquera. Le meunier contrôlera toutefois cette vitesse, au grès de ses contraintes dictées par le client. La vitesse de la meule différera selon la mouture désirée : (Farine, Semoule, Balboula).
Meunier tu dors! Meunier tu dors!
Ton moulin va trop vite! Ton moulin va trop vite.
Faux! Hddou Ou Msahl ne dormait jamais. Il veillait au grain qu'Azor et ses frères consommeront.


Chapitre XXIV : Azor, engagé volontaire

Chers lecteurs et lectrices :
Avant de parler de lui comme militaire des Forces Royales Air, il est de son devoir de rendre hommage à un autre soldat chevronné qui s'est battu loin d'El Aderj pour une cause qui ne fut pas la sienne. Il s'agit du père d'Azor, Ahmed Ou Khallouk, Moqadem Aoual (Sergent Chef) du 38ème Goum Marocain, 5ème Tabor. Les médailles et les citations qu'Azor a pu dénicher, en revisitant sa maison natale, témoignent de la valeur de ces soldats morts ou encore vivants pour des causes qui ne furent pas les leurs. Ils n'ont jamais failli à leur mission du moment.
Azor vous prie de lui faire plaisir, et de repartir au chapitre "PRESENTATION DE L'AUTEUR", au début du blog, pour faire connaissance avec son père. Vous rendrez ainsi hommage à ces combattants restés longtemps dans l'anonymat, à l'image d'un fameux chef berbère TARIK IBN ZIYAD qui a conquis l'Espagne, et que l'histoire écrite par une élite de l'époque a perfidement ignoré, et sournoisement classé au rang d'exécutant. Le Maroc est unique dans sa géographie, par ses montagnes de l'Atlas, son Sahara, et ses hommes dociles, mais insoumis, fougueux et bagarreurs.
Le pays des maures n'a jamais été conquis. Si telle ou telle nation se targue d'avoir soumis le Maroc ancestral, elle se leurre, et fausse l'histoire. Pays insoumis, pays fier, il restera notre beau pays. Et si par malheur, il arrive à qui que ce soit de tenter une aventure dans les montagnes de l'Atlas, qui ont avalé bien des aventuriers dont l'appétit avait grandi, Azor fera honneur à ses ancêtres, et ira à coup sûr là-haut, se bagarrer pour chasser les intrus. Il fera honneur à MIMOUN OU KADDOUR, le valeureux guerrier, son idole. Azor n'a pas choisi ce moment volontairement pour parler de son engagement dans l'Armée, ni de son père (Il a abordé le sujet, ou le chapitre il y a déjà une semaine). Les circonstances et le temps l'ont simplement dicté. Coïncidence heureuse, Sa Majesté le Roi Mohamed VI, roi du Maroc, dans son récent discours du 6 novembre, a mis l'accent avec force et fermeté sur la marocanité de chacun de nous. Pas de place pour les traitres qui pillent et vassalisent le pays, économiquement et politiquement....Le pays de l'Atlas, des 3 Atlas, et ...du Sahara bien marocain.
On doit choisir son camp. Marocain ou pas?, Ce fut le message clair et sans détour du monarque.
À bon entendeur salut!!!
La revanche du père AHMED sur son sort de Goumier qui s'était bagarré longtemps sous les ordres des officiers français, a été sans conteste, Azor son fils, quand il était parti le voir en 1972, à El Aderj, arborant le grade de Sous-lieutenant.IL AVAIT FINALEMENT REALISE SON REVE DE DEVENIR OFFICIER.
Les citations, et les images n'étant pas claires, et moins lisibles, les textes ont été retranscrits fidèlement par Azor, le fils du Moqadem Aoual Ahmed Ou Khallouk, le goumier du Vietnam.


Chapitre XXV : Azor, les années du lycée à Marrakech
Excusez l'absence d'Azor chers lecteurs et lectrices.
Cette semaine, Azor a fouillé dans sa mémoire et celle de Google, il a retrouvé ses années 60, exactement 1963, sur un site qu'il vous recommande de visiter : Lycée technique Hassan II. Azor vous retranscrit ci-dessous, les correspondances engagées avec les anciens de son lycée, ses années d'adolescence innocentes et insoucieuses.
Il a suffi d'une photo de classe de 5ème que Madame Raphaëla Lozano a publié sur le site pour remuer mes entrailles, et faire resurgir mes souvenirs enfouis à jamais, mais jamais oubliés.
Je cite ci-après William Faulkner : "Le passé n'est pas mort; il n'est même pas passé". Azor, parti à la recherche d'un ami d'enfance "Robert Rouillé", ami d'internat au lycée en 1963, vous fait part de ses écrits et de ses recherches. En voici la teneur :
Bonjour,
Je suis un ancien élève du Lycée Hassan II. En 1963, j'étais en 2ème année secondaire, nouvelle appellation marocaine, l'équivalent de la 5ème de l'enseignement français, j'avais 13 ans alors. Pour me cloitrer, afin de travailler et réussir mes études, mon oncle et tuteur, adjudant à la Base Aérienne 707 à l'époque, m'avait mis 1 an à l'internat. C'est là où j'avais rencontré Rouillé, et sympathisé avec lui. Avec Rouillé, on sortait les week-ends, accompagnés d'un pion (Mr. Tamri qui nous amenait au cinéma, ou au stade de l'ASM de rugby (Association sportive de Marrakech), à côté du lycée Ibn Abad, quand nos tuteurs ne venaient pas nous sortir). Tamri, élève de Terminale, costaud, était rugbyman avec l'ASM. Il nous amenait parfois voir des matchs de Hand-ball à l'ASPTTR de Marrakech. Belaabidia, Ouaziz, Ribolo, et d'autres y jouaient sous ses couleurs en tant que lycéens, comme El Khaldi, footballeur, enfant prodige et dribbleur du Kawkab de Moulay Lahcen qu'on appelait BOUKAL; Il marquait du corner. Il était gardien de vélos au Lycée Ibn Abbad, et bien sûr le fameux Krimou, les bêtes noires de l'équipe militaire de l'époque "Les FAR". Azor allait assister à leurs matchs à chaque fois qu'ils venaient jouer avec le Kawkab; son oncle Himich , adjudant à la base, l'y amenait. C'était la guerre, et ça finissait souvent par la casse si les militaires perdaient. Belle époque. Rappelez-vous de Mr. Mauffront, notre professeur d'éducation physique au Lycée, Mr. André également. Ils nous apprenaient à jouer au rugby. Une initiation sur un terrain en terre battue. Merci les bobos!
Côté FAR, il y avait BAMOUS qui a fini colonel-major de gendarmerie, Kourdassa, Mokhtatif, Zinaya qui a fini sa carrière en tant que Lt-Colonel au centre sportif des FAR, un ami d'Azor, Houssni Benslimane, actuellement général de division, et patron de la Gendarmerie Royale Marocaine, présidait la fameuse équipe où il a joué comme gardien de buts les années 50. Ammari, l'arrière infranchissable, costaud qu'il était. Ils étaient musclés, techniciens, bagarreurs sur le terrain, et constituaient l'ossature principale de l'équipe nationale de football des années 60, 70 jusqu'à 86, avec Slimani de Settat, Maaroufi d'El Jadida, et bien d'autres qui nous avaient fait aimer le football de ces années.
Rouillé, si c'est bien toi, tu venais de Youssoufia (Ex Louis-Gentil), où ton père travaillait pour l'OCP (Office Chérifien des Phosphates). On était dans le même dortoir (Dortoir 1), dans l'étude ensemble. On se prêtait mutuellement les illustrés de "Zambla, Kiwi (Blek, le roc), Miki le ranger dans NEVADA, Zagor, Akim, et bien d'autres". Souvent, le surveillant Jalal nous confisquait nos lectures préférées, avant d'avoir terminé l'épisode. Je me rappelle que je mettais l'illustré dans un cahier et je faisais semblant de faire mes devoirs.
Point de télé, point d'Internet à cette époque. Le seul moyen d'évasion pour Azor, restait la lecture. Les illustrés interdits à l'internat, et la bibliothèque récréative de la Mission Culturelle Française, restaient sa seule échappatoire. Il ingurgitait avec satiété les oeuvres de Jules-Vernes, Alexandre Dumas, Lamartine, Bernardin de Saint-Pierre, Stendhal, les BD de Tintin, et d'autres. Belle époque. Merci à Madame Hajj Hammou, française, la prof de français qui a initié Azor à la lecture en lui faisant gagner le premier prix de Français (GRAZIELLA, de Lamartine). Il avait 15 ans. Azor était amoureux de vous à cette époque Madame. Il se démenait pour ne pas vous décevoir, afin de rester dans votre estime, et avoir la première note de Français. Vous n'aviez jamais su, vous deviez probablement vous en être aperçue. Aujourd'hui, pour l'occasion, il passe à confesse, pour dire surtout combien votre passage dans sa vie de petit berbère a été bénéfique. Merci pour tout. Quelque part vous m'aviez perfectionné.
Absorbé par les exploits de Miki le ranger, Double rhum, père adoptif de Miki, le docteur Saignée; 2 ivrognes invétérés, ainsi que Suzy, la fiancée du capitaine Miki, et fille du Colonel Brown, chef du jeune et intrépide capitaine, et commandant le fort Coulver, caserne des Rangers. Absorbé par l'épisode, j'entendais le surveillant crier : "12! Amène-moi cet illustré!". Quelle frustration! Il fallait racheter ou louer l'illustré confisqué, le week-end d'après chez les bouquinistes à côté du cinéma Palace. Dans tous les cas, ce fut l'époque de l'insouciance, compagne de l'adolescence.
Rouillé, je souhaiterai correspondre avec toi pour savoir ce que tu deviens. Pour ma part, je suis actuellement à Tanger où j'ai fondé une agence immobilière que j'ai nommé "Le manoir", en hommage à mon maître à penser, Alexandre Dumas qui m'a abreuvé de l'histoire de France. Les manoirs de Paris, les maîtresses du roi, ses mousquetaires D'Artagnan, Athos, Porthos, Aramis......
En quittant le lycée Hassan II en 1968, j'avais rejoint les Forces Royales Air, où je me suis engagé en tant qu'élève-officier. J'en suis sorti 34 ans plus tard avec le grade de Lieutenant-colonel.
Si quelqu'un parmi ceux qui fréquentent le site du Lycée Hassan II, peut me communiquer les coordonnées de Rouillé, ou lui communiquer les miennes, je lui en serai reconnaissant.
Je tiens un blog sur Google où je remercie mes anciens professeurs de ces années qui m'ont beaucoup appris, et qui m'ont préparé à prendre la relève et construire le nouveau Maroc, balbutiant à l'époque sur le plan administratif : (Mr. Demangeot, Madame Hajj Hammou, Madame Delpeche, Madame Negel, Madame Philippi, Mr.Bonnet, Mr. Bennani, Mademoiselle Bardin, prof de dessin d'art, Mr. Podevin, prof d'anglais, et bien d'autres). Les cieux et le climat de Marrakech, petite ville sympa et bon enfant, étaient cléments et généreux pour les enfants de la ville rouge en ces temps. C'était la ville où les balades à vélo étaient agréables, et sans risque, les voitures étant rares à ce moment-là. Les promenades dans le parc "Jnane El Harti" à proximité du lycée, constituaient le moment propice pour donner le dernier coup d'oeil à nos leçons avant de rentrer en classe. Azor a visité récemment le parc, il est heureusement toujours conservé et bien entretenu. On y retrouve encore certains vieux arbres qui côtoient d'autres nouvellement plantés. Les allées sont carrelées, des bancs ont été rajoutés, et bien d'autres aménagements.
Saïd Khallouk, ancien élève du lycée Hassan II
Azor reviendra sur les réponses de Michel et Sylvaine qui lui ont dit que ROBERT Rouillé, est décédé. UN CHOC POUR AZOR, le petit berbère. Difficile à admettre
Rappelle-toi Robert mon ami! Notre chanson préférée qu'on ne cessait pas de chanter. C'était le tube des années 60 : SIFFLER LE TRAIN de RICHARD ANTHONY.
La gare ferroviaire d'où Azor partait en 4ème classe (Classe E), les années 60. Les bancs de la classe E étaient en bois. Minimum de confort, mais quel bonheur de voyager tout seul pour rejoindre El Aderj, sa combrousse chaque été. (Voir chapitre VII : Les vacances d'Azor). Une nouvelle façade, est actuellement construite à la place. La façade de la nouvelle gare ferroviaire. Azor la trouve moins belle que son ancienne dulcinée 

Merci Anthony, toi qui as su bien meubler notre adolescence des années 60, l'époque de nos rêves innocents....Quand Azor aimait et rêvait de sa Chantal.
J'ai pensé qu'il valait mieux nous quitter sans un adieu....... Que c'est loin où tu t'en vas! Auras-tu jamais le temps de revenir.....Et j'entends siffler le train, que c'est triste un train qui siffle dans le soir.......Et j'entends siffler le train.....J'entendrai siffler ce train....toute ma vie. Robert, tu étais mon meilleur copain cette année-là.
J'ai pensé qu'il valait mieux
nous quitter sans un adieu
Je n'aurai pas eu le coeur de te revoir
Mais j'entends siffler le train
Que c'est triste un train qui siffle dans le soir...
Je pouvais t'imaginer, toute seule, abandonnée
Sur le quai dans la cohue des au revoir.
Et j'entends siffler le train.....Que c'est triste un train qui siffle dans le soir
J'ai failli courir vers toi, j'ai failli crier vers toi
C'est à peine si j'ai pu me retenir!!!
Que c'est loin où tu t'en vas ..Que c'est loin où tu t'en vas
Auras-tu jamais le temps de revenir?
J'ai pensé qu'il valait mieux nous quitter sans un adieu
Mais je sens que maintenant tout est fini....
Et j'entends le train.....Et j'entends siffler ce train
J'entendrai siffler ce train toute ma vie............Toute ma vie.
En fouillant le site du lycée Technique (Lycée Hassan II actluel), Azor a découvert une tranche de son enfance, avec tout un monde qui la composait. Entre autres, il a fait connaissance avec un site qui se doit d'être un haut lieu des israëlites de Marrakech des années 60 (La ville d'Ashdod = Marrakech en Israël). En voici un extrait écrit par un visiteur du site, Monsieur Ohayon Raphaël. Il y loue Marrakech, sa ville natale, le Maroc des années 60 où toutes les confessions confondues vivaient en harmonie. Il dit généreusement ceci : "Je soussigné, Raphaël Ohayon, autorise toute publication de ce texte, susceptible d'être profitable à ma ville natale :

MARRAKECH À L'HEURE DU Thé :
Si, chez les Anglais est toujours sacrée l'heure du thé
Au Maroc, celui-ci, offert, est une marque d'hospitalité.
Que toute personne arrivant s'empresse d'accepter
Sans jamais ressentir ou exprimer de contrariété
À toute heure, chez soi et partout, il y en a à volonté
Si vous êtes de passage ou inconnu, il y en a à votre portée
Matin, midi ou soir, pour les enfants, c'est la gaieté
Accompagné de pâtisserie ou de beignets, dont ils sont gâtés
Jamais rassasiés de l'amour de Dieu, des parents et celui du thé
Loin de l'alcool et de ses méfaits, on peut en boire à satiété
Autour d'un beau plateau on se détend en se servant sans s'agiter
Quelque soit le niveau de ses moyens, on n'en souffre pas de rareté
Pendant que l'eau chante dans la bouilloire
.......Laissons la bouilloire chanter patiemment, en attendant de retrouver le reste du texte, ainsi que la participation d'Azor avec un petit texte dédié à la ville de Marrakech qui a couvé son adolescence, un écrit sur le site de la ville d'Ashdod, la ville des israëlites Marrakchis.
Bonsoir ou plutôt bonjour (Il est 5 h 20 à Tanger), chers lecteurs et lectrices d'Azor
Le site parle beaucoup de Marrakech, du Maroc qu'il sublime. Bonne publicité, simple, sans détour de la part des enfants du pays qui n'oublient pas, et gardent vivace dans leur mémoire le Maroc où ils sont nés et grandis pour la plupart.
Voici l'extrait de l'intervention d'Azor sur le site "Ashdod=Marrakech" :
Coïncidence ou similitude? Ashdod, Aderj, Agadir, Ajdir, Amalou, et bien d'autres noms berbères. Ils commencent tous par A, le A désignant le genre masculin; le T, désignant le nom féminin (Tichnchlt, Tagounit, Tamazirt, et d'autres), chez nous autres les berbères. Oui, il y a quelque part un peu le destin qui s'y est mêlé, sans conteste. Bonjour à ASHDOD, et à ses enfants Marrakchis.

Qui se souvient du petit maché?
Gamin, 12, jusqu'à 15 ans en 62, j'habitais la base aérienne de Marrakech chez mon oncle, adjudant alors. Il y avait un petit marché, non loin de l'hôpital militaire nommé "CMC", et de la base aérienne. J'allais chez Amar et Azar, épiciers juifs, si je me rappelle bien leurs noms, pour faire quelques courses pour mon oncle. On habitait en 1962 un chalet en bois qui appartenait à la base aérienne, juste à l'entrée de celle-ci, non loin du petit marché. Les magasins, épiceries pour la plupart, étaient des constructions circulaires en béton, copiées sur les cases africaines. Ils étaient tenues pour la plupart par des israélites Marrakchis, commerçants avertis pour l'époque. Il y avait alors le colonel Patin qui commandait la base dite 707, qui avait pris le nom de Base Groupement Ecoles des Forces Royales Air; après qu'il ait passé les consignes au lieutenant Boutaleb Abdellatif, les militaires français devant alors rentrer en France. Où sont-ils aujourd'hui ces israélites qui maîtrisaient leur affaire, et qui avaient le don de s'adresser à chacun de leurs clients dans leur langue et selon leur personnalité?
Le Maroc a beaucoup perdu en vous laissant partir. Vous étiez une fourmilière active et génératrice de richesses culturelle, économique et sociale pour le pays. Des gens industrieux et travailleurs. Beaucoup de tact de bons commerçants. Si quelqu'un possède des photos de ces huttes-magasins, il sera bien gentil de m'envoyer quelques unes, ça me fera plaisir; j'en parlerai dans mon blog que voici : http://www.petitberbere.blogspot.com/
Actuellement, je suis un retraité des Forces Royales Air Marocaines qui ont pris la relève des Forces Aériennes Françaises au Maroc, les années 58-60, dont faisait partie la base aérienne 707 de Marrakech. Retraité en tant que Lt-colonel , je vis à Tanger où je tiens une agence immobilière que j'ai appelé le manoir. Mes coordonnées :
-Site professionnelle : http://www.lemanoirimmo.blogspot.com/
-Site personnel : http://www.petitberbere.blogspot.com/ (Chroniques d'un petit berbère d'El Aderj)
Mes respects aux israélites Marrakchis particulièrement et à tous ceux du Maroc, leur pays qu'ils ont toujours épaulé et aidé dans l'affaire du Sahara Marocain, et bien d'autres affaires nationales.
N'OUBLIEZ PAS VOTRE PAYS DE NAISSANCE ET D'ADOPTION! Il vous le rendra sûrement de nouveau un jour. Dans mon bled berbère de l'Atlas, El Aderj, région de Sefrou, on avait je me rappelle à 8, 10 ans d'âge, trois juifs qui venaient à dos de mulet ou de cheval de trait pour commercer avec les berbères. Les mulets portaient un "CHOUARI", sorte de sacoche à 2 poches, en palmier nain, qui contenait jusqu'à 600 kilos de marchandises diverses. "Un supermarché ambulant" en quelque sorte. Ils venaient les échanger contre de l'argent, rare à l'époque; contre de la laine, des oeufs, des olives, du blé, des tapis, des vieilles frippes, et autres. Leur marchandise consistait en élastiques, aiguilles, mercerie, peignes, bombons, Tahricha (Mélange de raisins secs et pois-chiches) dont les petits berbères qu'on était raffolaient. L'échange n'était sûrement pas équitable, mais il était là et chacun y trouvait son compte. Le "Aattar", commerçant ambulant juif, ne pouvait jamais repartir en ville "Sefrou", sans avoir déjeuné ou passé la nuit dans une maison berbère, ou dans le moulin à olives, où les familles lui amenaient des plats de toutes sortes pour son diner. Ce fut merveilleux et sincère.
Les noms de ces Aattaras, qui amenaient non seulement la marchandise de la ville, mais aussi leur savoir-faire dans l'Atlas berbère se nommaient Binhas, Brdaai, ...Je ne me rappelle pas de tous les noms. Ils fabriquaient des sandales en lanières de cuir et en pneu Michelin comme semelle, sur mesure pour la population, des selles "Lbrdâa", en toile de chèvre et fétus de céréales "Labroumi" pour les mulets. Il fabriquait également des matelas en "Alfa", peu confortables, mais il n'y avait pas mieux à l'époque. Oui! Ils avaient contribué à rendre service et à introduire certains métiers dans l'atlas dans des conditions difficiles et pénibles. Beaucoup de mérite à ces pèlerins de nulle part, qui avaient su s'imposer et s'incruster dans le paysage berbère de l'Atlas qui les avait adoptés et protégés longtemps. Ils seraient sûrement là encore de nos jours, si des évènements douloureux qui dépassaient les deux communautés ne s'étaient pas produits à une certaine époque.
Israélites Marrakchis, Fassis, Ouazzanis, berbères, et autres communautés bien marocaines! N'oubliez pas votre pays de naissance et d'adoption! Votre pays, le Maroc souffre actuellement le calvaire algérien. Les pétrodollars algériens se dépensent par milliards pour nuire et porter atteinte à votre pays, et surtout à notre monarchie Alaouite qui vous a couvée de tout temps. N'oubliez pas! Souvenez-vous! Vous êtes une partie de nous autres marocains! Une contribution de votre part, publicitaire, soit-elle, pécuniaire, un renseignement utile qui peut épargner la douleur à vos frères marocains, nous encouragera sûrement à renouer avec ce passé de cohabitation et de sérénité qui avait prévalu pendant des siècles dans ce beau pays, le votre aussi.
AIMONS CE PAYS SECULAIRE! IL NOUS A BEAUCOUP DONNES!
Merci à nos aïeuls qui nous ont légué un territoire immense du nord au sud, d'est en ouest, le pays des 3 Atlas, du Sahara, et des deux eaux (L'Atlantique et la Méditerranée), que je nomme la Californie de l'Afrique. Merci aux conquérants de l'Andalousie, du sub-Sahara, et de la Lybie au temps des ALMOHADES. Vos aïeuls y ont sûrement contribué. Merci au Webmaster qui est entrain de faire un travail magnifique et bénéfique pour le pays.
Azor, le petit berbère. Bonne chance à votre site "Ashdod = Marrakech".
Concernant le meeting des anciens du lycée Technique et commercial, l'actuel Hassan II de Marrakech qui aura lieu en mai 2010, Azor y sera sûrement en tant qu'ancien du lycée pour voir un peu comment chacun de nous a sû prendre quelques rides, et parler de nos profs qui nous ont beaucoup donnés.
Merci à tous ceux qui font rejaillir en nous l'étincelle de ces belles années de notre enfance, celle des années 60 à Marrakech la rouge.
Ci-dessous, une réaction à vif, mais raisonnée de JJ, lecteur du site Ashdod= Marrakech :
On n'oublie rien Non, Saïd, je ne me souviens plus très bien..mais à vous lire..des huttes..ça me dit bien quelque chose. Quoiqu'il en soit, votre belle longue intervention a entre autre le mérite d'appeler les gens par leur nom et de leur restituer nos histoires respectives là-bas dans un contexte "d'avant". L'Histoire dont le cours a autant bousculé nos destins à tous.. et séparé.. et déplacé.. et égaré.. Sans pitié! Qu'on reste songeur, vaguement rêveur au souvenir d'une harmonie pareille : pas parfaite, non, mais..humaine et vivante et viable. Aujourd'hui, finalement une seule chose : Nous restons tous à peu près en mesure de savoir que cela a pu exister.
SOUVENIRS!
Bonjour Michel, J'ose publier sur ton site, avec l'autorisation de Francine, cette correspondance qu'on a engagée grâce à ton aimable liaison. Voici texto, ce que j'ai écrit à Francine, en espérant que d'autres intervenants qui avaient vécu ces années 60 à la base aérienne 707, puissent se joindre à nous pour remuer ensemble ces cendres encore chaudes et vivantes en nous quelque part.
Bonjour Francine! Je préfère t'appeler FRANCE.
Oui France! On a dû sûrement prendre ensemble le bus à partir de la base aérienne 707 de l'époque, pour aller à l'école. Oui, le fameux car CHAUSSON vert qui desservait les écoles primaires et lycées des années 62. En lisant ton courrier, je te tutoie, car à notre âge, on ne se vouvoyait pas. Je suis entrain d'écouter la chanson de Richard Antony "Siffler le train"....Et j'entends siffler le train....Que c'est triste un train qui siffler dans le noir....Que c'est loin où tu t'en vas! Auras-tu le temps de revenir.....Mais je sens que maintenant tout est fini....J'ai pensé qu'il valait mieux nous quitter sans un adieu....Oui ce train dans cette gare à la façade rouge des années 60, où le petit Azor, valise Caravelle bleue à la main, embarquait pour des voyages et des vacances estivales de trois mois interminables.
Francine! Dans le car, je me mettais souvent sur le banc d'en face, de l'autre côté du couloir, pour regarder et admirer une certaine Chantal, que j'aimais innocemment. Je ne cessais pas de la regarder, mais je n'avais jamais osé l'aborder, ou lui parler....On se disait bonjour, et c'était bien suffisant. Je me contentai de la regarder, et j'attendais toujours impatiemment ces moments précieux où on embarquait à bord du car Chausson, en sortant de l'école ou en y allant.... Je la sublimai ma Chantal, avec sa jupe plissée, ses bottillons et sa queue de cheval, à la mode à l'époque.
Elle habitait non loin du château d'eau, à 200 mètres de la villa où j'habitais chez mon oncle. Il y avait un abricotier dans sa villa dont je me rappelle bien. Je guettais sa sortie, tout en regardant avidement ces abricots rougeâtres, gorgés de soleil de Marrakech. As-tu une idée de qui il s'agissait? Je ne connaissais pas son nom de famille. Il ne devait pas y avoir à la base ces temps-ci 2 chantals. Il y avait une, et c'était ma Chantal, celle de mes souvenirs de gamin de 12 ans.
Oui Francine, beaucoup de souvenirs qui nous ont marqués à jamais, et c'est tant mieux! Il vaut mieux en avoir que d'ignorer son passé. Dans mon blog, je parle d'un grand écrivain français que j'avais rencontré à Tanger l'année dernière, au salon du livre de Tanger. Il s'appelle Pierre-Marie Beaude. Il aime le Maroc, les espaces sahariens, la compagne. On est devenu amis. Il m'a offert quelques livres à lui que Gallimard m'avait envoyés par poste. Entre autres, il parlait dans son livre "LEILA, LES JOURS". Voici un passage de mon blog où je parle de lui :"Un geste de gratitude à mon ami Pierre-Marie Beaude, grand écrivain, spécialiste du judaïsme ancien et des origines du christianisme. Il a visité le Maroc à plusieurs reprises. Ses romans reflètent bien sa passion pour les grands espaces et sa connaissance des cultures anciennes.
Merci pour la rencontre pendant le salon du livre de Tanger, et pour tes ouvrages que tu m'as envoyés. Merci à notre ami commun, le grand écrivain Ammi Mustapha qui nous a fait rencontrer à Tanger. Je suis entrain de lire "Leïla, les jours", c'est merveilleux et captivant. Tu traites d'un destin poignant et pathétique d'un de tes personnages que tu manipules et défends merveilleusement à travers la langue de Dumas; il aurait pu être le petit Azor. Tu rejoins quelque part le thème de mon blog. Oui, je me suis retrouvé dans certains passages de ton ouvrage, ceux qui traitent du souvenir, nos souvenirs à chacun, sans lesquels notre existence aurait éphémère
Je cite :
"Je veux dire, des souvenirs qu'on a dans la tête, qu'on n'arrive pas à effacer. Et aussi ceux qu'on a perdus et qu'on aimerait bien retrouver. Elle a souri encore :
-Revenez demain, je crois que je vous trouverai ça
Le lendemain, elle m'a remis trois livres, j'ai dit merci
Le livre que je lisais à Tineguine, c'était celui des dunes, du ciel, des chèvres, des lézards, et des oiseaux quand je prêtais mes yeux à Leïla.
Je suis parti dans un coin de la bibliothèque et je me suis assis à une table. J'ai pensé à Leïla. Il m'aurait fallu à moi aussi des lunettes magiques ou des yeux capables de me faire voir les premières années de ma vie, le visage de mon père, de ma mère, mais rien, il n'y a pas d'yeux magiques pour ces choses-là".

Les balades d'Azor à Marrakech les années 60 :
La ville de Marrakech ces années se limitait à la Médina et le guéliz, ville nouvelle. Elle était agréable à vivre. Très peu de voitures, moins de motos (Le solex en était la vedette), et beaucoup de vélos. Ce moyen de locomotion à la portée de beaucoup de Marrakchis, était le préféré d'Azor, la ville étant plate. Azor et ses copains de la base, enfants de militaires, faisaient clan. Ils partaient souvent à vélo dans la médina qu'ils exploraient. Leur jeu préféré, c'était de rentrer dans les ruelles jusqu'à ce qu'ils se retrouvassent face à un mur, quand la ruelle était sans issue. Il fallait alors retourner et chercher une sortie. Visiter la place Jamâa El Fna était un plaisir suprême. Azor aimait trois animateurs autour desquels s'attroupaient les curieux.
Le solex, le must des années 60 et le préféré des dandies de Marrakech. Azor en achètera un en 1971 sur le premier salaire d'élève-officier de 3éme année de l'Ecole Royale de l'Air à Marrakech. Une revanche sur ses années d'adolescent quand il rêvait de ces objets de luxe. Toutefois s'il arrive à retrouver le clan de la base de ses 14 ans, il est prêt à refaire avec eux le coup de la calèche. Certain! il en est encore capable. Rouler gratis pour rentrer de Jamaâ El Fna à la base via la ménara.

-1 Deux vieux hommes qui élevaient des oiseaux, expliquaient l'origine de chaque oiseau, la signification de ses gazouillis, et comment il a acquis son répertoire . Le plus vieux posait des questions à haute voix, et son collègue donnait les explications convaincantes. Voici une séquence de leurs dialogues...Inoubliables! :
*"Tiflillst", L'hirondelle est d'où? *C'est une Chrifa, elle est venue de la mecque. Il ne faut pas la chasser. Elle est utile et sainte!
*"Zzaouj", Le moineau? il est d'où? *Il est de Mssioua. Il est bruyant comme eux. En effet les mssiouas, tribus de la région de Marrakech, quand ils chantent, ils émettent des cris stridents. Leurs chants pour la majorité ont des origines guerrières.

Une autre "Hlqa", un plateau de divertissement qu'Azor aimait, c'était le ring de boxe. Un vieil homme avait 4 gants de boxe. Les jeunes s'y défiaient, en payant 1 dirham à l'époque. Les copains d'Azor, cotisaient 25 centimes chacun pour qu'il puisse rentrer sur le ring et défendre les couleurs de la base. Oui Azor, le bagarreur n'hésitait pas. Il rentrait assurance ou pas, sachant adulte plus tard que l'animateur ne devait sûrement pas en avoir contracté pour protéger les jeunes. Azor cassait la gueule de l'adversaire ou se la faisait casser sans regret aucun. 
À l'issue du match, Azor et ses copains achetaient chacun un quart de pain avec 2 saucisses et plein de sauce piquante à 20 centimes s'il gagnait sur le ring. Ils repartaient récupérer leurs vélos chez le gardien qu'ils payaient 10 centimes le vélo, et rentraient à la base aérienne à travers l'avenue Bab Jdid, et l'oliveraie de la Ménara. L'insouciance totale de l'enfance. N'était-ce pas le bonheur?
Des fois, le clan des quatre partait à pied, en faisant le mur de la base, via l'oliveraie de la ménara, limitrophe de la base aérienne, pour raccourcir le chemin qui menait à la médina (Azor, Boujemâa Azzouzi, Mohamed Houari, dit Frikich, Abdesslam, dit Esshhar, le sorcier). Ces fois-ci, après une séance de cinéma à "Mabrouka, Eden, ou Ghazala", les compères à court d'argent louaient un "Koutchi", calèche traditionnelle de Marrakech, le moyen de transport du peuple, le moins cher à l'époque, et accessible à tout le monde. (30 centimes chacun pour aller à la base à partir de Jamâa El Fna). Arrivés à l'oliveraie de la Ménara, ils se donnaient le mot d'ordre suivant : "FRTH, FRTH", ce qui veut dire TAILLE-TOI! Ils sautaient calèche en marche et s'égaillaient dans l'oliveraie de la ménara, laissant le pauvre cocher indécis et rageant. Devait-il abandonner son attelage et poursuivre les garnements ou juste laisser tomber? Il devait sûrement finir par dire impuissant : "Rabbi ikhllsni", qui veut dire "Dieu me paiera", et s'en retournait chercher d'autres clients moins espiègles. Les garnements manoeuvraient chacun de son côté pour ne pas se faire attraper, et faisaient le mur de la base pour se retrouver plus tard à côté du château d'eau désaffecté, leur point de ralliement quotidien. Ils grimperont dans la cuve, leur cache insoupçonnée, et commenteront les péripéties de la journée. Ils devaient s'en sortir coûte que coûte ces années-là. La débrouille était de rigueur. L'ennui et la privation ne devaient en aucun cas constituer leur pain quotidien.
Calèche et porteurs d'eau à la Place Jamaa El Fna à Marrakech

Repartons un moment à El Aderj, en compagnie d'Azor pour évoquer certaines scènes champêtres de ses années d'adolescence pendant les vacances estivales.

Chapitre XXVI : "DOUALT", ou l'esprit communautaire des berbères d'El Aderj.
Le père d'Azor, épicier, et ancien militaire qu'il était, n'avait jamais abandonné sa vocation de paysan et de campagnard qu'il avait héritée de ses parents. Il cultivait ses champs, élevait son cheptel de chèvres, vaches et boeufs, un apport matériel supplémentaire et valorisant dans le pays.
Le troupeau de chèvres, il le confiait à un jeune du pays qui faisait office de berger. Un accord au préalable était établi avec les parents, souvent moins nantis, pour fixer sa rémunération. Le jeune, 14 à 15 ans en général, devait être apte à amener le troupeau tous les jours très tôt le matin dans les pâturages montagneux, riches en herbes aromatiques et nourrissantes, jusqu'au coucher du soleil. Le contrat oral, parole de berbères entre eux, suffisait largement à l'époque; Le contrat stipulait en général, à ce que les parents reçoivent le cinquième des naissances des chevreaux, et de nourrir le berger le matin, et le soir à son retour, avant qu'il ne rejoigne son domicile.
En sus, le père Ahmed n'épargnait rien de sa générosité pour pourvoir la famille en denrées alimentaires de l'épicerie qui pesaient lourd dans le budget des familles pauvres du pays (Sucre en pins, thé, pétrole des lampes à éclairer, épices, savon de Marseille, cahiers, et fournitures scolaires pour les enfants qui avaient la chance d'aller à l'école; le frère aîné, sacrifié en berger, leur assurant ainsi une vie meilleure.)
Berger berbère aux petits soins avec un nouveau-né. Il attrapera sa mère qui reste à proximité de son petit, abandonnant son pâturage. Il traira son lait dans sa calebasse, et nourrira son protégé. Un geste protecteur et humain, dénué de tout intérêt, même si dans ce bout de chou, il possède désormais un cinquième lui revenant en tant que rémunération de son travail. Le contact avec les bêtes à longueur de journées, dépasse ces considérations mercantiles. Il connait les mamans et leurs congénères à qui il donne des noms bien spécifiques, les pères géniteurs, leurs petites habitudes et leurs caprices. (Il tient régulièrement à jour l'état civil de ses administrés, sans papier aucun. Quand il appellera par son nom une chèvre, elle comprendra, et se mettra dans le droit chemin, si des fois, elle aurait essayé de faire fausse compagnie à la troupe. Incroyable, mais à force de les appeler par leurs noms, la consonance de sa voix devient un leit motiv à qui chaque chèvre réagira selon les circonstances, et obéira à l'ordre.).....Il fait partie de la famille du môme, le nouveau-né, ayant été son gynécologue. De belles scènes champêtres qui créent des relations intimes entre l'homme tout cru et primitif, et les animaux dont il a la charge de garder et protéger.
Les boeufs et les vaches, moins nombreux, devaient également être conduits sous la surveillance d'un vacher qui devrait être rémunéré. Le coût en serait élevé. Pour remédier à ce problème, les familles du village avaient instauré un genre de coopérative, pour partager les tâches et se soulager de la charge quotidienne qu'était le fait de faire garder par un membre de la famille, ou un berger payé une ou deux vaches. Ainsi, chaque matin, chaque famille amenait son bétail sur une aire du village, où tout le troupeau qui atteignait des fois jusqu'à la quarantaine de têtes. Ils les confiaient à tour de rôle à un vacher de service du jour que chaque famille devait fournir. Un de leurs enfants, un vacher qu'ils payent, et des fois, c'était le père de famille qui assurait cette tâche. Le nombre de jours de garde à assurer est équivalent au nombre de têtes que possède la famille. La méthode avait le mérite de soulager les familles pour leur épargner un temps précieux où elles pouvaient vaquer à leur tâche quotidiennes sur les champs qui sont plus payantes.
Azor, à 13-14 ans avait eu droit à tour de rôle avec ses frères à être vacher de circonstance pour aider le père Ahmed à entretenir ses 4 vaches qui leur fournissaient du bon lait et des veaux, qui, vendus, amélioraient leur quotidien de petits berbères. Il vous en dira un peu plus sur sa journée dans les alpages d'El Aderj, en compagnie des vaches qui s'affolaient de temps en temps quand il faisait chaud (Tikouk en sus, un insecte qui les piquait sur la partie génitale, en était une cause supplémentaire). D'autres fois, leur humeur de vache, leur prenait d'aller rejoindre leur veau laissé à la maison à une dizaine de kilomètres plus bas. D'autres fois, tenaillées par la soif, l'envie leur prenait d'aller chercher une gorgée d'eau dans la source plus bas dans la vallée.....Il fallait remettre de l'ordre parmi ces femelles affolées. Azor en pâtissait, mais quel bonheur quand au coucher du soleil, en short et sandales, la mine fière, il ramenait la troupe au complet sur la place du village, où chaque famille récupérait ses rejetons de femelles pour la plupart. Azor vous en dira plus sur les combats des boeufs qui se disputaient la place de chef géniteur, combats meurtriers des fois qui perturbent la sérénité des paysages et de la compagne. MAGNIFIQUE toutefois.....C'est la vie à El Aderj tout simplement.
Chapitre XXVII : "Douaou", le fief du grand-père maternel d'Azor:
Le grand-père Benjoudar, avait un terrain nommé "DOUAOU", (Littéralement traduit, veut dire ils ont parlé. Il devait y avoir une raison pour nommer le site ainsi. Isolé, entouré de trois torrent, et de la rivière d'El Aderj, il devait faire à l'époque du grand père d'Azor, une citadelle à conquérir. D'après la grand-mère d'Azor Yamna, et sa maman Lkamla, le grand-père était un homme tenace, et indépendant. Il refusait de collaborer avec le Caïd du moment, collabo et inféodé aux autorités françaises, comme tous les caïds dans le maroc féodal des années 1912; Le colonel Lyautey essayait alors de soumettre le pays berbère insoumis des Atlas.)
Azor avait à cette époque 5-6 ans quand il avait commencé à prendre conscience de son statut de petit montagnard. Les oncles, le père, son frère aîné Moh, ses tantes, lui inculquaient les rudiments de la vie quotidienne à El Aderj. Azor n'a pas eu la chance de connaître son grand-père maternel nommé BENJOUDAR BOUDHIM. Sa grand-mère maternelle lui racontait ses exploits luttant contre l'ennemi du moment dans les montagnes d'El Aderj. La grotte de Douaou, était le lieu préféré des grands mères Yamna et Hlima, des filles Benjoudar, dont LKAMLA, mère d'Azor faisait partie. Elles étaient quatre, toutes mariées sauf la tante LHAJJA MAMMA qui était non voyante. Elles commémoraient régulièrement le cérémonial que le grand-père Boudhim leur faisait subir après que les hostilités aient cessées. Les maris, dont faisait partie le père d'Azor y allaient pour 2, voire 3 jours de séjour avec les enfants. Azor était aux anges, car il retrouvait tous ses petits cousins et cousines maternels (Moh, Haddou, Omar, Hssaïn.). Les tentes cuisinaient des bons mets dont les "Sfenj", beignets à base de farine de blé tendre que les enfants adoraient. Elles puisaient l'eau dans la source non loin dans la rivière, lavaient le linge de la semaine, cueillaient le raisin et les figues qu'elles faisaient sécher au soleil pour constituer les provisions de l'hiver.
Azor et ses cousins jouaient dans les vergers à "Tnoufrt", cache-cache, grimpaient aux arbres pour cueilleir les figues et les grappes de raisin gorgées de soleil. Le bonheur toute la journée. La nuit venue, tout le monde se retrouvait dans la grotte, à la lueur des chandelles "Le Kendil" qui éclairaient d'une lumière vascillante, mais rassurante la scène familiale des plus rupestres et sécurisantes. Azor, ses frères et cousins allongés sur les nattes en Halfa, sur les genous de leurs tantes ou pères, goutaient goûlement ces beaux moments inoubliables. Après le repas, ils écouteront les contes berbères, et demanderont aux tantes de leur raconter les exploits du grand-père Benjoudar, et du grand-père paternel Hammou Khallouk, morts dans la montagne de Tichnchlt, où ils avaient fait le BAROUD d'honneur pour bouster dehors l'occupant du moment.
Honneur à ces vaillants combattants qui avaient assuré et protégé la jeunesse d'Azor. Merci à vous BOUDHIM ET HAMMOU, mes protecteurs et héros inoubliables. Vous êtes restés mes héros, l'exemple du sacrifice et du patriotisme qu'Azor ne manquera jamais d'inculquer à sa descendance, enfants, neveux et compatriotes d'El Aderj. Vive le Maroc ancestral. Traqué par le caïd du moment, Ali ou Assou qui collaborait avec les français, le grand-père Benjoudar passait sa journée dans la montagne. Le soir, il revenait à DOUAOU, son terrain acquis et approprié de force à l'époque. Il y avait creusé une grotte où il se terrait, ses filles et son fils MOH, lui amenait les provisions et le soutien de la population dont il avait l'appui et la considération.
Dans la grotte, il avait creusé à même les parois, des niches pour le "KENDIL", lampe improvisée fabriquée à partir d'une verrine qu'il remplissait d'huile d'olive où il plongeait une mèche de tissu coupé dans une vieille tunique. Le principe était simple. La mèche de tissu s'imprégnait d'huile d'olive et une fois allumée, elle se consumait lentement toute la nuit, en dégageant une odeur légèrement grasse et âcre
DOUAOU, le fief fu grand-père d'Azor, Boudhim Benjoudar Lhoussaïn. Azor en fera plus tard son sanctuaire sacré qu'il visitera régulièrement.


La chanson qui rappelle à Azor sa jeunesse à Douaou, c'est la sœur d'un groupe de frères américains appelés THE CARPENTERS, aussi décédée prématurément qui la chante. Elle s'appelle "A song for you". Voici le passage qu'Azor affectionne, et qu'il n'a de cesse d'écouter et réécouter :
"You taught me fresh secrets of a truth with holding nothing...
But now i'm so much better...I'll love you all my life, you are a friend of mine. And when my life is over, remember when we where together. We were alone and i was singing a song for you..." Une chanson très affectueuse et rassurante.
Karen Carpenter décédera prématurèment jeune en 83 suite à un problème cardiaque. Elle aura toutefois annoncé sa mort proche en chantant : "And when my life is over, remember when we were together..." Azor didn't forget you so far KAY. He loves you.

CHAPITRE XXVIII : Azor séduit par une ROUMIA* (Fiction, devenue réalité quand Azor épousera Marie-Louise)
*Roumia dans le dialecte marocain désigne une européenne. Probablement faisant allusion aux romains qui ont conquis un moment l'Afrique du nord, dont le nord du Maroc.

Azor, un homme fier, intelligent et intrépide parcourait ses terres à cheval. Il les faisait prospérer et agrandir en gagnant du terrain sur la forêt avoisinante qu'il débroussaillait sans cesse. La besogne ne lui faisait pas peur.
Une partie de ses terres était couverte de vigne, des cépages locaux, l'autre d'arbres fruitiers et d'oliviers. Il était attentif et prenait soin de ses plantations. Il veillait jalousement sur son patrimoine et n'avait pas pris d'épouse alors. C'était un jouisseur de la vie. Il pressait ses olives pour en faire une huile vierge et bio, pressait également ses raisins et en sortait un jus divin et inégalable en qualité. Il passait des soirées en solitaire à s'en enivrer et à folâtrer avec les jeunes berbères de son village . Chacune rêvait de se faire épouser et devenir sa favorite.
Hélas! il était amoureux d'une Roumia, la fille du capitaine français, chargé des affaires indigènes du poste d'El Aderj. Il la voyait souvent monter aux sources de la montagne nommée El Bouk. Elle y allait à cheval, accompagnée d'un légionnaire et du garde forestier. Azor en était amoureux sans le savoir; il guettait ses passages quasi quotidiens pour s'énivrer de sa beauté. La Roumia s'en était bien rendu compte évidemment.
À l'approche du fief d'Azor, elle se mettait bien en selle, raide et fière. Elle tournait la tête du côté des domaines d'Azor tel un colonel défilant sur son char devant la tribune du chef suprême des Armées.
La femme et le cheval
Elle savait qu'il est là à guetter son passage. Un beau spécimen cette fille; une chevelure blonde, frisée et bien fournie, une poitrine pointant vers les montagnes d'El Aderj tout en les défiant, des cuisses fuselées. Un visage frais et rosi par l'air froid et vivifiant de la montagne. La femme idéale, la petite aristo se disait Azor. Elle peut être un bon parti. Il devrait prendre des risques pour conquérir son coeur et en faire sa femme ou du moins sa compagne. Mais......Qu'en dira le capitaine qui veille jalousement sur sa fille, sa fille unique?

Consciente de son béguin pour la Roumia, sa tante Mamma qui venait de temps en temps faire le ménage chez lui, lui disait :
-Azor! Méfie-toi! Tu risques la prison mon fils, ne t'en mêle pas, elle n'est pas de ton clan; prends-toi une cousine comme épouse.
-Ne t'en fais pas ma tante, je saurai faire face dans toutes les circonstances, quitte à partir faire le maquis. Je ne me laisserai pas prendre par son père. Je connais la montagne dans tous ses recoins, et je pousserai la population à la fronde si les circonstances s'y prêtent.
-Tu es jeune Azor, tu es inconscient. Ton oncle, mon frère MOH, a été assassiné par le caïd et ses sbires qui servaient les français et qu'ils aidaient à mâter la population. Ils l'avaient attirés dans un guet-à-pens d'où il n'était jamais revenu. Tu lui ressembles tu sais. Les traits, la passion qu'il avait pour la vie, le goût du risque. Nous l'aimions. Ne te laisse pas prendre comme lui mon petit Azor. Nous t'aimons et avons besoin de toi tu sais
Azor n'avait cure de ces imprécations; ce sont des paroles d'une femme désabusée par le temps et son veuvage, il ira plus loin pour défier sa tante.
Pour s'approcher d'Hélène, Azor décida un jour d'offrir une outre de son bon cru et une autre d'huile d'olive au capitaine. Il prit son cheval et s'en alla au domicile de celui-ci. Le garde, fusil à l'épaule s'est mis sur son chemin en le voyant venir. Il l'arrêta à bonne distance et lui somma de mettre pied à terre. Ce que fit Azor qui n'était pas armé pour la circonstance. Il faut dire que les populations étaient excédées par le comportement du Caïd à la solde de l'occupant, et les consignes du capitaine étaient dures quant à recevoir des visiteurs locaux. Des rumeurs couraient qu'il y avait des préparatifs pour prendre le maquis et organiser la résistance contre l'ordre établi. Azor ne portait pas son fusil, la visite étant celle d'un amoureux, souhaitant rencontrer Hélène.
Cavalier berbère
-Que viens-tu faire ici Azor? lui dit le garde
-Je viens offrir au capitaine un peu de vin et d'huile d'olive de ma propre production. Votre chef aime les bons crus.
-Bougez pas je m'en vais de ce pas vous annoncer
Quelques minutes plus tard, le capitaine sortit de l'enceinte du jardin pour voir ce garçon généreux et téméraire dont il avait déjà entendu parler. Il était habillé en tenue de combat et arborait une casquette couleur Kaki. Un visage rond et jovial, une moustache bien fournie, un peu bedonnant, mais robuste gaillard.
-Bonjour Azor. Tu parles un peu français?
-Oui mon capitaine; j'avais appris à l'école. Madame HUIT était mon institutrice. J'avais arrêté mes études au certificat d'études primaires, je ne pouvais aller en ville et laisser mon père s'occuper des terres tout seul à l'époque.
Les deux outres pendaient aux épaules d'Azor, et le capitaine s’aperçût qu'il devait y avoir au moins vingt litres dans chaque outre, tellement Azor peinait à les porter.
-Tu es généreux Azor, mais il ne fallait pas te déranger. Tu dois garder tes vivres pour toi afin de passer l'hiver qui s'annonce rude cette année.
-Je voulais vous faire plaisir et partager avec vous ces bons crus; j'avais appris que vous en      êtiez friand.
-Vrai Azor. Alors dans ce cas tu rentres en hôte respecté, je t'offrirai un verre.
-Avec plaisir mon capitaine, mais je ne veux nullement déranger votre famille.
-C'est un ordre Azor! Tu viens trinquer avec moi et tu partiras si tu ne veux pas rester déjeuner et goûter à la cuisine des Roumis qui ne doit pas être du goût de vous autres berbères.
-Dans ce cas je reste puisque vous insistez mon capitaine.
Un mur haut de 3 mètres entourait la maison. À l'intérieur, un jardin luxuriant, garni d'arbres centenaires, des pelouses séparées par des allées en carreaux. Au fond une treille qui couvrait une terrasse où Azor avait aperçu Hélène et sa maman.
Ils étaient à table et jouaient aux cartes en sirotant une tisane. Hélène était écarlate et son visage exprimait une joie infinie en voyant Azor de si près, et chez elle en sus.
Femmes sur la terrasse  (Matisse à Tanger)
Quel culot elle devait se dire! Qu'est-il venu chercher? A-t-il des problèmes avec l'autorité? Est-ce une convocation chez le capitaine? Son étonnement et les questions qui se bousculaient dans sa tête, ainsi que son inquiétude ont vite laissé place à la joie quand son père dit à sa femme :
-Chérie! Azor nous a fait l'honneur d'une visite de courtoisie pour nous offrir quelques produits de terroir de sa réserve personnelle. C'est généreux de sa part, et c'est un signe de sympathie pour notre famille.
Il fit les présentations, et Azor serra enfin la main d’Hélène tremblante et heureuse.
Pour le remercier dit le capitaine, servons-lui un apéritif, et nous le retiendrons pour déjeuner avec nous par la suite.
-Oui papa s'écria Hélène! Que dois-je vous servir? s'empressa-t-elle de dire
-Du pastis ma chérie répondit le capitaine
Ils invitèrent Azor à s'asseoir à l'ombre de la treille et Madame la capitaine se retira pour aller préparer le repas, laissant les deux hommes tête-à-tête. Hélène reparut alors tenant un plateau sur lequel trônait une bouteille de liqueur claire qu'Azor ignorait, des verres différents du "Kas Hayati" qu'il utilisait pour boire son vin, et un petit seau en argent. Hélène paraissait heureuse et faisait des clins d'oeil de complicité à Azor.
-C'est du pastis Azor lui lança-t-elle. Il se boit avec des glaçons et de l'eau. Il blanchit au contact de l'eau; ça ne vaut pas votre vin, mais il est bon d'essayer autre chose. Il vient du midi de la France, ça veut dire du sud où il fait chaud. Il désaltère et donne de l'appétit pour bien manger après. On appelle ces verres avant les repas en France, les apéritifs.
-Merci Mademoiselle Hélène, j'en goûterai, mais ne m'en mettez pas de trop; deux doigts je vous en prie.
Elle fit fi de ses recommandations, et en mit tout de même une bonne dose, de quoi égayer notre Azor afin qu'il puisse en redemander et rester à manger.
Heure de l'apéritif.
Le capitaine se servit lui-même, en servit une petite dose à sa fille et porta le toast à la santé d'Azor et d'El Aderj. Azor ne cessait de regarder Hélène qui était tout près, à la même table. Le capitaine, s'adressant alors à Azor, il lui dit :
-Il y a des rumeurs qui courent au sujet du caïd. Il parait que la population ne l'aime pas et qu'elle s'apprête à organiser une fronde contre lui et nous par conséquent.
-Oui ces rumeurs m'arrivent à moi également, mais je n'en suis pas sûr. Ce qu'il y a de sûr c'est que le caïd est un despote et ne cesse de multiplier les exactions. La population en est excédée.
Azor détourna la discussion pour ne pas tomber dans les confidences.
-Je vois souvent Hélène monter à cheval pour aller aux sources d'El Bouk. Elle monte bien vous savez. Elle passe non loin de mes terres. C'est un plaisir de voir comment une femme peut monter aussi bien.
-Merci Azor. En effet Hélène est une fille qui aime la nature et les sports. Hélas ici, elle n'a guère de distractions à part monter à cheval et faire des randonnées en compagnie du garde forestier et de Jean, mon planton. Elle n'a pas de copines avec qui sortir ou même jouer; les filles de chez vous ne parlent pas français et ne vont pas à l'école pour la majorité hélas.
-Je pourrai l'inviter avec votre permission à venir à la chasse traditionnelle au Sloughi  le temps clément ces jours-ci s'y prête bien. J'ai 5 sloughis (Les lévriers de race locale), et j'adore chasser sur mes terres et dans la forêt avoisinante. Il y a des lièvres, des renards et des chacals dont on essaye de diminuer le nombre, car néfastes à nos troupeaux de chèvres. Bonne cavalière qu'elle est, ça lui plairait sûrement. On pourra le faire demain. Vous pouvez vous joindre à nous et j'organiserai un méchoui chez moi en votre honneur.
-C'est gentil de ta part Azor et je trouve que c'est une bonne idée. S'adressant à Chantal:
-ça te plairait d'aller à une partie de chasse chérie? ça te changera de ton quotidien.
-Oh oui papa ça me tente. C'est un défi que vous me lancez Azor? On dit que vous êtes bon cavalier, mais je peux vous tenir tête.
-Je n'en doute pas mademoiselle, mais le chacal est si rusé et tenace. Est-ce que vous saurez le traquer pendant des heures durant dans les broussailles? Il faut être de bonne constitution mademoiselle
-Le défi est lancé monsieur Azor. Je brûle de voir demain arriver. Devrons-nous partir tôt?
-Non ce sera une fois le soleil bien levé, le temps de nourrir les chiens et les chevaux qui ne doivent pas pâtir du froid matinal.
-Dimanche prochain, ça vous arrange mademoiselle? Vos parents pourront nous rejoindre pour déjeuner ensemble.
-J'y serai aux premières heures monsieur Azor.
Elle semblait heureuse à la perspective d'une rencontre insolite avec Azor, partant ensemble à la chasse dans la forêt de thuyas et de chênes séculaires. Madame la capitaine apparut pour interrompre le dialogue à trois.
-À table tout le monde, le déjeuner est servi.
Ils passèrent derrière la maison sur une autre terrasse. Une table magnifiquement décorée était dressée pour la circonstance. Nappe blanche, assiettes de faïence, serviettes blanches coton, des fourchettes, des couteaux, des verres à vin en cristal. Une bouteille de vin majestueuse trônait sur la table. Azor lut l'étiquette; c'était écrit "Château Roslane, Les coteaux de l'Atlas". Un nom marocain se dit Azor, mais il n'osa pas poser de questions....
Une table bien française
Gérard Depardieu, amateur des bons vins et de la bonne table fait faire ses vins à Meknès, où il posséde un domaine, dans la région du Guerrouane, voisin du domaine du château Roslane. Il tient sûrement dans sa main un bon cru de Meknès. Excuse Azor s'il anticipe Gérard, même si tu bois à cette table un cru bordelais ou Bourguignon.
Azor s'est permis de publier cette photo sans ta permission. Il trouve qu'il n'y a pas mieux pour illustrer son texte en parlant de la table française que les bons épicuriens savent honorer.
HOMMAGE AUX SEIGNEURS DES VIGNOBLES ET DES CRUS DU MOYEN ATLAS; LES CONQUÉRANTS DES MARCHÉS INTERNATIONAUX (Chinois compris)
Le château Roslane, propriété des celliers de Meknès
Admirateur et respectueux de votre personne Monsieur Zniber, Président fondateur et propriétaire du groupe "Les Celliers de Meknès", Azor se permet de vous adresser ce message d'estime :
Des milliers de familles rurales des plateaux du Moyen Atlas vivent de vos activités monsieur le Président. Vous demeurez le mousquetaire marocain, conquérant des marchés européens, chinois, japonais et canadiens. Merci pour la revanche et le travail de fond que vous avez entrepris et continuez à entreprendre au Maroc. Vous avez replanté les vignobles d'antan de Meknès et région que les paysans locaux avaient arrachés pour leur substituer les céréales dans le Bour ; pratique simple, livrée aux aléas d'une météo capricieuse et dévastatrice souvent dans les cas de sécheresse. C'est la devise des paresseux qui jettent le grain sous terre, et attendent la bénédiction du ciel aux moindres frais.
Votre courage monsieur le président, c'est d'avoir bravé certaines traditions pour vous lancer dans le domaine si magnifique qu'est l'exploitation et la mise en valeur du Cep, ce noble arbuste méprisé par les paysans endoctrinés par certains courants qui veulent affamer le Maroc et freiner son développement. Vous avez et êtes entrain de corriger les erreurs d'une politique agricole des années 50 et 60. Elle se voulait alors citoyenne, afin de gagner l'estime de la population paysanne à qui on avait distribué les domaines récupérés; domaines qu'ils saccageront malheureusement par la suite.
Bien des vignobles, oliveraies, orangeraies et autres ont été arrachés pour leur substituer les céréales, sujettes aux aléas d'une pluviométrie pauvre et capricieuse dans le pays.
Vous aviez compris que la richesse du pays demeurait et demeure encore dans son sol. Notre pétrole nous n'avions pas à aller le puiser dans les entrailles de la terre, mais simplement l'exploiter en surface, tout en gardant l'équilibre écologique des plateaux de Meknès auxquels vous avez attribué à épargner les méfaits de la désertification et de l'érosion. Vous avez démontré que notre richesse inépuisable est bien la vigne bénie et favorisée par la bienveillance du soleil quasi présent sous nos cieux. Un soleil qui veille sur le Cep, l'enfant des coteaux de l'Atlas....Je ne dirai pas Azor, "Le cep, la racine" en berbère.
Votre humble adepte et celui des vins du château Roslane que mon voisin d'en face, Monsieur Laurent, votre Oenologue m'a fait découvrir, en me faisant visiter le château Roslane. Succès et longue vie à ce domaine féerique sous la bienveillance des montagnes ancestrales et immuables du Moyen Atlas, le pays d'Azor, le berbère.
Il se fait tard à cette heure-ci, et j'écoute les "Nass El Ghiouan". Le titre?
"Ma Ihammouni Ghir Rjal Ila Daaou"; Le pays vous doit beaucoup. Il aurait aimé compter parmi ses enfants une dizaine de votre étoffe; ça aurait suffi pour assurer sa sécurité et son épanouissement en créant des emplois directs et indirects dans les secteurs agricoles et touristiques. Une plus-value non des moindres pour le pays, le vôtre.
Vous êtes quelque part la continuité logique des Almohades, nos ancêtres conquérants et bagarreurs qui étaient allés au delà des frontières à la recherche du nouveau et des nouvelles ressources pour enrichir le pays et assurer sa quiétude et sa pérennité. Votre présence sur les marchés internationaux où la concurrence est sans pitié, symbolise bien l'esprit conquérant des maures, nos aïeuls.
Des jeunes qui ont souffert et payé de leur vie pour quelques uns, pour leur idéal. Ils demeurent de votre étoffe monsieur le Président, des militants pour le bien et la quiétude du Maroc ancestral. Ils se sont élevés à un niveau tel, si bien qu'ils sont devenus un mythe dans notre conscient populaire marocain. Ils disent ceci :
"L'irréparable, c'est la perte des hommes de ce pays; Si les murs s'écroulent, chacun reconstruira sa maison, les hommes de valeur ne ressuscitent pas."
Azor en compagnie de Mr. Laurent, oenologue au château Roslane, pendant la visite de la cave.
L’authenticité : Une cave magnifique. Décor bien marocain, style mauresque. Au fond, une fontaine faite avec du "ZELLIGE", et au sol le "BJMAT", carreau également artisanal marocain en grès. Elle concurrence bien des caves françaises de renommée mondiale.
Azor dégustant avec Laurent dégustant un bon cru : "La Perle du Sud", le nouveau must du château Roslane.
Un autre seigneur de l'Atlas, mousquetaire des vins destinés à l'export mérite également qu'Azor en parle. Il s'agit de Mr. Castel, mondialement connu pour la qualité de ses crus.
Les crus Boulaouane, le gris particulièrement, mérite sa réputation à travers le monde.
"Sur invitation de Mr. Moha Omari, le berbère, directeur du domaine Castel de Sbaa Aayoun, Azor a pu visiter le domaine. Il a appris que c'est sur invitation de Feu Sa Majesté Hassan II que les frères Castel sont venus s'implanter dans la région de Meknès. Ils ont amenés leur savoir faire, et ont fait bénéficier les vins marocains de leur réseau de distribution international.
Les respects d'Azor Monsieur Castel pour le travail que vous entreprenez dans la région. Vous entretenez les vignobles existants, vous ne cessez pas de replanter et de valoriser ces terres bénies de l'Atlas. Votre contribution à fixer une population rurale dans leurs villages, en leur procurant des emplois, mérite également d'être mentionnée. Vous soulagez sûrement quelque part la ville de Meknès, en lui épargnant le phénomène d'exode rural que vivent beaucoup de villes marocaines.
Domaine Castel dans la région de Meknès
Suite du dialogue interrompu:
Azor, habitué à une table ronde et aux banquettes marocaines, où il mangeait à la main directement dans le plat, était bien embarrassé. Il voulait tirer une chaise pour s'asseoir, mais le capitaine intervint et lui dit:
-Notre tradition veut que le maître de maison installe ses convives comme il le désire, ceci pour mettre côte à côte ceux qui s'entendent afin de créer un climat de convivialité à table.
Il mit Azor en face de lui, sa femme à son côté, et Hélène à côté d'Azor. Hélène était ainsi coude à coude avec Azor et pouvait ainsi lui parler en toute intimité. Le planton apparut en tenue de serveur et mit à table un saladier plein de verdure. Il amena ensuite un autre plat de charcuterie. Le petit berbère était gêné. Devrait-il manger à la main ou à la fourchette? Le capitaine servit un peu de salade à Azor, et gêné, il lui proposa du porc s'il en mangeait, sachant que c'est interdit par la religion musulmane.
-J'en goûterai mon capitaine. ça ne me dérange nullement, d'autant plus que je bois du vin; les deux étant interdits par ma religion.
Azor attendit pour voir comment ses hôtes vont utiliser leur arsenal de couteaux et fourchettes pour manger. Hélène, ayant remarqué sa gêne lui tendit la fourchette et le couteau et lui dit à l'oreille :
-Tu fais comme nous, ce n'est pas si difficile. Ne te gêne surtout pas. Nous aussi on a fini par apprendre à manger à la main chez le caïd quand il nous invite. Elle m'a tutoyée se dit Azor. Veinard! Il prit son couteau et sa fourchette et engloutît l'assiette de charcuterie. Salé, le jambon était succulent. Azor avait pris de l'assurance à manipuler ses armes pour se gaver. Le planton déboucha la bouteille cérémonieusement. Il en servit une goutte au capitaine qui dégusta le vin et annonça qu'il était excellent. Il prit la bouteille lui-même et voulut en servir à Azor qui lui dit :
-Une larmichette mon capitaine, je ne connais pas encore ce vin, la prudence est de rigueur.
Vin rouge Château Roslane label Aoc, produit dans la région de Meknès par les celliers de Meknès de Mr. Zniber.
-C'est un vin rouge marocain produit par les celliers de Meknès, dont le propriétaire est Mr. Zniber, un ami à moi. Il m'offre gracieusement quelques bouteilles à déguster. Un vin magnifique Azor; profites en, il est le produit du sol berbère des plateaux des Mjat et Boufkrane. Azor en goûta et le trouva souple et soyeux. Il se buvait de lui-même. Il en but une longue lampée en claquant sa langue dans un son infernal. Ses hôtes se regardaient en souriant, mais Azor n'en avait rien compris.
Le planton réapparut, desservit la table et ramena un plat garni d'un poulet baignant dans une sauce rougeâtre. Il ramena ensuite un autre plat de pommes de terre cuites à la vapeur. Madame la capitaine s'adressant alors à Azor lui dit:
-C'est un coq au vin que j'ai préparé moi-même Azor. Un chapon élevé au grain par Aassou notre jardinier. Le porc, c'est Monsieur Huit, fermier et instituteur qui habite à 25 kilomètres d'ici qui nous en envoie de temps en temps, il a une ferme à Zloul.
-Hélène, tu fais le service, lui dit sa mère!
Elle voulut servir une cuisse à Azor, mais il lui dit qu'il préférait une aile. Elle lui en donna deux, tellement elle voulait lui faire plaisir. En mangeant, Azor ne cessait de claquer sa langue, une façon pour signifier à ses hôtes que le repas était succulent. Une gêne qu'Azor avait remarquée semblait s'installer à table. Hélène se pencha alors sur lui, et murmura à son oreille :
-Dans une table française, il faut mâcher et boire sans faire de bruit. Il faut également éviter de roter, c'est mal vu.
Azor devait donc manger en silence; Hélène l'ayant dicté en plus. Un sacrifice, lui qui est habitué à manger et boire bruyamment en rotant de satisfaction pour remercier le bon dieu et son hôte de lui avoir offert tous ses biens sur cette terre.
Le repas fut succulent, englouti dans un silence absolu, d'autant plus que le capitaine semblait inquiet d'apparence; n'ayant pu faire parler Azor sur ce qui se passait sur son territoire. Ce territoire qu'il devait pacifier et en éduquer les populations berbères afin qu'elles apprennent la langue française et épousent le moule bien français auquel il croyait si fermement, vu l'endoctrinement dont lui-même avait fait l'objet auprès des services de propagande et de renseignements français de l'époque.
Le dessert, une tarte aux pommes locales sera servi dans le jardin sous la treille. Ils burent un café dans des petites tasses en porcelaine, et le capitaine prit congé en s'excusant. Azor en fit autant en remerciant ses hôtes si généreux, non sans avoir rappelé à Hélène leur rendez-vous pour la partie de chasse prochaine. Hélène lui fit la bise sur les deux joues et l'accompagna à la porte du jardin. Il prit son cheval et s'en alla au galop à bride abattue. Une ivresse indescriptible s'était emparée de lui; il était amoureux. Elle m'avait fait la bise se disait-il, à moi Azor? c'était bien elle la fille du capitaine! Il ne se trompait pas, il ne rêvait point.
Cavaliers maures, ancêtres d'Azor, conquérants de l'Espagne, par De Lacroix

Pour ne pas rompre ce charme qui l'enveloppait de tout son être, il choisit de ne pas rentrer à la maison. Il continua son chemin au galop jusqu'à la source d'El Bouq, le site préféré de Chantal. Il abreuva son cheval, et s'étala de tout son corps endolori par le galop effréné, sous un arbre, auprès de la source. Il en but une eau claire et fraîche en plongeant son visage dedans. Il était heureux à ce moment dans sa solitude où il pouvait à son gré se délecter de cette belle journée, penser à Chantal et l'imaginer dans toute sa beauté.

Portrait de femme,cheveux roux (Modigliani)

CHAPITRE XXIX : La partie de chasse
Tous les jours, Azor voyait passer comme d'accoutumée Chantal à cheval, faisant sa promenade régulière. Ils se saluaient de loin, et à son retour, Azor allait à sa rencontre pour lui serrer la main et lui rappeler son rendez-vous du dimanche pour aller chasser au Sloughi.
-N'oublie pas Chantal que tu m'avais défié
-J'attends ce jour avec impatience Azor. J'ai hâte de chevaucher à tes côtés; ce sera un immense plaisir pour moi.
-Il en est de même pour moi chère Chantal.
Avant de donner une tape sur la croupe de son cheval, Azor lui pince le pied au niveau des chevilles, ce qui la fait hurler de plaisir.
Pied d'une femme, symbole d'élégance et de raffinement
Ainsi se sépareront-ils, toujours dans l'espoir de se revoir le lendemain au même endroit.
Samedi, la veille du jour fixé pour la partie de chasse, Azor convoqua Mohand, son jeune neveu pour un briefing. Mohand, le fils de Mamma, la soeur d'Azor, est un garçon vigoureux, rigoureux et d'une conduite irréprochable. Il aime et respecte son oncle pour qui il a une vénération sans limites. Mohand, intrépide et courageux, craint et respecté à El Aderj, assiste son oncle dans les tâches secondaires, veille sur la maison, les bêtes et le domaine pendant l'absence d'Azor.
-Mohand, donne une double ration d'orge à "Assamn" (L'éclair, nom du cheval d'Azor).
-Oui mon oncle. As-tu l'intention d'aller à Séfrou faire tes courses ou aller à la chasse. Comment dois-je le seller? Selle roumi ou berbère?
-Roumi Mohand. Je vais à la chasse demain matin. Nous partons vers 10 heures.
-Je dois donc nourrir les Sloughis de viande fraîche. Il y a un chevreau qui souffre d'une fracture; le berger l'a soigné, mais il a moins de chances de s'en tirer. Dois-je l'immoler?
Ghzala, (La belle), et Aallam (L'éclaireur), les Sloughis préférés d'Azor
-Oui Mohand, les chiens ont besoin de chaire fraîche pour les motiver à en chercher dans la broussaille. Tu leur donnes un peu de son et peu de farine, bouillis dans du lait de chèvres, ça les réchauffera.
Ayant donné ses instructions, Azor se retira tard dans la soirée dans ses appartements privés pour repenser dans les moindres détails la sortie du dimanche; l'itinéraire à emprunter, les consignes de sécurité à imposer aux participants, conscient de l'inexpérience d'Hélène qui chevauchera pour la première fois parmi les arbres séculaires et les buissons épineux de la montagne. Un bonheur indescriptible, une volupté envoûtante, et une anxiété oppressante se saisirent de lui alors, en pensant à Hélène. Viendra-t-elle ou pas? Pense-t-elle à moi, Dort-elle déjà à cette heure-ci ou pas? se demandait-il.
Fatigué de sa journée bien pleine, il sombra dans un sommeil réparateur qui le débarrassa de tous ses soucis quotidiens.
Tôt le matin, Azor se réveilla bien reposé. Il s'étira longuement sur sa natte en feuilles de palmier nain, recouverte d'un tapis berbère en poil de chèvre. Il dédaignait les matelas fourrés de laine et de mousse achetés en ville; il dormait à même le sol sur sa natte et le tapis que sa mère et tantes lui avaient tissés. Il se leva, enfila son saroual, une chemise manches courtes, et sortit faire le tour rituel de sa propriété avant le lever du soleil, talonné par Ghzala, sa chienne préférée. Chemin faisant, il imaginait le déroulement de la cérémonie de chasse en compagnie de son hôte de marque "Hélène", la fille du capitaine. Il faut absolument sécuriser le parcours, prévoir les secours en cas d'accident, calmer les sages du village en leur rendant visite pendant la prière du matin pour les tenir au courant de sa décision de faire participer la fille du capitaine à sa partie de chasse. Ils ne doivent en aucun cas y voir une provocation de sa part ou un ralliement aux idées du capitaine, son père.
Ils connaissent Azor et le respectent. Inflexible et fidèle à ses idéaux de patriote inconditionnel et dévoué à la cause de son village. Le capitaine et sa famille sont là, imposés par les circonstances que vit le pays, et le statut-quo doit être impérativement maintenu de façon à préserver certains avantages et bienfaits dont profite la population, particulièrement en matière d'éducation, de soins hospitaliers, et autres, introduits par l'administration française. La politique n'étant point le lot d'Azor, il en laissait le soin aux sages du village. Il était amoureux et n'y voyait aucun inconvénient en ce moment. Il fera sa partie de chasse, les circonstances et le temps décideront du reste; le destin ayant fait croiser son chemin et celui d'Hélène, leur âge le permettant.
Les cousins et fidèles compagnons de chasse d'Azor, Ammala, M'hamed, Haddou et Achour étaient là à son retour, leurs chevaux déjà en sueur, et prêts à affronter les broussailles de la montagne. Ils le saluèrent en lui souhaitant une chasse fructueuse. Il les invita à s'asseoir à même le sol sous sa tente berbère où ils se rassemblent souvent pour concertation pendant les moments de crise. Mohand leur servira le petit déjeuner à base d'huile d'olive, olives noires, galette d'orge chaude et lait de chèvre chaud.
Azor buvant son vin sous la tente berbère dans sa maison qu'il loue à Meknès.
-Alors Azor, la fille du capitaine vient-elle réellement ou ça reste la blague du jour?
-Je l'espère bien, elle m'en a donné sa parole; je ne garantis rien, quoique ça me fera plaisir qu'elle nous accompagne.
Ils discutèrent des potins du village, des amourettes des uns et des autres, des évènements qui se passent dans le Moyen Atlas chez les autres tribus berbères.
-J'ai appris dit Ammala que le Caïd Moha ou Hammou Zaïani menace les français de représailles. À cette heure-ci, il est monté en montagne avec les tribus Zaïanes et attend la réponse du général français commandant la garnison de Khénifra.
Le quartier général de Moha Ou Hammou Zaïani à Khénifra, Moyen Atlas.
-Qu'est-ce qui l'a poussé à prendre les armes, et qu'attend-t-il du général demanda Azor?
-Il demande les excuses du général et de ses officiers
-Et qu'elle en est la raison?
-La veille, il avait invité le général, ses officiers, les enseignants français et toutes leurs épouses à dîner chez lui. Il paraît que certaines femmes d'officiers sont venues accompagnées de leurs chiens qu'elles ont rentrés avec elles à la maison, sur les tapis et les banquettes de Moha Ou Hammou. Il était vexé et se sentait insulté (Les chiens, gardiens de troupeaux, chasseurs, sont respectés par le berbère, mais leur place reste parmi les bêtes dans les locaux du rez-de-chaussée, les appartements de l'étage étant réservés à l'homme). La tradition berbère veut que l'invité soit honoré jusqu'à la dernière minute et qu'il doive quitter le toit de son hôte sous protection et dans le respect.
À la fin du repas, il accompagna ses invités jusqu'à leurs voitures, il ordonna alors à ses hommes de massacrer une partie de ses hôtes. Il se retira alors chez lui où il convoqua immédiatement les chefs militaires des tribus Zaïanes pour un conseil de guerre.
Cavalier berbère en tenue traditionnelle

-Le général et ses hommes ont atteint un seuil d'arrogance et de permissivité qui devient insupportable et inadmissible! J'ai été insulté et vexé sous mon toit en sus. Leurs dames ont introduit leurs chiens dans mes salons et mes appartements privés. Alors à provocation arrogante, nous répondons et réagissons par les armes.
Il est temps chères cousins de congédier le français qui est passé de statut de protecteur de la couronne qui l'avait sollicitée, à celui de colonisateur de l'Atlas berbère. Aux armes alors vaillants combattants! Admettriez-vous que vos maisons, vos femmes et enfants soient soumis et insultés à chaque occasion? Nos parents et grands-parents ont combattu vaillamment pour nous léguer ce patrimoine inestimable. Défendons-le alors par respect à leur mémoire.
-Prenez vos armes dans l'immédiat, les vivres pour résister une semaine et plus, vos chevaux, et rendez-vous à Jbel El Hrri d'où nous organiserons demain des attaques subversives contre les troupes du général.

L'arrivée de Mohand portant un plateau en cuivre plein de verres et une bouilloire fumante interrompit la discussion. Il posa le plateau par terre au milieu de la troupe, et commença à servir les compagnons d'Azor. La bouilloire contenait du lait de chèvre chauffé, mélangé avec du café turc, et sucré d'avance.
-Oublions le sujet de notre discussion, et parlons du déroulement de la chasse; Hélène, la fille du capitaine vient spécialement pour ça.
-Tu es sûr cousin renchérit Haddou?
-Bois ton lait Haddou! Il va coaguler!
Ils éclatèrent d'un rire sincère et portèrent un toast en l'honneur d'Azor.
Mohand, chargé de surveiller l'arrivée d'Hélène rentra en trombe et vint avertir Azor et ses cousins de l'arrivée d'Hélène. Ils se précipitèrent alors sur l'autre terrasse derrière la maison pour s'assurer de l'information. Hélène habillée à l'européenne et arborant une casquette quittait la route en terre battue et montait vers la maison d'Azor. Azor alla alors à l'entrée du domaine et attendit impatiemment son invitée.
-Bonjour et bienvenue Hélène. Tu es chez toi
-Merci Azor. Suis-je à l'heure?
-Ponctuelle Mademoiselle Hélène
-Mademoiselle? Azor!! Tu m'appelles Hélène d'habitude. Pourquoi ce revirement subit?
-Simple Hélène, ponctuelle et femme de parole que tu es, tu mérites à mes yeux tous les respects, et par conséquent les vouvoiements.
-J'accepte, et t'en remercie Azor.
Elle mit pied à terre avec l'aide d'Azor, non sans lui avoir pincé les chevilles, et vint serrer chaleureusement sa main. Il l'embrassa sur la joue, n'ayant pas opposé de résistance quand il l'avait attirée vers lui pour l'embrasser et sentir son haleine fraîche du matin.
Tente berbère d'Azor
Ils rejoignirent les cousins sous la tente et la leur présenta. S'en suivit un tas de politesses et de Salamalecs en berbère qu'Hélène comprenait peu. Elle s'assit en tailleur à même le sol près d'Azor. Elle mangea à la main les galettes d'orge qu'elle trempait dans l'huile d'olive, et but du lait de chèvre avec appétit en vraie fille du bled
Le repas englouti, Azor ordonna le départ. La troupe se mit alors en selle et la chasse commença. Les chiens impatients se mirent en tête, suivis par le cousin Haddou qui maîtrise les parcours et les sentiers des montagnes d'El Aderj. Azor côte à côte avec son invitée lui succédant, le reste des cousins, leur emboîtant le pas. Connaissant les secrets de la forêt, et sa faune, Haddou imposa un arrêt, une demi heure plus tard pour laisser faire les Sloughis devenus soudain nerveux communiquer leur flair aux chasseurs. En effet, le lieu dit "IFRI N'IJAAK", en berbère local, "La grotte des corbeaux", est réputé pour son passé macabre. Beaucoup de bergers y ont laissé une grande partie de leur troupeau de chèvres égorgées par les chacals qui infestent le coin. Partis à la recherche du renard, Azor et les siens retrouvent sans le vouloir l'ennemi indésirable des éleveurs d'El Aderj.
La grotte des corbeaux a été appelée ainsi, car les corbeaux venaient achever les restes des chèvres et autres trophées de chasse des chacals qui ont fait du lieu leur garde-manger où ils festoyaient en toute impunité.
Les chiens enragés et intenables se sont engouffrés dans la grotte. Ils en ressortent quelques minutes plus tard à la poursuite du maître chacal vêtu de sa robe beige et sa queue de poils roux hérissés, étant donné son état nerveux et hagard.
-L'ennemi est là dit Azor à la troupe.
Une galopade infernale s'en suivit alors derrière les Sloughis qui talonnaient l'indésirable. Ghzala, la belle était en tête de la meute. Elle mordait sans cesse les pattes arrières de la victime. Sans relâche, elle se retournait pour s'assurer qu'elle était suivie et épaulée par ses congénères.
Voyant les chiens distancés par la victime, Haddou poussa son cheval parmi les buissons à bride abattue. Il dépassa le chacal, lui fit face et le contrit à rebrousser chemin. Ainsi, il se retrouva en pleine mêlée parmi les Sloughis en manque de pâture. Les coups de torses musclés des chiens, de pattes endurcis par la rocaille, les mors à coup de crocs s'en suivirent. Ils lui ont fracassé le train arrière à coup de torses, arrachés les oreilles et une grande partie de la peau. La victime était étalée par terre inoffensive un moment; ça avait pris quelques minutes à peine.
Le chacal, ennemi juré des éleveurs du Moyen Atlas Marocain.
Azor se retourna finalement pour s'assurer de la présence d'Hélène. Elle était restée 100 mètres plus loin, n'osant pas participer à la mise à mort de l'animal. Il alla la rejoindre et lui fait part de son étonnement.
-Tu es bien Hélène? Pourquoi tu ne nous rejoins pas?
-Azor! Je n'aime pas voir une bête souffrir, féroce soit-elle.
-Tu sais Hélène, le chacal est notre ennemi dans la région. Il abat nos troupeaux de chèvres sans pitié. Il ne mange pas tout ce qu'il abat, et par peur de manquer, il en tue le maximum et il s'en va pour revenir plus tard et se gaver lui et les siens des cadavres de nos chevreaux. Notre tradition nous autres ne nous permet pas de manger la bête qu'on n'a pas égorgée; on perd ainsi des dizaines de bêtes dont nos enfants et nos familles ont besoin tu me comprends?
Alors quand nous dénichons le coupable, nous nous vengeons sans pitié aucune; l'élevage des chèvres est notre meilleur revenu dans cette contrée rude; nous utilisons leur poil pour fabriquer nos vêtements, nos tentes, tapis, couvertures, et buvons leur lait nourrissant, comme nous prenons plaisir à manger le chevreau jeune et tendre. Nous ne faisons que défendre nos intérêts tu sais Hélène, tu dois comprendre ça je t'en conjure!
-Je comprends Azor, mais je suis éduquée autrement. Je ne conçois pas la vie de la même façon que toi tu la perçois. Comprends-moi. Tu élèves des Sloughis pour garder ton cheptel, et organiser des parties de chasse avec eux, mais tu ne les tolères pas dans tes salons et tes appartements privés; ils ont droit aux appartements bas de la maison, avec le reste du bétail.
-Ce n'est pas mon cas et mon chien "Meskin" que j'ai ramassé dans les abattoirs du souk, car il était souffrant. Je l'ai soigné, ramené à la vie et j'accepte sa compagnie dans ma chambre, mon salon personnel. Voilà ce qui nous éloigne l'un de l'autre Azor. Peux-tu me comprendre?
-Je ne te comprends pas Hélène, mon éducation rude et sévère ne m'y aide aucunement. Dommage que la souffrance et la mort d'un chacal dans nos montagnes nous éloigne l'un de l'autre, nous livrant à nos souffrances et à nos solitudes que nous dictent les montagnes d'El Aderj, cloîtrés dans nos croyances personnelles mutuelles! Toutefois, sache que je t'ai aimée, et que tu me manqueras quelque soit l'issue de notre rencontre. Rejoignons les autres, tu me rendras ainsi l'homme le plus heureux du monde.
Azor la fixa longuement, toute éplorée à la vue d'un chacal livré en pâture aux Sloughis. Pour une fois, il s'est apitoyé et quitté son air rude et sans pitié face à cette Roumia qui lui apprend que la vie n'est pas facile pour tout le monde, le chacal compris. Il s'approcha d'elle, les chevaux côte à côte, lui prit la main qu'il baisa avec ferveur, et lui dit:
-Hélène, j'ose te dire maintenant que je t'ai aimée depuis le premier jour où j'avais osé m'approcher de toi, fille du capitaine, le maître actuel des lieux que tu es.
-J'en suis consciente Azor. Autrement, je ne serai pas là à cette heure-ci.
-Je t'aime Hélène et je braverai la France entière pour t'avoir à moi, à moi seul.
-Pas besoin mon Azor mon trésor dit-elle en souriant. Je suis entre tes mains, je ne dirai pas ton otage dans cette montagne imposante, la tienne, ta mère nourricière.
-Merci chérie, tu es sous ma protection, celle d'un amoureux fou de toi. Rien et personne ne t'atteindra.
-Moi aussi Azor je t'aime.
Elle baissa les yeux et se mit à pleurer à chaudes larmes. N'y tenant plus, Azor quitta sa monture et l'invita à descendre. Il la prit dans ses bras et l'embrassa longuement d'abord sur le front, puis sur le nez, la nuque, et en fin de compte sur la bouche. Leurs lèvres ont alors communié dans un baiser fougueux et plein de tendresse. Azor caressait ses cheveux blonds en bataille et se disait au fond de lui-même:
*Azor tu dois à cette fille tous les respects et égards. Tu te dois de la protéger quoiqu'il arrive et l'aimer sans compter.
Un galop se fit alors entendre parmi la broussaille, et Haddou apparaît subitement, son cheval en sueur.
-Qu'est-ce qui t'amène cousin à cette allure?
-Les nouvelles sont mauvaises cousin. Tu n'as pas entendu le crieur des montagnes annoncer le soulèvement des Aït ALahms? (Les messages à El Aderj de parents à enfants qui vaquent dans la vallée ou la montagne, ou de chef de tribu à ses gouvernés se passait par voie orale en criant à tue-tête, les échos de la montagne y aidant.)
-Tu n'as pas entendu le messager annoncer le début des hostilités et crier à la fronde?
-Non cousin, j'étais occupé, et là je suis loin de la vallée que la montagne d'El Bouk me cache.
-Que devons-nous faire Azor?
-Donne moi un peu de temps Haddou, je réfléchis. Envoie d'abord en un premier temps notre cousin Achour nous ramener des nouvelles fraîches de ce qui se passe en bas et nous aviserons.
-Bien cousin
Hélène rassérénée un moment, devint toute pâle et inquiète, ayant compris de quoi il s'agissait. Elle prit la main d'Azor et le supplia de la mettre au courant de ce qui se passait, et pourquoi Haddou était-il dans cet état.
-Calme-toi Hélène, les nouvelles que m'apporte Haddou sont mauvaises en effet; les tribus berbères du moyen atlas ont engagé la résistance contre les autorités françaises. Notre tribu des Aït Alahms, s'organise à cette heure-ci pour rentrer en rébellion aussi. J'ai chargé Achour d'aller voir ce qui se passe au poste et m'en rendre compte.
-Mon père, ma mère! que deviennent-ils Azor? Ramène-moi au poste, je veux revoir les miens.
-Attendons le retour d'Achour et de ses nouvelles, puis nous déciderons de ce que nous devrons faire.
Hélène s'est alors jeté dans les bras d'Azor toute en pleurs. Il caressa ses cheveux, baisa ses épaules et avec ses lèvres il essuya ses larmes qu'il avala goulûment, ce qui la rassura un moment.
Azor, troublé et moins rassuré sur l'issue de la partie de chasse, confie Hélène à ses cousins, et grimpa en compagnie de Haddou le mont "ICH LBOUK", le plus haut point des montagnes d'El Aderj, à 500 mètres plus haut de la grotte des corbeaux, pour voir ce qui se passait plus bas dans la vallée. Il vit une foule dense et soulevant un nuage de poussières marchant sur le souk. Au fur et à mesure qu'elle s'approchait d'un bourg, les habitants venaient rejoindre le cortège gonflant ainsi les rangs des marcheurs. Des cavaliers armés de Bouhbbas (Armes chargés de balles en plomb, et chargées d'explosif de la bouche du canon; archaïques, mais efficaces). Derrière, suivaient les femmes encourageant à force de You You les hommes.
-Pas vrai se dit Azor, ça doit être sérieux. Il va falloir se bagarrer je crois. Que dois-je faire d'Hélène?
Il descendit à toute allure rejoindre le groupe et remarqua que l'ambiance était tendue. Hélène se tenait loin du groupe à l'entrée de la grotte, la tête appuyée sur ses mains.
-Achour n'est pas encore de retour?
-Non cousin, mais il doit se passer quelque chose de mauvais dans la vallée. Tu n'entends pas les You-Yous des femmes et les chevaux galopant? Quelque chose d'anormal est entrain de se passer.
-Calmez-vous, et attendons le retour d'Achour, nous rejoindrons après le village.
Azor rejoignit alors Hélène. Il la releva et la prit dans ses bras. Elle était lasse et consentante; elle devait deviner à voir l'ambiance du groupe que la partie de chasse était gâchée.
Humphrey Bogart et Ingrid Bergman dans le film "Casablanca".
-Viens chérie, rentrons dans la grotte, j'ai des secrets à te confier.
-Oui Azor je suis à toi, je comprend que je suis ton otage.
-Pourquoi me tenir ce langage chérie?
-Que se passe-t-il en bas? J'ai vu des foules à cheval, des marcheurs qui descendent des villages pour rejoindre le souk. Que se passe-t-il? Ne me mens pas.
-Chérie! je ne t'ai pas trahie, tu es mon invitée, tu es la fille que j'aime sans le vouloir ni le programmer. Je suis ton homme et te défendrai jusqu'au dernier souffle. Vrai il y a problème! Gérons-le comme on peut tous les deux.
-J'ai compris Azor
-Attendons le retour d'Achour pour nous enquérir de la situation et nous en aviserons. Tes conseils de fille intelligente et courageuse me seront bénéfiques et d'aide. Dis-moi oui chérie. Aide-moi à te calmer et à te protéger; tu sais que je t'aime et que tu es ma dulcinée que je me dois de protéger et d'affectionner.
-Je comprends ta position Azor, et sache que je t'aime à l'instant comme je t'avais aimée il y a quelques heures. Je t'accompagne dans tous les moments que nous allons vivre, bons ou mauvais. Je t'aime, et c'est pourquoi je suis là.
Le retour d'Achour répondit à tous les questionnements du groupe. Achour leur a alors appris que le capitaine, sa famille, et les quelques gardes du poste avaient rejoint Ahermoumou, le village où la compagnie dont il dépendait était implantée. Il était parti dans l'intention de ramener des renforts pour combattre à nombre égal les Aït Alahms, la tribu d'Azor. Hélène fenda en larmes, et quitta le groupe pour s'isoler et panser sa blessure.
Femme en pleurs
Jugeant la situation grave, Azor décida de se rendre au souk pour rejoindre la tribu, chargeant Mohand son neveu et Achour de garder Hélène jusqu'à son retour.
Arrivé au souk, Azor fondit la foule et rejoignit alors les sages de la tribu. Parmi eux, il y avait ses oncles Achour et Haddou. Ce dernier, intraitable et dur avec ses neveux dont il a toujours assuré l'éducation sur les plans physique et psychologique s'adressa à lui en ces termes :
-Tu as fini avec ta chasse? Qu'as-tu fait de ta Roumia, ta folie du moment? Tu nous mets dans l'embarras vis-à-vis de la tribu tu sais!
-Excuse mon retard oncle Haddou. Je n'ai rien fait de mal qui puisse mettre dans l'embarras les vénérables sages que vous représentez. Une fantaisie de la jeunesse tout simplement que je suis sûr vous me pardonnerez. J'ai toujours agi sagement pour ne jamais déshonorer les miens et vous le savez bien.
-Que comptes-tu faire de la fille du capitaine? Envoie Haddou la chercher, on la confiera aux femmes du village.
-Rare oncle Haddou où je vous ai désobéi ou même provoqué. Cette fois-ci, je me vois dans l'obligation de le faire. Hélène est mon invitée, j'en suis le seul responsable et de ce fait la défendre contre qui que ce soit. Elle est en ce moment sous la protection de Mohand et Achour dans un lieu sûr. (Azor a évité de désigner la grotte des corbeaux)
Le ton montait et la confrontation verbale allait tourner mal, ce qui n'est nullement souhaitable vues les circonstances du moment. L'oncle Achour intervint alors pour apaiser les esprits :
-Azor, mon cher neveu! Tu sais que je t'ai en haute estime. Toutefois si ton oncle Haddou te parle ainsi, c'est que la situation est grave, et que nous devons être solidaires et unis pour la même cause. Il est temps de prendre les armes et combattre les troupes coloniales françaises, tu en es conscient je suis sûr.
-Oui oncle Achour, je suis conscient de la gravité de la situation, et je suis prêt à m'engager en tête de la "Harka", la première qui chargera les troupes du capitaine quand elles se présenteront. ( La "Harka" est la charge à cheval, fusil en main contre les lignes ennemies. La fantasia en est l'image vivante de nos jours dans les fêtes officielles qui se donnent au Maroc). S'adressant alors aux sages de la tribu, Azor ajouta haut et fort, les fixant tour à tour de son regard qui en disait beaucoup sur sa volonté de fer qu'ils lui connaissaient :

"La harka", charge héroïque des cavaliers maures.

-Honorables sages, mes aînés respectés! Vous savez que je n'ai jamais failli à mes devoirs de bon Alahmi. J'ai toujours été un serviteur dévoué et loyal exécutant de toutes les entreprises et actions sages que vous aviez décidées par le passé. Alors je vous serai grès de me faire l'honneur de commander le premier contingent des cavaliers qui chargera l'ennemi.
Mimoun, le vieux sage se leva et s'adressa alors à Azor sans ambiguïté :
-Azor mon fils! Tu sais que nous t'avons tous en estime et ton désir de commander la première charge, est dores et déjà une réalité. Nous te l'accordons n'ayant jamais douté de ton courage. En attendant mon enfant, remonte chercher ton invitée, la fille du capitaine et installe-la dans ton domaine. Les femmes de ton clan la protégeront.
-Merci pour votre bienveillance oncle Mimoun. J'y vais de ce pas et reviendrai dans quelques heures.
Azor repartit alors à bride abattue rejoindre la grotte des corbeaux.
Corbeau en vol
Arrivé sur les lieux, Azor alla voir Hélène, la prit à part et lui dit ceci:
-Chérie, la situation est très grave. Il n'y a aucun moyen de te ramener chez les tiens. De ce fait, je t'emmène dans mon domaine et je te confierai à ma tante et les miens en attendant ; ce sont les ordres de mes aînés rassemblés en conseil de guerre. Je ne peux aller au-delà de leurs recommandations.
-Je tiens à rester auprès de toi Azor, quelque soient les circonstances.
-Je ne le peux chérie. Je dois conférer avec mes cousins pour décider de la conduite à tenir vis-à-vis du conflit qui va avoir lieu. Ton père a emmené la famille à Ahermoumou d’où il emmènera des renforts pour protéger le poste d’El Aderj et se préparer à tenir le siège que la population a décidé de lui faire subir.
-Quand reviendras-tu alors ?
-Je ne peux te dire chérie. Dans tous les cas, j’ai choisi mon camp, et c’est auprès des miens que je combattrai désormais. Le sort a voulu que ce soit ainsi alors que ton père vient de m’offrir son hospitalité en t’autorisant en sus à venir chez moi en tant qu’invité de choix.
-Azor ! Je t’en prie ! Je tiens à rester auprès de toi. Il n’est pas question que je reste là alors que toi tu cours des risques.
-Je te promets solennellement que je reviendrai te chercher une fois que la situation s’éclaircit pour moi et mes cousins, et quel rôle nous jouerons dans le conflit.
-J’ai confiance en toi Azor, je vais au domaine alors.
Azor appela Mohand son neveu et lui ordonna d’emmener Hélène jusqu’au domaine où il la confiera à la tante Mamma. Ayant embrassé Azor qui l’a étreint longuement, elle se résignât à rejoindre momentanément le domaine d’Azor.
Hélène partie, Azor réunit son Etat-Major pour débattre de la situation et décider en commun accord de la conduite à tenir dans ce cas d’urgence. Il leur fit part de son entrevue avec les sages du village et leur dit :
-J’ai promis à l’oncle Haddou à ce que nous soyons parmi eux pour mener la guerre aux troupes du capitaine, le chef du poste d’El Aderj. Nous devrions y être ce soir afin qu’on nous indique notre poste d’affectation. Or depuis ce matin, j’ai réfléchi à la chose et une autre idée a mûrie dans mon esprit perturbé, mais encore saint et intact.
-Que proposes-tu Azor ? Nous te suivrons là où tu vas et quoique tu décides. Tu es notre chef incontesté, répondirent-ils en chœur.
-Vous savez que le Caïd est un féal et subordonné inconditionnel du capitaine et des troupes françaises pour ses propres intérêts. Il va sûrement semer avec les siens la zizanie et la mésentente dans les rangs de la tribu.
-Oui nous en sommes conscients et nous le combattrons lui aussi avec ses mokhaznis et ses proches pourris.
-Nous rejoindrons alors ce soir la tribu et nous nous mettrons sous leurs ordres. Une fois armés et approvisionnés en munitions nécessaires, nous leur fausserons compagnie individuellement et nous nous retrouverons ici dans la nuit. Manœuvrez individuellement et en toute discrétion pour ne pas éveiller leur vigilance.

              La cavalerie berbère, des guerriers jaloux de leur indépendance de tous temps

-Et que ferons-nous après disent-il tous en chœur?
-EXÉCUTION ! s'écria Azor. Je ne permets à personne de discuter mes ordres. Compris les gars ?
Sans murmure, les désormais combattants d’Azor rompirent les rangs et s’en allèrent par groupe de deux, attendant la décision d’Azor.
Resté seul avec Achour le compagnon fidèle dont la fidélité indéfectible à la personne d’Azor n’est d’aucun doute, Azor lui fit part de son plan à venir.
Dégringolons la montagne cher lecteur, et allons nous enquérir du domaine d’Azor et de ses occupants.
Il faisait chaud cet après-midi, les femmes étaient sous la tente buvant le thé à la menthe et devisant. En voyant Azor débarquer avec Achor, elles se levèrent et quittèrent les lieux pour rentrer à la maison, excepté sa tante Mamma qui est restée assise, Hélène à ses côtés. Cette dernière vint se jeter dans ses bras et l’embrassa fougueusement, larmes aux yeux. Il la consola et la rassura sur la situation. Sa tante lui dit alors :
-Azor veux-tu que je te prépare à manger ?
-Non ma tante ; Juste une « Touftirt », la galette d’orge sans levure dont tu sais bien que je raffole, avec un peu d’huile d’olive et du lait de chèvre chaud.
-C’est déjà fait tête de cafetière. (C’est ainsi que sa tante appelait Azor qui s’enflammait et s’insurgeait à la moindre contradiction ou opposition qu’on lui faisait. (Les petites cafetières à l’époque, une fois mises sur le feu, débordaient très vite, car le matériau dont elles étaient faites était de bonne qualité et retenait bien la chaleur)
Congédiant Achour et gardant Hélène avec lui, Azor lui exposa en détail les évènements qui se passent dans la vallée sans dévoiler son plan d’action qu’il a concocté pendant cette journée, plan qu’il se veut secret pour éviter tout échec. Il la rassura en lui promettant en un premier temps qu’elle sera auprès de lui et des siens dans toutes les circonstances.
-Tu accepteras de t’occuper de mes affaires et de mon intendance quand je serai en campagne chérie ?
-C’est quoi ton intendance ?
-Tu iras au domaine où les miens ne connaissent pas ma retraite ; tu iras chercher des vivres, puiser l’eau dans la source en bas de la montagne, et tu m’accueilleras le soir pour me consoler des désagréments de mes bagarres de la journée. Je te laisserai ITO ma cousine pour t’assister et te tenir compagnie.
-Oui chéri, je serai ton aide de camp dévoué et serviable. Je prête serment de fidélité pour ça, combattrais-tu mon père-même. Je suis désormais engagée dans ton camp, les circonstances l’ayant dictées, d’autant plus que je t’aime et comprends la cause qui te pousse à être généreux et fidèle à ton pays et aux tiens.

                                    
                                                              Combattants berbères

Tard dans la nuit, les cousins d'Azor avaient rejoint la grotte des corbeaux, manœuvrant  individuellement, conformément à ses ordres et recommandations. Ils avaient reçu leur ration de poudre et de plomb suffisante pour une période de 24 heures.
Le dernier rentré fut Achour, chargé de rester en poste de surveillance à une distance respectable de la grotte, sur le chemin de retour des éléments du groupe.
-Ton compte-rendu Achour, s'écria Azor
-Rien de suspect cousin. Aucun parmi nous n'a été suivi. On ne doit sûrement pas se douter de notre départ du camp de la tribu.
-Achour donne les haches à Haddou et Aammala.
-Pourquoi faire cousin? demanda Haddou
-Tu le sauras plus tard Haddou! 
-Parfait. Maintenant il est temps de vous mettre au courant de la mission de la matinée de demain que j'ai longtemps mûrie, vous en ferez désormais partie intégrante. Il est donc du droit, sinon du devoir de chacun de donner son point de vue sur la manière de l'exécuter.
Nous allons discuter point par point chaque avis et voterons à la fin du débat, la méthode la plus sûre et appropriée pour réussir la mission qui devient collective. La réussite ou l'échec sera alors partagé, rappelez-vous-en. N'est-ce pas Haddou? 
-Euh! Oui cousin
-Nous combattrons un ennemi bien armé et supérieur en nombre. Seuls la cohésion, la discipline sans faille, le courage et le dévouement à la cause de notre pays, peuvent  venir à bout de l'ennemi.
Criant plus fort comme pour ramener l'audience à la réalité, Azor ajoute:
-Haddou! En quoi consiste notre mission? Rappelle-nous-le! Et sans hésitation compris?
-Euh oui cousin!
-Non pas cousin. Désormais vous devrez répondre quand vous vous adressez à moi : "Oui Chef" Haut et fort.
-"Oui chef haut et fort" répéta Haddou, suivi d'un rire général du groupe. Azor ne put se retenir et en rigola aussi pour détendre l'ambiance et ramener le calme. 
-Facétieux Haddou! Juste "Oui chef", sans le" haut et fort". Et c'est à vous tous que je m'adresse vous m'entendez vous autres?
-Oui chef! Répondit en choeur le groupe.  
-Alors Haddou, rappelle-nous la mission principale
-Oui cousin! (Encore, un rire général). Oui chef! Notre mission consiste à affaiblir l'ennemi, semer le doute dans ses rangs par une attaque surprise et rapide à un endroit où il n'attend pas la tribu.
-Après?
-Isoler la troupe du capitaine qui doit être en tête de la colonne, et le faire prisonnier dans la mesure du possible.
-Qui se chargera de la capture du capitaine? 
-Toi et Achour cousin, euh Chef!
-Bien. Ce soir pas de feu dans le camp les gars! Repas froid pour tout le monde; pain d'orge, figues, raisins secs et oignons crus. En attendant, astiquez et nettoyez vos armes, et ensuite,  un bon sommeil de quelques heures fera du bien à tous. Personne ne doit quitter le camp.
-Achour, tu veilleras à ce que la consigne soit appliquée à la lettre. Entendu?
-À tes ordres chef!
Après le dîner, Azor se retira seul dans son coin pour remettre de l'ordre dans ses idées et repenser le moindre détail de la mission pour anticiper tout désagrément. Le point de contact choisi lui semble bien loin à cette heure de solitude qu'est la sienne en tant que responsable de ses hommes (1 heure de marche à travers la montagne). Le réveil, et immédiatement le départ sans petit-déjeuner se fera à 03 heures du matin pour éviter toute rencontre avec les bergers, bûcherons, et autres villageois lève-tôt. (Chacun des hommes emportera sa ration journalière dans sa besace).
Estimant que la colonne de l'ennemi, sûr de son nombre et de sa mobilité ne quitterait  Ahermoumou que vers les 06 heures du matin, évitant ainsi de se déplacer la nuit, et qu'il lui faudrait une bonne heure pour rejoindre le poste d'El Aderj, Azor se dit qu'il aura largement le temps d'organiser l'embuscade au point choisi. 

Après le dîner, Azor se retira seul dans son coin pour remettre de l'ordre dans ses idées et repenser le moindre détail de la mission pour anticiper tout désagrément. Le point de contact choisi lui semble bien loin à cette heure de solitude qu'est la sienne en tant que responsable de ses hommes (1 heure de marche à travers la montagne). Le réveil, et immédiatement le départ sans petit-déjeuner se fera à 03 heures du matin pour éviter toute rencontre avec les bergers, bûcherons, et autres villageois lève-tôt. (Chacun des hommes emportera sa ration journalière dans sa besace).
Estimant que la colonne de l'ennemi, sûr de son nombre et de sa mobilité ne quitterait  Ahermoumou que vers les 06 heures du matin, évitant ainsi de se déplacer la nuit, et qu'il lui faudrait une bonne heure pour rejoindre le poste d'El Aderj, Azor se dit qu'il aura largement le temps d'organiser l'embuscade au point chois. Là où la route est rescapée, délavée par les pluies de la saison, et passant à travers une forêt bien fournie, de thuyas et de chênes centenaires.Après le dîner, Azor se retira seul dans son coin pour remettre de l'ordre dans ses idées et repenser le moindre détail de la mission pour anticiper tout désagrément. Le point de contact choisi lui semble bien loin à cette heure de solitude qu'est la sienne en tant que responsable de ses hommes (1 heure de marche à travers la montagne). Le réveil, et immédiatement le départ sans petit-déjeuner se fera à 03 heures du matin pour éviter toute rencontre avec les bergers, bûcherons, et autres villageois lève-tôt. (Chacun des hommes emportera sa ration journalière dans sa besace).
Estimant que la colonne de l'ennemi, sûr de son nombre et de sa mobilité ne quitterait  Ahermoumou que vers les 06 heures du matin, évitant ainsi de se déplacer la nuit, et qu'il lui faudrait une bonne heure pour rejoindre le poste d'El Aderj, Azor se dit qu'il aura largement le temps d'organiser l'embuscade au point choisi.
                                    
Là où la route est rescapée, et passant à travers une forêt bien fournie, de romarin, de thuyas et de chênes centenaires. 

Les prévisions d'Azor étaient justes. Sur leur chemin pour rejoindre à l'aurore comme prévu, le point décrit, ils ont été surpris par une escadrille d'avions, (Des T6, bombardiers de fabrication américaine). Ils allaient du côté d'El Aderj. Ayant entendu les avions, Azor a ordonné à ses combattants de se mettre à plat ventre pour se confondre avec la nature, et ne pas se faire remarquer par l'aviation. Il avait compris que la manœuvre de l'ennemi était de bombarder les bourgs d'El Aderj pour affaiblir, casser le moral des troupes berbères et préparer l'arrivée triomphale du capitaine et ses troupes.
Comme prévu, Le commando arriva à point au lieu de l'embuscade.
Azor fit l'appel pour s'assurer de la présence de sa troupe. Tout le monde était là. 
-Souhaitez-vous casser la croûte avant de préparer le guet-apens?
-Non chef répondirent-ils. Nous sommes prêts à combattre l'ennemi et tout de suite. Azor n'en demandait pas plus. Il passa alors aux détails de l'opération.
-Haddou!
-Oui chef!
-Tu vas un peu plus bas, là où la forêt est dense, toi et Aammala. Vous abattez les gros arbres les plus près de la route et vous les placez en travers de la route pour bloquer le passage à l'ennemi
-À vos ordres chef
-Toi Moh et les autres, amassez les grosses pierres, le plus que vous pouvez, et vous attendez mes ordres pour les envoyer sur l'ennemi à son passage.
-Compris chef!
Azor se rendit alors sur le point le plus culminant du site pour scruter la route encore voilée par la brume matinale. Inquiet, il attendait l'arrivée du convoi implacable de la mort. Le jour pointait déjà quand il vit le convoi militaire surgir et s'extraire du voile épais de la brume. Les ordres furent subitement envoyés à chaque poste pour exécuter sa mission.
Aussitôt, Azor vit les troncs d'arbres s'affaler sur la route bloquant le passage après l'engagement du capitaine qui se retrouva isolé de son détachement. Il donna immédiatement l'ordre à sa troupe de quitter les véhicules et de se mettre en position de combat.
Les légionnaires quittèrent aussitôt leurs véhicules et se mirent à plat ventre sur les bas-côtés de la route face à la montagne.
À l'instant même, une avalanche de rocs s'abattit sur les véhicules et les légionnaires de part et d'autre de la montagne. Moh avait réagi au bon moment. Désemparé, le capitaine ordonna à son chauffeur de continuer sur El Aderj, laissant derrière lui le convoi désordonné et pris au piège.
Sur ordre d'Azor, sa troupe commença à tirer à bout portant sur les légionnaires. Il  rejoignit alors le point où il avait placé le groupe chargé de capturer le capitaine en lui barrant la route. Accompagné de son chauffeur et d'un sous-officier chargé de sa sécurité, le capitaine s'était rendu sachant que toute résistance était vaine. Il rageait et proférait des menaces sous les fusils braqués sur lui. Achour le tenait bel et bien; il en était fier.
Azor ordonna à sa troupe de baisser les armes disant à ses combattants que le capitaine n'était plus leur prisonnier, mais l'invité de marque et protégé de leur chef Azor.
-Azor! tu me le paieras s'indigna le capitaine. L'armée française est puissante. Bientôt ta tribu sera mise à mort, tes villages rasés et soumis.
-Calmez-vous mon capitaine. Vous êtes mon prisonnier de guerre désormais. À ce point des montagnes d'El Aderj, c'est moi le chef incontesté, vous n'êtes plus rien. Je vous ordonne  et dans l'honneur de vous soumettre aux lois qui sont les miennes ici.
-Tu paieras cet affront que tu me fais subir, moi qui t'avais invité sous mon toit
-C'est ce pain, et ce vin que vous m'aviez offerts et votre fille que vous m'aviez confiée qui vous sauvent d'une mort certaine
-Je préférerai la mort alors et non votre pitié
-Je n'ai pas pitié de vous mon capitaine. J'ai beaucoup de respect pour vous et pour le travail que vous avez accompli à El Aderj. Votre sympathie pour la population , le dévouement de votre dame pour l'école d'El Aderj, en sont les preuves.
-Ce n'est pas une raison pour me maintenir prisonnier et séparé de mes hommes
-Vous êtes un chef vaincu mon capitaine à cette heure-ci. Vos troupes à El Aderj doivent déjà être massacrées et pour la plupart prisonniers de mes oncles et frères. Rendez-vous à l'évidence et suivez mes conseils, c'est ce qui reste à faire à un chef éclairé tel que vous.
-Pas question. Vous êtes entrain de commettre une faute grave. La France ne vous le pardonnera jamais.
- Je ne vous veux aucun mal à vous personnellement mon capitaine. Vous avez été un instrument d'une politique française qui a abouti au Maroc, mais désormais les montagnes de l'Atlas et du Rif ont décidé de se débarrasser de votre présence et de vos sbires collabos et serviles dans les villes. Nous nous battrons pour libérer les Atlas, le reste vous le négocierez avec qui de droit.
-Je ne vous permets pas!
-Mon capitaine, c'est moi qui ne vous permets pas de douter de ma détermination. Vous êtes mon prisonnier officiellement, et je vous jure protection jusqu'au bout, quitte à affronter les miens.
-Vous avez gagné Azor, je suis votre prisonnier. J'ai confiance
Azor donna alors le signal de repli à ses hommes et retournèrent à la grotte des corbeaux, avec le capitaine prisonnier. Il laissa néanmoins sur place le long de la route une partie de l'effectif qui harcelait la colonne des légionnaires pour retarder leur progression.
Il fit venir Hélène accompagnée de Mamma, la soeur d'Azor. Hélène en pleurs, sauta dans les bras de son père qui l'étreignit longuement. Azor et sa soeur se retirèrent laissant le père et sa fille dans leur intimité.
-Comment t'ont-ils traités ma fille?
-Bien papa. Et maman où est-elle?
-Elle est à Rabat sous la protection de l'ambassade de France qui a rassemblé toutes les familles des militaires et des colons venues des régions en dissidence. Ils les ont cantonnées à la base aérienne de Salé, loin de la ville également en ébullition.
-Je m'inquiéte pour toi ma fille, je ne sais pas ce qu'ils feront de nous. Je m'évaderai bien, mais te laissant derrière moi, je m'en sens incapable.
-Je ne pense à aucun moment que Azor nous laissera tomber. J'ai sa protection et je l'aime papa tu sais. Les évènements inattendus ont décidé de notre sort, le jour où il m'avait invité à la partie de chasse. Nous ne pouvions plus faire marche arrière.
-Oui mais la tribu nous en veut à mort ma fille
-Pas à toi et maman; vous êtes aimés et respectés parmi les gens d'El Aderj. Pour moi, je fais déjà partie de sa famille. Seules les femmes sont restées dans les maisons, les hommes sont armés et sont partis au combat. Elles assurent le travail domestique et celui des champs. Quelques unes sont parties avec les hommes pour les nourrir et leur préparer la poudre et le plomb sur le front.

À suivre


MÉDITATIONS du moment :

Retour de l’enfant prodige d’El Aderj

(Conte imaginaire. Il colle à la réalité et au monde surréaliste d’Azor le galopin)
Dialogue avec l’océan Atlantique, l’ami d’Azor dit AT.

« Les personnages que je manipule sont imaginaires, à l’exception de ce nom prestigieux qu’est ZNIBER, le producteur des vins dans la région de Meknès, et le fournisseur n°1 de l’Etat marocain en devises et en taxes (Les respects d’un colonel à la retraite, monsieur le président). Je parle de votre fille, vrai. Elle est mon amie, ma dulcinée, ma compagne docile et tendre. Elle est à mon écoute 24 sur 24 heures.

BUT DE L’ÉCRIT : Ô COMBIEN MEKNÈS EST MISÉREUSE DE PAR SES GENS, probablement ses enfants !!!!!!!!!!

J’ai rencontré auparavant la cousine de la fille Zniber au coin d’une rue de SAN ANTONIO-Texas quand j’y étais en stage avec l’US AIR FORCE en 1970 (J’étais sous-lieutenant des Forces Royales Air Marocaines alors). Elle ne m’avait jamais abandonnée depuis mon retour au Maroc en 1971. Fidèle, silencieuse, généreuse, elle a toujours été là prés de moi pour me soutenir dans mes moments d’angoisse et de spleen »
*Les personnages sont cités à la fin du récit.

14 heures, Moulay Bouselham,  jeudi 07 février de l’an 2013.

Je suis sur ma terrasse en face de l’océan Atlantique, éternel et inusable qu’il est. Je suis en compagnie de ma dulcinée et bien-aimée, la fille de monsieur Zniber le meknassi. Je ne citerai point le prénom pour préserver sa vie privée quoiqu'elle ait fait le tour des belles tables du Maroc avec brio et réussite.
Une fatigue inattendue m’a terrassée sans sommation et je me suis assoupi un petit moment, ma tête sur la table face à l’océan. Le soleil cognant fort en ce moment de l’après-midi  ayant contribué.
Ainsi, dans  les bras d’Orphée, je me délectai de la vie de l’au-delà dans un souci absolu. Je compris alors que je n’attendais plus rien de la vie qui m’a tant donnée et gâtée et que je ne dois aspirer désormais qu’à veiller à la bonne santé de ma carcasse de vieux colon, tel un de ces vieux avions qui a fait ses preuves d’endurance face aux assauts des éléments (L’air, l’eau, la chaleur , et………………..l’HOMME, le destructeur, l’élément le plus érosif qui soit sur notre planète mère).
Dans mon esprit, j’étais loin, bien loin. Je fréquentai les astres, les anges, l’univers quoi. L’homme exclu. Loin dans mon conscient, j’entendis tout d’un coup une voix qui criait si fort que j’en ai eu le courroux.
-Azor ! Réveille-toi, réveille-toi !
-Qu’y-a-t-il ma chérie ?
-Un certain monsieur Atlantique  a sonné à la porte et il menace d’emporter d’une seule vague la maison, nous avec si tu ne le reçois pas.
-Comment ? Tu rêves ou quoi  ma belle ?
-Non sors voir et parle-lui, il est toujours là menaçant.
Paresseux à mon réveil et ne désirant voir personne pour préserver mon intimité amoureuse, j’ai hésité un moment de peur de me faire envahir. En fin de compte, j’ai jeté un coup d’œil discret de la terrasse pour ne pas me faire voir. J’entendis alors une voix forte, tonnante, assourdissante et écumeuse qui me dit :
-Azor ! Tu as oublié ton ami de trente ans !!! Ça fait deux ans déjà traître.
J’ai reconnu hélas un ami que j’ai laissé de côté un bon bout de temps.
-AT mon ami !!!! C’est bien toi ?
-Oui c’est moi ton ami de longue date. Moi je n’oublie pas tu sais. L’amitié est vitale pour moi.
-Depuis l'époque où tu avais jeté ma barque que tu avais mis en morceau sur le continent, j'ai essayé de t'oublier et ne pas te tenir rancune. T'en rappelles-tu?
-Oui je me rappelle fort bien. Mais quels étaient tes propos arrogants d'alors? T'en rappelles-tu toi aussi?
-Aucun souvenir
-Tu me traitais de porteur éternel de ta barque et de tes désirs, car c'est toi qui est au dessus et moi en dessous et que je devais supporter tes exigences. ça m'avait mis en colère et j'avais chargé mes vagues et mes hommes de main de briser ta barque et de te renvoyer sur ta terre ferme. Je t'avais puni pour ton arrogance et ton ignorance. Sache que je suis le plus fort et le prédominant, mais aussi le plus miséricordieux et nourricier sur notre planète!!!!

-Désolé At, je ne t'en ai jamais tenu rigueur, et je ne t’ai jamais abandonné dans mes pensées, mais les aléas de la vie de l’homme que je suis ont fait que je te quitte et que je repars dans ma montagne natale, mon berceau de l’enfant Azor. Mais comment as-tu su que j’étais ici à Moulay ?
-Ma population de surface comme des abysses m’a averti de ta présence sur mon territoire.
-Mes amitiés à ton monde du silence que je respecte profondément jusqu'à ses abysses mon ami l’océan.
-Il y a quelques jours j’avais décidé d’étendre mes flots, mon pouvoir que mes confèrent les vagues jusqu'à Meknès pour te rendre visite et savoir ce que fait de toi cette ville maudite et miséreuse dans son cœur. Tu m’aurais consulté, je ne t’aurai jamais permis de demander asile à cette ville délabrée.
-Merci de penser à moi en ces moments difficiles où je me cramponne à cette petite bourgade balnéaire qui fait partie de ton fief mon ami.
-Azor ! Tu es un garçon vaillant, courageux et généreux de cœur ! Ma population m’a avertie de ta présence sur mon territoire, alors je viens te recevoir en ami que tu as été à quelques conditions que j’exècre à t’imposer.
-Lesquelles At. mon ami ? Conseille-moi, sois mon gourou, l’étoile qui me guidera désormais à mon vieil âge dans le désert affectif que je traverse en ces moments difficiles et incertains de ma vie de baroudeur que j’ai été. Ordonne, j’exécuterai à la lettre en bon soldat que tu as connu.
-Bien Azor mon ami. Je serai désormais près de toi pour te protéger, te conseiller et t’accompagner vers le meilleur, le chemin de la sérénité et de la paix de l’âme. Tu mérites bien mieux que ça.
-Merci AT. mon ami. Que dois-je faire alors ?
1-Débarrasse-toi de la fille Zniber. Ramène-la chez son père à Meknès. Je t’offre l’assistance de mes requins, ils la ramèneront chez elle à coups de nageoires ; ainsi, elle n’osera plus revenir te provoquer. Débarrasse-toi d’elle, elle entraînera dans sa chute tout ce peuple miséreux et affamé de meknassis de souche, jaloux et ingrats. Que peux-tu attendre de cette faune affamée mon ami. Souviens-toi !!!!
Ils ont vidé tes entrailles (tes poches), vicié ton atmosphère bio pour laquelle tu as combattu longtemps (Ton cerveau clean). Ils ont enfin tué en toi tout sentiment d’amour et de compassion que tu avais par le passé pour les tiens, les hommes de bonne volonté que tu avais côtoyés.
-Mais je serai malheureux tout seul AT !!!
-Non je serai toujours là omniprésent Azor. J’ai les côtes et les tentacules larges et puissants.
-Et comment ? Dis-moi et rassure-moi
-Promène-toi sur mes rivages, les rayons du soleil te transfigureront, mes vagues lécheront tes pieds pour calmer leurs maux.
-C’est sublime, mais me suffiront-ils pour combler le vide que j’ai au fond de mon âme d’errant et de solitaire ?
-Reprends ton sport préféré, la pêche en bord de mer. Tu verras que mes poissons aguerris se joueront de toutes tes astuces d’Azor le pêcheur d’antan. Mais comme tu as cette fois-ci ma bénédiction, ils collaboreront à te faire plaisir.
-J’ai peur ami AT. que ça ne me sera d’aucune utilité tout de même
-Je t’offre alors toutes les créatures fabuleuses de mon royaume, les sirènes incluses. Elles se mettront à genoux à tes pieds, les mains et les queues liées. Tu seras alors le Noé de mon royaume. N’est-ce pas beau et tentant Azor, mon ami le petit berbère dont je regrette beaucoup l’absence ?
-Merci mon ami pour l’accueil et tous tes conseils précieux AT. Je suis de retour maintenant sur ta côte, j’y reste et je m’habituerai à ta visite quotidienne tous les matins à mon réveil
-Ce ne sont point des conseils Azor ; ce sont des ordres. Réveille-toi, lève-toi et marche vers l’Atlantique ton ami sans regarder en arrière. Il sera toujours là, lui et son peuple des abysses pour te soutenir et t’aimer…Tu es digne de notre estime qui est séculaire.
Pris au dépourvu, Azor réfléchit un court moment sans le faire voir comme à son accoutumée de soldat averti. Il dit alors à AT :
-Mais AT !!!!!
Il se tut, leva la tête vers le ciel, et regarda les monticules environnants comme pour les interroger.
-Dis toujours Azor !!!! Je te vois inquiet et indécis. Confie-toi à ton ami
-Je pourrai un jour repartir voir El Aderj montagnard, mon beau pays s’il me rappelle ?
-Bien entendu, mais à une condition.
-Encore !
-Oui. Je t’ai promis de te purifier avec l’aide de ma population marine, et mon eau salée, alors je ne te permettrai plus de te faire réinfecter de nouveau par les gens des terres plates et hautes.
-Alors laquelle mon ami ?
-Tu rejoindras El Aderj sans traverser les terres qui ont souillé ton âme de jeune berbère et dégoûté de la vie à ce point (Meknès la maudite en tête).
-Tu m’étonnes ; comment dois-je y arriver ?…
-Non n’en dis pas plus. Je mets un terme à tes préoccupations.
-Comment ?
-Tu as volé longtemps à bord des aéronefs des Forces Royales Air marocaines ?
-Oui ! Mais où est la relation alors avec notre problème ?
-Tu prendras un hélico des FRA, et tu te poseras sur le mont El Aderj sans toucher le sol ingrat et souillé de Meknès.
-Mais je n’ai plus les moyens AT ; tu sais que je suis à la retraite nom de dieu ou nom de Poséidon ! Je ne suis plus des leurs mon ami.
-Bien calme-toi et réfléchissons un instant.
Atlantique s’éloigna un moment la tête baissée, les mains derrière le dos. Il semblait inquiet et sévère à la fois. Je l’ai vu se parler à lui-même en descendant et en remontant sur le sable mouillé, tel une déferlante.
Il revint et me dit d’un ton réjoui cette fois-ci :
-Azor ! J’ai la solution pour toi. J’ai rassemblé mon état-major de crise, nous avons débattu de ton cas.
-Alors ? L’enfer pour ton ami ? Je suis prêt à m’y baigner, faute de l’océan !!!
-Imagine-toi mon ami que la majorité du staff sont de connivence avec toi. Ils veulent tous ton salut, sauf la chevrette.
-Pourquoi cette négresse ? Que lui-ai-je fait ?
-Elle prétend qu'enfant tu l’avais dépucelée dans les montagnes d’El Aderj sans le consentement du bouc son papa.
-Scandale !!!! Je me plaindrai de ces allégations auprès de l’instance suprême des droits de l’homme au Maroc.
-Comment prouveras-tu le contraire mon ami ? Elle aura d’autres femelles témoins pour casser ton procès.
-Elle ne peut en avoir. Jamais je n’ai couché avec une parmi elles. Ma prédilection d’enfant a été portée sur les filles de Jésus à la peau blanche, pas noire.
-Non mais Azor mon ami tu vas loin cette fois-ci. Tu prétends que nos filles qui grimpent au sommet des oliviers et des arganiers pour trouver pâture sont de peau noire ? C’en est de trop Azor
-Solution alors mon ami et protecteur ?
-J’ai un de mes hommes de main insaisissable, incontrôlable, plus versatile que tu ne l’es, il est prêt à t’amener à El Aderj en un clin d’œil, et en un coup d’aile sans que tu foules les sols souillés qui te séparent de ton fief si bien aimé. El Aderj.
-Tiens !! Je n’en connais pas un seul à ce jour. Accouche ; tu commences à m’irriter et tu sais quand je m’énerve, je peux te boire d’un coup de langue mon ami, comme je fais avec la fille Zniber.
-Hi Hi je vois que tu t’énerves pour pousser la plaisanterie au point de m’engloutir moi AT. l’océan ?
-T’énerves pas mon ami on discute non ? Tu es là pour me protéger ou m’anéantir ?
-Bon je te propose alors EXOCET, mon ange ailé. Un bond miraculeux hors de l’eau et il te débarque sur le mont El Aderj. Ça te va ?
-Oh doucement ! Exocet je connais. Tu oublies que je suis officier mécanicien armement avion. Je connais ton protégé, mon supposé ange-gardien. Il est dangereux, versatile, perfide et explosif.
-Rassure-toi Azor mon cher ami. Il sera ton assistant et ton fidèle serviteur tant que tu es là à Moulay, et c’est pour ça que j’ai quitté exceptionnellement la côte pour venir à ta rencontre.
-Vieux soldat que je suis, je commence à comprendre maintenant.
-Dis-moi mon ami
-Tu es venu dans l’intention de me faire quitter la côte et rejoindre El Aderj non ?
-Tu restes aussi compliqué qu'à notre première rencontre à Salé en 74. Tu ne changes pas, et ça ne m’étonne pas. Tu es de la graine d’El Aderj
-Comment ?
-Je te propose non pas de quitter la côte que je t’ai offert dés le début de notre rencontre, mais c’est pour faire remonter ta côte si tu vas à El Aderj
-Pas question ; je suis à MOULAY et j’y reste. Tu te retires de là où tu es venu, je veux dire ta côte que tu t’es façonnée en l’absence des maures mes ancêtres, où je les rappelle pour te mater. Il suffit que je sonne le glas en disant :
-OUTFN  IÂADAOUN  DITMOURT ADADDA !!!!!!!
-Azor tu es chez toi ici et nous voulons que tu y restes et que tu t’y intègres. Nous t’aimons enfant du pays.
-Merci At le généreux.

*La fille de Zniber : Une parmi nos bouteilles de rouge que nous aimons siroter au Maroc, le pays béni par le soleil et la vigne. Mes préférences : -Château Ghoslane et Bonassia). Actuellement elle reste ma seule compagne. Disponible et docile, elle ne se plaint jamais et se laisse vider sans rechigner.

*AT : L’océan Atlantique qui baigne le Maroc qui m’a nourri en poissons et bronzé les étés. En effet, j’ai vécu à Salé, Mohammedia, Skhirat, Tanger, et enfin de compte, je reviens vers ce géant qui garde jalousement mon pays sur 3 000 km après 2 années sabbatiques passées dans cette maudite ville de Meknès que j'ai fini par exécrer, non sans regret, vues l'ingratitude et la mesquinerie de ses enfants d'origine.

Je suis à MOULAY BOUSELHAM à cette heure-ci et j’aime les balades sur la plage, le lagon, et la campagne environnante. J’ai la paix finalement. Que Dieu te pardonne toi le Cheikh de Meknès LHADI BENAISSA. Conseille tes compatriotes Meknassis de prendre soin de leur ville, elle est délaissé et délabrée.

                                      Mes journées à Moulay Bouselham 
Je suis littéralement séduit par les plages sauvages interminables de sable fin de coquillages, et les forêts d'eucalyptus de ce beau site. Tous les jours je les parcours inlassablement me gorgeant d'air frais et d'iode, à l'abri de toute pollution.
Par un beau jour de mars, ensoleillé et frais, j'ai eu une pensée affective à une ancienne maîtresse dont je m'étais séparé suite à certaines contraintes et priorités que la vie impose parfois aux hommes.
Il s'agit d'une dame respectueuse, élancée, élégante, souple et nerveuse qui a toujours été à mon écoute par le passé. C'est ainsi que j'ai décidé ce jour de renouer avec elle et de partir à sa recherche. Elle saura sûrement m'éloigner du moins pendant toute la journée de ma maîtresse actuelle, la fille Zniber. Je vous la présente chers amis. La voici en bord de mer: Ma...............................Canne à pêche en véritable bambou.

À suivre



Merci à tous mes amis qui vont me lire.
Votre ami Azor, le petit berbère



"Sachou" : Nom berbère équivalent au Tellis en arabe. Il s'agit de 2 sacs en poil de chèvre, tissés d'une seule pièce par les femmes berbères, à l'image d'une sacoche de vélo. Chaque poche pèsera jusqu'à un quintal une fois chargée de blé. Sachou, est chargé sur le dos du mulet, un sac pendant de chaque côté, soit 200 kilos. Un mulet bien nourri et entretenu, fait des kilomètres en montagne, chargé ainsi de jour ou de nuit, il ne trébuche pas, et ne se plaint jamais. Il est le compagnon préféré du berbère des montagnes, et l'image personnifiée de l'endurance.
*"ARAZAL", chapeau à rebords larges, fait en feuilles de palmier nain. Léger et souple, il déborde sur les épaules et la nuque du moissonneur pour le protéger des brûlures du soleil. *Balle : enveloppe de la graine dans l'épi *Tazzrt : Fourche à trois dents, taillée en une seule pièce dans une branche de chêne, soigneusement séchée, avant de la façonner, pour éviter les fissurations et l'effet de torsion. Elles durent des années et servent également pour le ramassage des foins sur les champs, au printemps. Haddou, l'oncle d'Azor, était l'artisan d'occasion qui se chargeait de la fabrication de ces fourches, ainsi que des charrues, des cuillères et d'autres objets en bois. *Tsammrt : Terrasse aménagée derrière les maisons berbères, elles reçoivent les derniers rayons de soleil qui favorisent les retrouvailles. Les familles aiment s'y retrouver avec d'autres villageois pour y apprendre les dernières nouvelles de la journée. C'est un peu les forums sur le Web de nos jours, quand les internautes se retrouvent les soirs pour se soulager de leur stress quotidien.